Québec 2022 : les scénarios catastrophes des partis

Le script des prochaines élections générales est déjà écrit ? Peut-être, mais cela n’empêche pas l’imprévisible, comme une campagne qui part en vrille. Imaginons à quoi ça pourrait ressembler. 

montage : L’actualité

À chaque campagne électorale que j’ai couverte depuis la création de Qc125, des journalistes m’ont posé cette question : « Quelles seraient les surprises auxquelles nous ne nous attendons pas ? »

Évidemment, si nous nous y attendions, il ne s’agirait pas de surprises, alors permettez-moi de reformuler cette question : quel serait un scénario désastreux improbable, mais tout de même plausible selon les chiffres actuels, pour chacun des partis ?

Pour y répondre, je vous invite à un exercice de politique-fiction (sachant que parfois, la fiction dépasse la réalité). Ces scénarios sont peu probables, mais pas impossibles du tout. Il suffit d’un élément déclencheur inattendu qui provoque une réaction en chaîne et puis… boum !

Voici donc les scénarios cauchemardesques pour chacun des partis.

CAQ : « Oups, je l’ai échappée »

La Coalition Avenir Québec trône au sommet des intentions de vote depuis son arrivée au pouvoir en octobre 2018. François Legault se hisse régulièrement parmi les premiers ministres provinciaux les plus appréciés de ses électeurs, selon les sondages — jusqu’à 80 %-85 % durant les pires moments de la pandémie. Bien que ces taux de satisfaction historiques soient retombés à des niveaux normaux dans les derniers mois (le plus récent sondage Léger l’établissait à 57 %), il va sans dire que n’importe quel gouvernement sortant rêverait d’entrer en campagne électorale sur de telles bases.

Alors, comment la CAQ pourrait-elle « l’échapper » au cours de l’été, puis s’enfarger avant la ligne d’arrivée à l’automne ? Il y a de très nombreux « si » dans un tel scénario, mais ils sont plausibles. Voici comment les astres devraient s’aligner pour que ce cauchemar devienne réalité :

  1. Le vote libéral à Montréal, à Laval et en Estrie récupère quelque peu, par la grâce d’un ralliement de dernière minute des électeurs libéraux derrière leur formation.
  2. Le Parti québécois parvient à rassembler et mobiliser les électeurs souverainistes, toujours assez nombreux pour représenter la deuxième force politique au Québec, avec un tiers de l’électorat.
  3. Éric Duhaime et son Parti conservateur revitaminé par sa présence sont sous-estimés dans les sondages, comme ça a été le cas lors de la partielle dans Marie-Victorin, le printemps dernier.
  4. Gabriel Nadeau-Dubois offre une performance « déculottante » aux débats des chefs (il en est capable).
  5. La CAQ mène une mauvaise campagne où le chef glisse sur les pelures de banane déposées par ses adversaires et sur… les siennes, puis se reprend, puis s’excuse et perd patience avec les médias.

Bref, quelque chose comme la campagne désastreuse de Pauline Marois en 2014 avec le Parti québécois, où tout, mais absolument tout, avait suivi les règles de la loi de Murphy.

Dans ce cauchemar caquiste, la CAQ échappe de justesse sa majorité à l’Assemblée nationale et doit maintenant composer avec les partis d’opposition.

Sortez votre popcorn pour la suite. François Legault tenterait-il de signer un pacte avec le PQ ? Le cas échéant, qu’arriverait-il aux députés et ministres de l’aile fédéraliste de la CAQ ? Ou entrerait-il en pourparlers avec Dominique Anglade afin de former une alliance temporaire ou de conclure une entente de coopération ? Une telle association serait virtuellement impensable avec Éric Duhaime et son nouveau caucus d’une poignée de députés, dont les circonscriptions s’étendent de Chauveau à Beauce-Sud dans ce scénario fictif…

PLQ : « About the QLP »

