Pour décrire la valeur patrimoniale de la maison d’enfance de René Lévesque, à New Carlisle, en Gaspésie, le ministère de la Culture écrivait en 2004 qu’elle « symbolise les qualités humaines de ce célèbre journaliste et homme politique qui a gouverné le Québec pendant neuf années et qui est toujours demeuré près du peuple ». Quelque 20 ans plus tard, la métaphore paraît ironique : la maison tombe en ruine.
Abandonnée, l’habitation en planches de bois à clin du 16, rue de Mountsorrel étouffe sous une végétation en friche en plein soleil estival. La peinture blanche est sale, écaillée, affadie. Une gouttière flotte au vent, les bardeaux du toit pèlent et se retroussent un peu partout. Derrière, là où la vue s’ouvre sur le large, les sels marins se sont attaqués aux fenêtres. Même la plaque indiquant qu’il y a ici un « monument national historique » se perd entre les herbes hautes…
Pour trouver ce « lieu de pèlerinage », le visiteur a d’ailleurs avantage à être attentif lorsqu’il arrive à New Carlisle. Le tronçon de la route 132 qui traverse le cœur du village au passé loyaliste a été nommé en l’honneur de l’ex-député et ministre libéral Gérard D. Levesque, dont le parcours s’est étiré sur 37 ans à Québec. Son ami René Lévesque, fondateur du Parti québécois et plus grande figure du mouvement indépendantiste, a droit quant à lui à un bout de rue de moins de 500 m, qui descend discrètement vers la baie des Chaleurs.
C’est donc un peu sur la pointe des pieds que New Carlisle reconnaît la contribution de son fils le plus célèbre, né il y aura 100 ans en août 2022. Le principal lieu de commémoration de l’ancien premier ministre, un espace qui porte son nom, n’a ouvert ses portes qu’en 2018 — et essentiellement grâce aux efforts d’une fondation privée. « Il y a toujours eu un clivage entre New Carlisle et René Lévesque », raconte le documentariste Luc Cyr, planté dans le jardin de ce musée qui donne sur la mer. « Pour la raison fondamentale qu’il était souverainiste, et que New Carlisle ne l’a jamais été ! »

L’héritage de René Lévesque à la télé
Suivez la quête de notre journaliste dans le documentaire Qui se souvient de René Lévesque ?, réalisé par Louis Asselin et produit par L’actualité et Les Productions Bazzo Bazzo, en collaboration avec Télé-Québec.
Le mercredi 9 février, 20 h, à Télé-Québec, puis gratuit en tout temps à telequebec.tv.
À la lumière de tout cela, il y aurait lieu de se demander qui se souvient de René Lévesque, 35 ans après sa mort. Et ce qu’il reste de son héritage, par le fait même… Sauf que les apparences sont ici trompeuses.
Un grand sondage de la maison Léger commandé par L’actualité en amont de l’anniversaire de la naissance et du décès de l’ancien premier ministre montre en effet que sa mémoire est bien vivante. Peut-être même plus forte que jamais : dans l’imaginaire collectif, il y a René Lévesque, puis les autres. Deux Québécois sur trois estiment qu’il a été le premier ministre « le plus marquant » depuis 1960. La moitié des non-francophones pensent de même. Robert Bourassa, avec un curriculum vitæ qui s’échelonne sur quatre mandats et qui ne manque pas de réalisations importantes, se classe deuxième, très loin derrière. Pour chaque vote recueilli par Bourassa, il y en avait huit pour Lévesque…
Jean Lesage, dont les deux gouvernements ont propulsé le Québec sur la voie de la Révolution tranquille, obtient à peine 4 % des votes. Les 10 autres premiers ministres — notamment Jacques Parizeau, Lucien Bouchard, Bernard Landry, Jean Charest et Pauline Marois — récoltent des appuis qui se situent dans la marge d’erreur. À l’échelle des sondages, c’est un raz-de-marée Lévesque.
