L’ardeur avec laquelle la Coalition Avenir Québec (CAQ) et le Parti libéral du Québec (PLQ) tentent chacun de s’arroger le titre de « parti de l’économie » est remarquable. C’est une médaille que les formations aspirant au pouvoir se disputent depuis des décennies. Mais les critères pour l’obtenir semblent plutôt changeants, voire démodés.
Dans les années 1980, sous Robert Bourassa, le PLQ en a fait son ADN en s’appuyant notamment sur l’historique de la construction du Québec inc. ainsi que sur les grands chantiers hydroélectriques.
Sous le tandem Lucien Bouchard-Bernard Landry, le Parti québécois a brièvement ravi le titre aux libéraux, avec des investissements dans le multimédia qui ont entraîné des retombées dont le Québec continue de profiter aujourd’hui.
Mais les libéraux se sont réapproprié l’image par la suite — même si on cherche encore un héritage aux années de Jean Charest. L’équilibre budgétaire ? Au fait, le Plan Nord, qu’en reste-t-il ? En réalité, la question nationale a surtout relégué le PLQ au titre de parti du fédéralisme, contre le Parti québécois, celui de la souveraineté.
L’arrivée de la CAQ en 2012 n’a pas redistribué les cartes immédiatement. Vous vous souvenez du Plan Saint-Laurent ? C’était le grand projet de François Legault pour le développement de l’est de Montréal, une « vallée de l’innovation » comme la Silicon Valley l’avait été pour la Californie. Il prévoyait la décontamination « à coûts nuls » de vastes terrains aux abords du fleuve, financés par leur revente, pour y faire fleurir une nouvelle économie.
Ce serait un euphémisme de dire que ça n’a pas levé. Pendant ce temps, Philippe Couillard marquait le tempo avec son « trio économique » formé de Carlos Leitão, Martin Coiteux et Jacques Daoust, pour doubler le PQ après son court mandat minoritaire.
Les meilleurs acteurs ne sont hélas pas gage de succès. En plus d’avoir piloté des mesures d’austérité éprouvantes, le gouvernement Couillard s’est cassé les dents sur plusieurs dossiers économiques, dont l’investissement de 1,3 milliard de dollars dans la C Series de Bombardier, l’abandon du recours pour forcer Air Canada à effectuer l’entretien de ses avions à Montréal, de même que la perte d’une série de « fleurons » québécois, comme Rona, St-Hubert et le Cirque du Soleil.
Ajoutez justement à cela le départ précipité de M. Daoust dans l’affaire de la vente des actions de Rona par Investissement Québec. Entre-temps, l’image du « parti des médecins » supplantait allègrement celle du parti de l’économie au PLQ : le premier ministre, son secrétaire général et l’omniprésent Gaétan Barrette.
Nous étions pourtant à un moment où l’économie tournait joyeusement. C’est là que François Legault en a profité pour opérer un virage. Exit le Plan Saint-Laurent ; il a proposé son propre trio économique, formé de Pierre Fitzgibbon, Éric Girard et Christian Dubé. Le discours a ensuite mué vers celui de la péréquation zéro et de la réduction de l’écart de richesse avec l’Ontario.
Ce qui a fait dire aux ex-ministres libéraux Nathalie Normandeau et Raymond Bachand que la CAQ avait ravi le titre de parti de l’économie au PLQ.
L’équipe y est pour beaucoup, et c’est précisément ce qui manque à Dominique Anglade pour réussir à ramener la médaille tant convoitée au PLQ. Quand le principal porte-parole économique est un député sortant qui ne se représente pas, malgré les compétences d’ex-économiste en chef de la Banque Laurentienne de Carlos Leitão, quelque chose ne va pas.
Avant la campagne, la cheffe libérale s’était mis en tête de « casser le mythe » d’un gouvernement Legault doué. « Tu ne peux pas te targuer [d’être] le parti de l’économie quand tu ne comprends pas les fondamentaux de l’économie », avait-elle dit en lançant sa plateforme en juin. La citation fait mal depuis que le PLQ a reconnu une erreur de 16,3 milliards de dollars dans son cadre financier.
Pour autant, la crédibilité économique repose-t-elle uniquement sur l’équipe ? Comme je l’écrivais plus tôt dans la campagne, la promesse de balancer les comptes a fait long feu — tous les partis sauf les conservateurs promettent des déficits. Les projets d’exploitation des ressources naturelles n’ont pas davantage la cote, associés tantôt à une opposition sociale insurmontable, tantôt à des dépassements de coûts astronomiques.
Depuis 10 ans, tous les partis prétendent surtout être celui de la classe moyenne — un statut fourre-tout qui a l’avantage de ne vouloir rien dire.
Alors, quelles sont les qualités d’un « parti de l’économie » ? Est-il celui qui réduit les contraintes pour les entreprises ? Ou, celui qui intervient fortement à coups de subventions et de prêts ? Est-ce celui qui promettra des emplois, ou celui qui promettra des travailleurs? Ou n’est-ce finalement qu’une formation qui veut baisser les impôts ?
Il y a bien des défis de bon sens dans cette campagne. Promettre que les plus riches se laisseront dépouiller de 4,5 milliards, comme QS, ou que les pétrolières accepteront de payer une surtaxe d’un milliard sans refiler la facture aux consommateurs, comme le PQ, relève surtout de la pensée magique. Au PCQ, on croit encore à la main invisible d’Adam Smith.
Sauf qu’en pleins changements climatiques, il est stupéfiant de voir que l’économie verte n’a pas plus d’attrait. Tandis que le PLQ échoue à vendre son projet ÉCO, ni le PQ ni QS ne semblent capables d’articuler des projets économiques profitables. Ils sont doués pour promettre interdictions, limitations et pénalités fiscales, mais beaucoup moins pour échafauder des propositions ambitieuses.
On cherche un peu d’audace pour l’économie de demain dans ces programmes.