Dominic Vallières a, pendant plus de 10 ans, occupé les postes d’attaché de presse, porte-parole, rédacteur de discours et directeur des communications auprès d’élus de l’Assemblée nationale et des Communes (Parti québécois, Bloc québécois, Coalition Avenir Québec). Il est directeur à l’agence TACT et s’exprime comme analyste politique à QUB radio.
Le récent conseil national postélectoral de Québec solidaire contenait deux éléments contradictoires : une stratégie surprise… et une autre qui, tout au contraire, représente un réflexe vieux comme le monde, digne de ce que ses militants appellent les « vieux partis ».
Pour la première fois de sa jeune vie, la formation politique avait abordé les élections avec des ambitions clairement affichées. Malgré un chef qui n’a pas démérité, malgré une campagne avec de plus gros moyens que les précédentes, les attentes ont été déçues. On parlait d’opposition officielle, on s’est retrouvé avec un gain net d’un siège. Autre première, on a perdu une circonscription, celle de Rouyn-Noranda–Témiscamingue. Ce conseil national avait donc une véritable valeur de test pour Gabriel Nadeau-Dubois.
On constatera d’abord que devant une situation inédite, Québec solidaire a trouvé une première solution on ne peut plus classique.
Quand un parti est insatisfait du résultat d’un scrutin, il opte toujours pour la même stratégie : aller en région ! J’ai fait la petite recension que voici :
- 10 février 2007 : « Le Bloc a oublié les régions »
- 20 octobre 2016 : « Lisée propose un virage à 180 degrés en faveur des régions »
- 30 janvier 2021 : « Le Parti libéral du Québec (PLQ) lance cette fin de semaine une vaste consultation publique dans tout le Québec afin d’élaborer sa charte des régions, qui deviendra son principal outil pour reconquérir l’électorat à l’extérieur de Montréal »
- 11 février 2023 : « Québec solidaire promet de se démontréaliser »
C’est la solution miracle. Sauf que souvent, le malentendu avec les électeurs réside sur des points de contenu, et non pas sur la distance. Je peux comprendre qu’en 1960, des électeurs qui n’avaient pas vu Jean Lesage n’aient pas eu envie de voter pour lui. Mais en 2023, avec les articles de tous les journaux du monde disponibles sur votre tablette ou votre téléphone, les vidéos quotidiennes des chefs sur les réseaux sociaux, on ne peut pas plaider que l’information ne se rend pas jusqu’aux citoyens. Le parti s’interroge dans son rapport interne sur sa capacité à adapter son contenu aux circonscriptions rurales, ou encore sur l’ordonnancement de ce contenu.
On aurait donc priorisé des propositions plus « montréalaises », plutôt que des enjeux plus régionaux. C’est une piste de réflexion valable. Cependant, il faut aussi en réviser certaines. Si ces propositions ne passent pas, c’est qu’elles ne sont pas populaires, on doit donc en prendre acte et arriver avec de nouvelles idées.
Pour « reconnecter » avec les régions, GND doit trouver des personnalités fortes en dehors des cercles montréalais et de la Capitale-Nationale pour porter le ballon solidaire en région, et celui des régions au parti. Comme l’ont déjà fait Louise Beaudoin, qui a fait sortir le Parti québécois (PQ) de son schème de pensée montréalais, ou François Gendron, qui a prêché au PQ tout au long de sa carrière pour la décentralisation du pouvoir vers les régions (il a été député d’Abitibi-Ouest pendant 42 ans).
En plus de dénicher ces porteurs, il doit leur donner l’espace nécessaire à l’intérieur du parti. Toutes les tournées du monde ne changeront pas le résultat si les électeurs ne se reconnaissent pas dans le programme solidaire.
Il est là, le véritable chantier. Si QS prétend être un parti national, il doit trouver une manière de faire cohabiter villes et régions, jeunes et moins jeunes, croyants et laïcs, militants pour la défense du français et citoyens du monde. Le rapport nomme ces enjeux, non sans une certaine lucidité, mais entre le nommer et le faire, il y a tout un monde.
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Au-delà de cette question régionale, QS réservait toutefois une surprise aux observateurs.
Selon mon expérience, lors d’un congrès politique de ce type, tous les débats qui touchent de près ou de loin l’élection — que ce soit le budget, le processus de candidature, les circonscriptions visées, l’analyse des résultats — se fait à huis clos. Seuls les militants, les élus (et un journaliste comme Denis Lessard, de La Presse, qui semblait toujours avoir un magnétophone caché dans la salle…) peuvent avoir accès à ces informations confidentielles.
Pas cette fois. Oui, l’autopsie s’est faite à huis clos. Mais les militants solidaires ont débattu publiquement et adopté une proposition disant qu’il faudra « imposer des candidatures féminines dans des circonscriptions spécifiques dans l’objectif de maximiser la possibilité d’obtenir un caucus paritaire », donc, dans les faits, faire élire davantage de femmes qu’en 2022.
Je n’ai aucun problème avec le fond de la proposition : au contraire, on doit trouver des moyens pour que l’ensemble de la population québécoise soit représentée.
Sauf que sur la forme, c’est un débat qui divulgue de l’information potentiellement préjudiciable au parti ; il aurait donc dû se tenir à huis clos.
L’observateur politique en moi est ravi d’avoir une telle information, vraiment, et de faire part de son analyse à vous et à ses collègues. L’ancien conseiller politique ne peut s’empêcher de grincer des dents à l’idée que, dès le dévoilement des candidatures, une partie de la stratégie électorale de QS sera décodable par tous, puisque, en fonction de la personne qui sera candidate dans une circonscription ou une autre, vous saurez immédiatement si le siège est dans le collimateur du parti. Oups.