Cela fait certainement écho au souvenir vif que la personnalité de ce politicien atypique a laissé. Mais aussi au rôle central qu’a joué René Lévesque dans la construction du Québec moderne. Parce que l’inventaire des réalisations de son gouvernement durant le premier mandat (1976-1981) n’a pas vraiment d’égal dans l’histoire du Québec — sauf, peut-être, celui de l’« équipe du tonnerre » de Jean Lesage (1960-1966)… dont René Lévesque a justement été l’une des vedettes avant de fonder le Mouvement souveraineté-association en 1967, puis, l’année suivante, le Parti québécois. Le contexte se prêtait certes à des réformes majeures — beaucoup restait à construire après le premier élan donné par la Révolution tranquille. Mais encore fallait-il penser les choses et les mettre en œuvre. Et cette impulsion est venue de René Lévesque.

La nationalisation de l’électricité au temps des libéraux (1962-1963) et l’adoption de la Charte de la langue française (1977) sont toujours citées en tête de liste du grand héritage de René Lévesque. Mais il y a aussi les lois sur l’assurance automobile, le zonage agricole, la protection de la jeunesse, le financement des partis politiques, la protection du consommateur, la santé et la sécurité au travail, l’interdiction du recours aux briseurs de grève… Toutes de gros morceaux. Il y a ensuite la reconnaissance des droits ancestraux des Premières Nations — l’Assemblée nationale a reconnu en 1985 l’existence de 10 nations, et « pressait » le gouvernement de conclure des ententes leur garantissant notamment l’exercice du droit à leur culture, leur langue et leurs traditions. Soulignons également la création du ministère de l’Environnement et du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). L’abolition des clubs privés de chasse et de pêche. L’obligation pour les tavernes d’ouvrir leurs portes aux femmes. La modification de la Charte des droits et libertés pour interdire la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle (avant toute autre province au Canada). La constitution du Fonds de solidarité des travailleurs du Québec (FTQ). Partout, des initiatives au long cours.
À plusieurs égards, les décisions des deux gouvernements Lévesque ont ainsi changé la réalité et le fonctionnement du Québec. « Nous avons les pieds sur les pierres qu’il a posées », résumait joliment en 2017 un de ses successeurs à la tête du PQ, Jean-François Lisée. L’héritage est concret, mais il est aussi en partie psychologique : avoir inculqué aux Québécois une confiance en eux-mêmes. René Lévesque, en somme, a rehaussé le niveau d’ambition du Québec.
« Pour moi, ça reste le plus grand des politiciens d’ici », affirme le premier ministre François Legault, qui multiplie les références à René Lévesque dans ses interventions. « La chose la plus importante qu’il nous a laissée, c’est la fierté d’être québécois. C’est ce qui permet de mener des combats [collectifs] en économie, de lutter contre les changements climatiques ou la pandémie. Partout. Quand on est fier d’appartenir à un peuple, ça nous donne la force de gagner dans tous les domaines. »
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Lorsque le Parti québécois arrive au pouvoir, en 1976, le Québec est mûr pour un changement de garde politique. Dans sa biographie en quatre tomes de Lévesque (René Lévesque, un homme et son rêve, Boréal, entre 1994 et 2005), le journaliste Pierre Godin résume « l’héritage compromettant » de Robert Bourassa, et le portrait n’est pas rose : « dépassement faramineux des coûts des aménagements hydroélectriques de la Baie-James, déficit olympique astronomique, violence syndicale marquée par l’emprisonnement des chefs des trois centrales, adoption d’une politique linguistique [la Loi sur la langue officielle, communément appelée loi 22] qui déchire le Parti libéral ». Selon René Lévesque, une « véritable tempête de corruption et de tripotage des fonds publics » souffle alors sur le Québec.