Le vote libéral francophone s’est effondré depuis 2014. Et il pourrait s’effriter encore plus d’ici le 3 octobre. C’est le début du scénario cauchemardesque pour Dominique Anglade et son vénérable parti. Car à cette possibilité s’ajoute celle de la désertion des électeurs anglophones et allophones libéraux aussi, déçus de la performance de la cheffe et des va-et-vient du PLQ sur la loi 96. Ils restent à la maison ou optent pour Bloc Montréal, la nouvelle formation de Balarama Holness, candidat arrivé en troisième place à l’élection à la mairie de Montréal en 2021. Certains d’entre eux, titillés par les politiques de droite d’Éric Duhaime, jettent même leur dévolu sur le Parti conservateur.

Or, la perte de ces quelques milliers de votes traditionnellement assurés au PLQ fait particulièrement mal dans la récolte de sièges : le PLQ subit de lourdes défaites à Laval, Maryse Gaudreault s’incline en Outaouais et les deux circonscriptions de Brossard, Laporte et La Pinière — toutes deux fidèlement libérales depuis des décennies —, passent aux mains de la CAQ.

Sur l’île de Montréal, c’est l’hécatombe : non seulement chacune des batailles serrées échappe au PLQ (Anjou–Louis-Riel, Maurice-Richard, Verdun), mais des châteaux forts comme Marquette, Marguerite-Bourgeoys et Notre-Dame-de-Grâce tombent les uns après les autres. Même la cheffe Dominique Anglade perd sa circonscription de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Dans ce naufrage libéral, le PLQ devient réellement le parti du West Island.

Pour en rajouter une couche, Holness cause la surprise dans Notre-Dame-de-Grâce et, une fois élu, se dit le seul défenseur de « la nation montréalaise », qui a droit elle aussi à l’autodétermination — un mal de tête dont le PLQ n’avait aucunement besoin pour sa reconstruction.

Le PLQ s’est relevé de plusieurs défaites au cours de son histoire, mais celle-là transforme profondément le parti, qui ne parvient plus à recruter des candidats de qualité parmi l’électorat francophone. Il pourrait ne pas s’en remettre.

QS : « L’effet bof »

Après des gains notables aux élections d’il y a quatre ans, alors que le parti de gauche a enfin percé en dehors de l’axe immédiat de la rue Saint-Denis, Québec solidaire semble avoir atteint, au mieux, un plateau pas royal. Au pire, il pourrait avoir perdu des plumes. En nombre de sièges, les projections actuelles montrent que QS devrait maintenir la plupart de ses acquis, mais son potentiel de croissance reste limité.

Si QS a pu causer la surprise en 2018, c’est que son électorat lui a été solidaire, le parti bénéficiant d’une participation à son vote bien plus élevée que lors des scrutins précédents. Par ailleurs, la prochaine campagne sera la première avec Gabriel Nadeau-Dubois comme tête d’affiche du parti, alors il se pourrait bien qu’il fasse bouger l’aiguille au cours de ces cinq semaines.

Alors, si la campagne de QS devait déraper et « prendre le clos », ce serait probablement en raison d’une désaffection des électeurs, notamment des jeunes, que le contexte politique actuel — avec une victoire assurée des caquistes — pourrait laisser de glace. Un taux de participation au vote historiquement bas, à des niveaux semblables à ce qui a été observé en Ontario lors des élections de juin dernier (43 % de participation), pourrait faire mal à gauche.

Ne se sentant pas mobilisés par les enjeux de ces élections, les jeunes électeurs bouderaient les bureaux de scrutin et QS essuierait les premières pertes de son histoire. Rouyn-Noranda–Témiscamingue (où la députée Émilise Lessard-Therrien a récemment été mise en vedette dans l’affaire des émissions d’arsenic de la Fonderie Horne), Sherbrooke (où la sortante Christine Labrie affrontera l’ancienne députée fédérale bloquiste Caroline St-Hilaire) et Jean-Lesage tomberaient toutes aux mains de la CAQ.

