Qui est responsable ?

Les dérapages de l’État québécois comme du canadien ces dernières années constituent un rappel à l’ordre : relever ne serait-ce que d’un cran le sens général de la responsabilité est une urgence nationale.

Photo : Christian Blais pour L’actualité

La gestion est un art complexe. Amener des humains à ramer ensemble pour atteindre un but commun, en avançant parfois face à des vents contraires et avec des moyens limités, est tout sauf simple. 

Nul besoin d’avoir un MBA pour comprendre qu’une règle s’impose : chacun doit savoir ce qu’on attend de lui, et s’expliquer s’il n’obtient pas le résultat escompté. Et plus le mandat est complexe, plus il est nécessaire que les responsabilités soient claires. Que s’immisce le moindre flou à propos de « qui fait quoi », et c’est le chaos qui guette. 

Or, dans les dernières semaines, l’actualité nous a fourni une pléthore d’exemples démontrant qu’aux plus hauts échelons de gouvernance, cette règle semble difficile à appliquer. 

La SAAQ met en place un système informatique qui permet enfin les transactions en ligne plutôt qu’en succursale. Mais l’opération vire au fiasco, à cause de pépins techniques et d’une planification inadéquate. Avant même d’accéder à la plateforme SAAQclic, créer son compte est ardu : il faut passer par le Service d’authentification gouvernementale (SAG), un processus tellement fastidieux que des clients préfèrent attendre en file pendant des heures. Quand des journalistes interrogent Éric Caire, ministre de la Cybersécurité et du Numérique, il assure que son ministère n’a rien à voir là-dedans. Si le ministère responsable du numérique, qui a conçu le fameux SAG, considère n’avoir rien à voir dans la transition numérique d’une société d’État, à quoi sert-il ?

La triste histoire de l’incendie d’un immeuble dans le Vieux-Montréal, dans lequel sept personnes, dont la majorité avaient fait une location sur Airbnb, ont perdu la vie, a donné lieu à un lamentable jeu de ping-pong. Qui est responsable de veiller au respect des lois par les locateurs affichant des hébergements sur les plateformes en ligne ? Les villes ? Revenu Québec ? Le ministère du Tourisme ? Celui de l’Habitation ? Airbnb ? Il a fallu des jours pour avoir un début de réponse, et encore.

Rebelote après le dépôt du budget par le ministre Eric Girard. Les maires des grandes villes reprochent à Québec de ne pas leur donner assez d’argent pour régler la crise du logement. Le premier ministre Legault rétorque que les villes ne font pas leur job avec l’argent qui leur est versé. Qui a tort, qui a raison ? Probablement tout le monde à la fois. Mais ce jeu de patate chaude n’aide en rien les ménages forcés de rogner sur l’épicerie pour payer un loyer trop cher. 

Il s’agit de problèmes complexes, nécessitant la contribution de multiples organisations, des actions concertées, l’évaluation permanente d’une foule de paramètres pour veiller à l’efficacité des mesures et à l’atteinte des objectifs fixés. Les régler resterait un défi même dans un scénario idéal, avec une collaboration parfaite et l’apport des meilleurs gestionnaires du Québec. Il est impensable d’y arriver si les parties consacrent plus d’énergie à essayer de nous convaincre que « le problème, c’est les autres » qu’à chercher des solutions !

Dans la société en général, il serait bon qu’on valorise davantage la capacité d’admettre qu’on s’est trompé, de dire « on a fait une erreur, et voici la leçon qu’on en a tirée ». Nos gouvernants et les gestionnaires de nos institutions publiques trouveraient sans doute plus aisé d’assumer leurs responsabilités s’ils n’étaient pas accablés d’injures au moindre faux pas.

Récemment, le député démissionnaire Marc Garneau expliquait au journaliste Paul Wells que dans sa carrière d’astronaute, il avait été formé à signaler immédiatement toute erreur, puisque dans l’espace, la vie de l’équipage en dépend. « Cette culture de l’honnêteté et de l’ouverture, dont on a absolument besoin dans le secteur spatial […], j’aimerais qu’elle existe dans tous les domaines, y compris celui dans lequel j’ai fini par me retrouver », disait-il. 

Il est certainement naïf de rêver d’en arriver là dans la gestion de nos gouvernements… Mais relever ne serait-ce que d’un cran le sens général de la responsabilité ne ferait pas de tort.

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Benjamin Richer, chef de pupitre adjoint

On élit des gens d’affaires qui, s’ils travaillaient dans une entreprise privée feraient immédiatement faillite en cas de mauvaise gestion mais qui, au gouvernement, se sentent complètement déresponsabilisés et l’électeur en remet en les réélisant.

Il y a tellement d’exemples de mauvaise gestion que ça ferait un livre de plus de 1 000 pages mais on n’a qu’à penser au célèbre registre des armes longues du ministre libéral Allan Rock qui devait coûter quelques millions $ et qui a fini par coûter des milliards $ alors que ceux qui étaient dans le domaine ne comprenaient pas pourquoi le registre n’avait pas tout simplement été intégré au registre de la GRC sur les armes à autorisation restreinte, un registre qui existait depuis des décennies. Finalement, ce même gouvernement a levé les bras et a abandonné pour le confier à… la GRC. C’est vous et moi qui avons payé ce fiasco et Allan Rock et son gouvernement n’ont jamais été inquiétés.

La mauvaise gestion est répandue dans les gouvernements justement parce qu’il n’y a pas de responsabilité pour ceux qui foirent dans leur travail. J’ai même vu des hauts fonctionnaires qui avaient commis des erreurs monumentales être récompensés par une nomination de juge ou autre poste convoité, simplement pour l’écarter de là où la personne avait foiré.

C’est véritablement une culture de non responsabilité où un politicien peut faire à peu près n’importe quoi sans être inquiété. Souvenons-nous d’un certain premier ministre et de l’affaire Airbus… cela avait fait du bruit même au Mexique car j’y étais à l’époque et un professeur d’université avec qui je discutais de corruption avait répondu que dans son pays les petites gens peuvent en profiter alors que dans nos pays soi-disant avancés, ce ne sont que les gros qui en profitent… Pas fou ce commentaire!

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Bonjour Mme St-Germain votre titre qui est responsable devrait être qui est imputable?
Pcq il y a une grande différence

En espérant quee ministre Dube et sa nouvelle agence de la santé mettre les balises claires pour une imputabilité des gens responsables ce qui changerait sérieusement les façons de faire dans tous le réseau public.
Pcq on a trop de gens responsables mais au final intouchables.
Voilà ce qui manque dans notre système.

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