C’est dans ce contexte particulier qu’arrive une équipe cinq étoiles — le premier cabinet Lévesque se révèle une somme de talents exceptionnelle, avec Jacques Parizeau, Lise Payette, Jean Garon, Marc-André Bédard, Denis Lazure, Camille Laurin, Bernard Landry, Claude Charron… — qui imprime un rythme étourdissant à son action législative. La plupart des observateurs s’entendent pour situer ce mandat et ce conseil des ministres sur la première marche d’un podium politique virtuel.
Les Québécois n’en pensent pas moins, montre notre sondage : trois sur quatre dressent un bilan « positif » des années où Lévesque fut premier ministre — y compris lors du deuxième mandat, qui fut pourtant beaucoup plus difficile.
Après des « années magiques » où l’on a enchaîné les grandes réformes, la crise économique accapare l’attention du gouvernement dans ce deuxième mandat, de 1981 à 1985. L’inflation et le chômage explosent : la récession frappe durement.
Plusieurs affrontements surgissent. D’abord avec Pierre Elliott Trudeau, autour de ce qu’on appellera la Nuit des longs couteaux, cette conférence constitutionnelle de 1981 de laquelle le Québec sortira isolé. Puis avec les syndicats et les syndiqués du secteur public : en 1983, le gouvernement impose des baisses salariales de 20 % à ses employés. Il adopte aussi une « loi matraque » pour forcer le retour au travail des enseignants dans les écoles et collèges publics — entre le PQ et le mouvement syndical, une cassure apparaît. Finalement, un bras de fer s’engage entre René Lévesque et son propre parti, Conseil des ministres inclus, qui se déchirent autour de son concept de « beau risque » en 1984 (l’idée est de négocier un fédéralisme renouvelé avec le gouvernement du Canada dirigé par le conservateur Brian Mulroney).
Ce fut une fin de règne tumultueuse, avec un René Lévesque en apparent surmenage professionnel. Mais rien qui, près de quatre décennies plus tard, ne semble nuire à la cote de respect de l’ancien chef péquiste.
Au jeu de l’importance des choses, l’adoption de la Charte de la langue française en 1977, le référendum de 1980, la nationalisation de l’électricité et la fondation du Parti québécois représentent ses legs majeurs, selon notre sondage (plus d’une réponse était possible).
La loi 101, qui a fait du français la langue de l’État, de l’enseignement, du commerce et des affaires, a certainement redéfini le Québec — même si René Lévesque est toujours resté ambivalent à son égard. D’une part, elle touchait aux droits des minorités, ce avec quoi il n’était pas à l’aise. Et « seule une société coloniale » a besoin d’un tel instrument pour protéger sa propre langue, disait-il. Mais son ministre Camille Laurin a défendu vigoureusement le projet, quitte à l’adoucir un peu, et le premier ministre a appuyé le tout. Peu de lois dans l’histoire eurent un effet aussi profond sur la société québécoise. Un exemple : de 1976 à 2015, la proportion des élèves de langue maternelle autre que le français qui allaient à l’école en français est passée de 20 % à près de 90 %.

Quant à la nationalisation de l’électricité — un dossier du gouvernement Lesage, porté et incarné par René Lévesque —, elle paraît encore de nos jours le morceau d’héritage le plus structurant de la carrière politique de Lévesque. C’est le gouvernement libéral d’Adélard Godbout qui avait entrepris la nationalisation et créé Hydro-Québec en 1944. Mais la « vraie » nationalisation a demandé près de deux décennies de plus et a été d’une tout autre ampleur : les 11 grandes entreprises qui se partageaient le marché de l’électricité ont été avalées par Hydro-Québec.
« Ça a été un outil de création de richesse incroyable pour le Québec », relève Pauline Marois, première ministre de 2012 à 2014. « Non seulement par la consommation de ce produit [en 2020, la contribution d’Hydro-Québec aux revenus de l’État a été de 3,6 milliards, dont 1,7 milliard en dividendes], mais aussi par la naissance d’entreprises au Québec qui ont essaimé dans le monde parce qu’on a développé de l’ingénierie, de la recherche… »
La mise sur pied du régime d’assurance automobile du Québec est également considérée comme une des plus importantes initiatives du premier gouvernement Lévesque. Jusque-là, le régime privé québécois était à la fois le plus cher au Canada… et le moins généreux en dédommagements. Selon les données de l’époque, un conducteur sur cinq roulait sans assurance, et un tiers des victimes d’accidents automobiles ne touchaient aucune indemnité.