À Montréal, les circonscriptions de Rosemont et de Laurier-Dorion seraient aussi en danger. Malgré des attentes plus élevées dans Maurice-Richard et Verdun, QS terminerait en troisième place derrière la CAQ et les libéraux. Les scores intéressants (même si non victorieux) de QS en 2018 dans Saint-François, Rimouski et Viau ne se répéteraient pas.

Pire encore pour la formation, dans ce scénario, le Parti québécois aurait une résurgence parmi les électeurs progressistes et le PCQ d’Éric Duhaime finirait devant QS au suffrage universel, ce qui mènerait invariablement à quatre ans de questionnement sur le thème « La gauche est-elle désuète au Québec ? ».

PQ : « Le puits sans fond »

Le cauchemar péquiste se vit bien éveillé : c’est la réalité qui a cours. Un chef impopulaire (ou qui laisse totalement indifférent), des députés vedettes qui quittent le navire, des intentions de vote au plus profond de l’abîme autant au niveau national qu’auprès de l’électorat francophone… Et voilà que la CAQ joue dans le carré de sable nationaliste et linguistique du Parti québécois avec un certain succès populaire. Le PQ, qui a pris le pouvoir il y a moins de 10 ans, se retrouve maintenant cinquième dans les sondages, la position qu’occupait l’éphémère Option nationale de Jean-Martin Aussant (quoi ? qui ?) au scrutin de 2012.

Il est difficile d’imaginer le PQ tomber plus bas, mais, comme me le faisait remarquer un collègue récemment, certains croyaient que le PQ avait atteint son plancher à 25 % en 2014, avant que Jean-François Lisée ne le tire jusqu’à 17 % en 2018. À l’arrivée du nouveau chef Paul St-Pierre Plamondon à l’automne 2020, le PQ flirtait avec des appuis nationaux entre 14 % et 16 %, et se trouve maintenant juste sous la barre des 10 % (en moyenne).

Est-il naïf de penser que le PQ ne peut qu’au pire stagner au niveau actuel et au mieux remonter la pente ?

PCQ : « Un blanchissage »

Le Parti conservateur du Québec dirigé par Adrien Pouliot n’avait obtenu que 1,5 % des suffrages en 2018, mais il est depuis sorti de la marge avec son nouveau chef, Éric Duhaime.

Même si les plus récents sondages placent le PCQ entre 15 % et 19 %, la projection de sièges demeure modeste pour l’instant, car le PCQ attire les faveurs surtout dans la grande région de Québec (principalement les couronnes), où la CAQ avait largement dominé ses rivaux en 2018.

De plus, la division du vote ne joue pas en faveur du PCQ, car, ironiquement, le fait que ni le PQ ni PLQ ne soient projetés compétitifs dans la Vieille Capitale nuit aux chances du PCQ dans plusieurs circonscriptions des banlieues de Québec. Le PCQ est donc coincé dans un face-à-face avec la CAQ, et selon les chiffres actuels, la CAQ détient toujours l’avantage — même si cette avance s’est fragilisée au cours des derniers mois.

Le scénario cauchemardesque du PCQ est simple : Éric Duhaime échoue à se faire élire dans Chauveau, sa formation ne parvient pas à convaincre ses partisans d’aller voter et n’envoie aucun député à Québec.

Sans les restrictions sanitaires musclées des dernières années et le passeport vaccinal comme enjeu, et sans représentation à l’Assemblée nationale, le PCQ redevient graduellement un parti marginal, comme l’est le Parti populaire du Canada de Maxime Bernier sur la scène fédérale.

Les commentaires sont fermés.

je crois que les scénarios pour le PQ et le PCQ ont de bonnes chances de se réaliser. Moins de surprises du coté de la CAQ, de QS et du PLQ.

En tout cas il est claire que l’actualité est en amour avec QS, la gauche et surtout avec Gabriel Nadeau.Désolé de vous l’apprendre , mais il ne marche pas sur l’eau ….
Dommage votre manque de neutralité vous discrédite.