Le mandat confié à Lise Payette, une des deux seules femmes du Conseil des ministres à ce moment-là, n’était pas aisé. « On s’attaquait à une vache à lait » pour les avocats du Barreau, notait René Lévesque dans ses Mémoires (Attendez que je me rappelle…, Québec Amérique, 1986). « Ils retiraient jusqu’à une bonne moitié de leurs revenus des accidents de la route, et, plus souvent qu’à leur tour, n’hésitaient pas à s’acoquiner avec l’assureur pour éterniser les procédures jusqu’à ce que le client découragé finisse par laisser tomber son recours. »
La loi adoptée en 1978 imposait au privé de s’occuper de la ferraille, alors que l’État assurait les personnes. Le no-fault (l’assurance sans égard à la responsabilité) était né, et demeure en vigueur — même si des débats cycliques remettent en question sa pertinence.
Selon ce principe, tous les accidentés de la route, sauf de rares exceptions, ont droit à une indemnisation de la Société de l’assurance automobile du Québec, peu importe leur responsabilité. Quatre décennies plus tard, la SAAQ est perçue positivement par environ 90 % de la population, montrent les sondages de suivi que mène la société d’État. « On a été le premier État à mettre en place une loi comme ça, avec le no-fault », rappelle l’historien et politologue Jean-Charles Panneton, auteur de deux livres sur Lévesque (Le gouvernement Lévesque, tomes 1 et 2, Septentrion, 2016 et 2017). « C’était très novateur, et cette loi demeure très efficace. »
L’initiative dont René Lévesque était le plus fier — la loi qui réglemente le financement des partis politiques — passe aujourd’hui largement inaperçue auprès de la population, selon notre sondage.
De nos jours, le modèle de financement des partis politiques mis en place par le gouvernement Lévesque est encore cité comme une référence. Mais à l’époque c’était une sorte de révolution.
Martine Tremblay, qui a travaillé de très près avec René Lévesque dans différentes fonctions entre 1971 et 1987 (notamment comme directrice de son cabinet en 1984-1985), rejoint plusieurs voix lorsqu’elle affirme que c’est une loi fondamentale. « Elle a introduit un modèle et une culture, une façon, une exigence politique qui ne s’est pas démentie par la suite. On est encore aujourd’hui assujetti aux bases de ce qu’il a voulu établir comme financement en 1977. »
L’idée était d’assainir les mœurs politiques en éliminant « le poison destructif et corrosif » des caisses occultes, ces importantes sommes d’argent fournies aux partis en échange de toutes sortes de faveurs — contrats, nominations, subventions — sans que le public le sache.
L’adoption de la loi a modifié en profondeur les pratiques. Les partis sont tenus de dévoiler leurs états financiers. Les entreprises, les associations ou les syndicats ne peuvent plus contribuer : seuls les électeurs sont autorisés à verser de l’argent aux formations politiques. Le montant des dons est plafonné à 3 000 dollars par année. L’État y met du sien en assurant un soutien financier aux partis politiques et en offrant des crédits d’impôt aux donateurs. Notons qu’en 2012, une réforme de la loi a fixé à 100 $ le montant maximal qu’un électeur peut verser à un parti (pour éviter le recours à des prête-noms). On a du même coup aboli le crédit d’impôt aux donateurs.
De nos jours, le modèle mis en place par Québec est encore cité comme une référence. Le gouvernement fédéral a notamment adopté un système semblable en 2003. Mais à l’époque, c’était une sorte de révolution. Et quand René Lévesque parlait de cette réforme à l’étranger, il donnait l’impression d’être un « Martien politique », raconte-t-il dans ses Mémoires.
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Au milieu de la grange moderne où une cinquantaine de vaches suisses brunes fournissent le lait de la fromagerie Au Gré des Champs, Daniel Gosselin se rappelle l’incidence réelle qu’a eue sur sa famille l’adoption en 1978 d’une tout autre réforme. « Quand la Loi sur la protection du territoire agricole est passée, ça a freiné le développement en face. »
Seulement 6 % des répondants du sondage ont choisi cette mesure, mais c’est l’une de celles dont les effets se font sentir le plus concrètement à l’heure actuelle — il serait bien difficile de parler d’autonomie ou de sécurité alimentaire sans terres arables…
Les 65 hectares de l’entreprise familiale des Gosselin, cernée par d’autres fermes, font partie de Saint-Jean-sur-Richelieu, ville qui symbolise bien le concept de l’étalement urbain près de Montréal. N’eût été la législation sur le zonage agricole, on verrait sans doute une succession de maisons de banlieue dans le secteur, croit Daniel Gosselin. Le grignotage des terres était bien commencé, et pas plus loin que devant la ferme qu’il a achetée de son père. Une rue avait été « ouverte » par un agriculteur voisin, qui avait le projet de vendre les terrains pour du lotissement.
Avant l’adoption de la loi du coloré ministre Jean Garon, l’urbanisation était ainsi en train d’asphalter et de gazonner les terres agricoles du Québec, qui ne représentent que 2 % du territoire et qui sont pour l’essentiel concentrées le long du fleuve Saint-Laurent… là où se trouve aussi la population. Dans la seule région métropolitaine de Montréal, plus de 20 000 hectares de sols à haut potentiel pour l’agriculture avaient été sacrifiés à l’urbanisation entre 1964 et 1975.
« Les terres ne valaient presque rien à l’époque, rappelle Daniel Gosselin. C’était plus avantageux pour un agriculteur d’ouvrir une rue et de vendre des lots pour construire des maisons. Ça se faisait en plein milieu des rangs de campagne, c’était un peu le far west. Alors quand la loi est arrivée, ça a été une bénédiction pour nous, les agriculteurs. »
La loi a dressé une clôture symbolique autour des meilleures terres du Québec. Il était désormais interdit d’utiliser un terrain pour bâtir un commerce, une résidence ou même un camping. Le morcellement des terres, l’enlèvement de sol arable et la coupe d’érables dans une érablière devenaient formellement prohibés. L’idée était de « mettre le holà à la dilapidation de notre première ressource », résumait René Lévesque dans ses Mémoires. Pour lui, c’était une « mesure de simple bon sens qui, pour l’avenir de notre sol et de ceux qui en vivent en nous faisant vivre, représentait au bas mot une petite révolution tranquille ».
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Au-delà du domaine agricole, le premier gouvernement Lévesque a examiné la question de l’accès au territoire et de sa protection sous différents angles. Dont celui de la chasse et de la pêche.
Dans la réserve faunique Mastigouche, le lac du Pimbina est calme en ce matin de juin. Mais Martin Lachance, un pêcheur qui fréquente assidûment les lacs à truite et les rivières à saumon du Québec, ne se plaint pas de la rareté des poissons ce jour-là. Être dans une chaloupe avec une canne à pêche et un peu de silence autour le transporte en zone de bonheur. Et s’il peut le faire, c’est en partie grâce à une mesure qui, en 1977, a donné lieu au « grand déclubage » du Québec. « Avant ça, le Québécois n’avait pas accès à son territoire — c’était impossible d’en profiter, glisse Martin Lachance. Pour moi, c’est une des réalisations majeures de Lévesque. »
Depuis la fin du XIXe siècle, environ 1 200 clubs privés détenaient des droits exclusifs sur de vastes territoires publics (près de 37 000 km2) et seuls leurs quelque 27 000 membres — dont bien des riches Américains ou Canadiens qui n’habitaient pas le Québec — pouvaient y pratiquer la chasse ou la pêche. Les quelque 680 000 Québécois qui avaient des permis de pêche devaient se rabattre sur d’autres rivières.
Dans le mémoire que le ministre Yves Duhaime avait transmis à ses collègues du Conseil, il notait que ce système de location de droits exclusifs sur des terres appartenant à l’État n’existait nulle part ailleurs au monde… En abolissant les clubs privés et en créant les zones d’exploitation contrôlée, communément appelées les zecs, le gouvernement assurait à tous un accès à « l’exploitation de la faune ».
Parmi les politiciens qui ont gouverné le Québec depuis 1960, personne ne recueille autant d’opinions favorables que lui chez les jeunes et les plus vieux.
L’empreinte politique du gouvernement Lévesque se mesure aussi ailleurs sur le territoire. La Loi sur les parcs, adoptée en 1977, venait à la fois protéger les territoires désignés et les rendre accessibles à la population. Les bases de ce qui allait devenir, 22 ans plus tard, une partie du réseau de la Sépaq étaient jetées. La création du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), c’est également le gouvernement Lévesque. Même chose pour le ministère de l’Environnement, qui n’existait pas avant 1979 — année de la première Conférence mondiale sur le climat. Les inquiétudes grandissantes de la communauté scientifique au sujet des effets à long terme des émissions de CO2 y avaient été présentées… et on parlait déjà de changements climatiques dus à l’activité humaine.
« Ils ont aussi agi sur le traitement des eaux usées et la question des pluies acides, relève l’historien Jean-Charles Panneton. René Lévesque a été un précurseur en environnement : son gouvernement a mis en place cette structure de protection et l’a fait évoluer. Ça n’a pas été une priorité dans le deuxième mandat, mais les gestes accomplis demeurent. »
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Tous les cinq ans, l’anniversaire du décès de René Lévesque donne l’occasion aux chefs politiques présents à l’Assemblée nationale de s’approcher de lui. Et chacun trouve matière à puiser dans le grand livre du chef péquiste : il incarne un idéal politique d’intégrité et d’authenticité, une manière de faire dont tout le monde envie le naturel. L’homme avait certainement de gros défauts, mais le politicien fait consensus.
C’est sûrement pourquoi le nom de René Lévesque est aussi fréquemment évoqué dans les assemblées politiques ou sur le terrain des campagnes électorales. Tout le monde s’en revendique à un degré ou un autre. Les péquistes, évidemment — c’est un passage obligé que de rendre hommage au père fondateur sur fond d’acclamations nostalgiques. Mais également les libéraux, les caquistes, les solidaires, les bloquistes. Même le conservateur Éric Duhaime a récemment rappelé l’une des citations célèbres de René Lévesque : « Méfiez-vous des gens qui disent aimer le peuple, mais qui détestent tout ce que le peuple aime. »
« René Lévesque est une référence pour tout le monde, parce qu’il y en a pour tout le monde, affirme Martine Tremblay. Il n’était pas parfait, il a commis des erreurs, il a eu des moments difficiles. Mais c’est un personnage politique fascinant. »
Il reste que le souvenir de René Lévesque a eu besoin d’une remise à niveau après son départ de la vie politique. Avant que la patine du temps enveloppe sa mémoire d’une forme d’aura qui touche parfois au culte.
À sa démission en 1985, René Lévesque est en effet au plus bas. Épuisé par la tâche et les luttes intestines au Parti québécois. Démoralisé par les deux gros échecs du début des années 1980 — le référendum, puis le rapatriement de la Constitution. Humilié, aussi, d’être poussé vers la sortie cavalièrement par son parti. Citée par le biographe Pierre Godin, Corinne Côté-Lévesque, épouse du chef du PQ, affirmera que « personne n’a eu droit de la part d’un parti politique à autant d’ingratitude que lui ».
Il faut dire qu’il ne s’est pas toujours aidé, soutient Martine Tremblay, qui fait partie de ceux qui connaissent le mieux le personnage politique. Elle lui a d’ailleurs consacré un ouvrage référence sur ses années au pouvoir (Derrière les portes closes, Québec Amérique, 2006). Elle ne craint pas de parler de « colères qui étaient souvent injustes ». « Il dissimulait mal certains agacements face à des personnes qu’il a blessées inutilement et qui ne méritaient pas cela. » C’était quelqu’un de timide, dit-elle, qui ne recherchait pas nécessairement la compagnie de ses collègues. « Et ça l’a desservi en fin de parcours… Certains l’ont laissé tomber, mais il l’avait un peu cherché. Il ne s’était jamais préoccupé de mettre suffisamment à l’aise l’ensemble de ses ministres. » D’autant qu’il ne disait jamais merci ou bravo…

Quand le PQ rend hommage à Lévesque le 27 septembre 1985, trois mois après l’annonce de sa démission comme premier ministre, la fête ne lève pas. « Même si les militants péquistes sont sans aucun doute reconnaissants envers M. Lévesque, la soirée d’hommage d’hier n’a donné lieu à aucun débordement d’émotion », notera le lendemain le journaliste Michel David, alors au quotidien Le Soleil. Son collègue J.-Jacques Samson ajoutera qu’aucune larme n’a été versée pour dire adieu à un chef qui, « les yeux démesurément tristes », s’est vite éclipsé pendant que la foule lui chantait « Mon cher René… ».
Durant cette soirée, le parti lui remet une carte en laiton et en aluminium stipulant qu’il sera membre à vie de la formation. Selon son biographe Pierre Godin, le chef démissionnaire en déduit qu’on a choisi une carte rigide pour éviter qu’il ne la déchire en public… Et quand on lui offre une carte-cadeau lui permettant de faire le tour du monde en avion, René Lévesque répond : « Merci quand même. » Avant d’ajouter son interprétation d’un slogan de carte de crédit : « Ne partez pas sans elle, mais partez. »
Ce froid entre René Lévesque et le Parti québécois — et, plus largement, avec la population — ne durera pas. Dès l’automne 1986, le succès de ses Mémoires met indirectement en lumière la profonde affection des Québécois pour le politicien. Sa maison d’édition, Québec Amérique, estime qu’au moins 200 000 exemplaires d’Attendez que je me rappelle… ont été vendus à ce jour au Québec. Un exploit.
Le décès de l’homme, en novembre 1987, vient cimenter le tout. Une immense vague d’émotion traverse le Québec, faisant oublier les difficiles dernières années de son mandat de premier ministre et sa sortie de piste chaotique. Depuis, le mythe Lévesque n’a cessé de s’enraciner.
Les détails du sondage Léger-L’actualité donnent la mesure de l’effet Lévesque : parmi les politiciens qui ont gouverné depuis 1960, personne ne recueille autant d’opinions favorables que lui chez les jeunes et les plus vieux. Que ce soit à Montréal, à Québec ou ailleurs en province, il est premier. Neuf francophones sur 10 gardent un souvenir positif de lui.
Même la majeure partie des non-francophones répondent favorablement quand on les questionne sur celui qui incarne la loi 101.
Ce résultat n’étonne pas Jack Jedwab, historien et chercheur qui dirige l’Association d’études canadiennes, un organisme visant à améliorer les connaissances des Canadiens sur l’histoire du pays. Pour cet observateur attentif des relations entre francophones et anglophones, le passage du temps a certainement atténué la perception qu’ont ces derniers de René Lévesque. « Lorsqu’on pense à Lévesque aujourd’hui, il y a beaucoup plus de nuances qu’avant », dit-il au détour d’une promenade dans un parc de Westmount. « Les anglophones le voient comme quelqu’un qui a défendu avec énormément de sincérité une cause qui lui tenait à cœur. C’est plus nuancé que durant les années 1970, quand il y avait beaucoup de nervosité par rapport au projet souverainiste. »
À quelque 900 km de là, le documentariste Luc Cyr a noté la même chose à New Carlisle. Plus le temps passe et moins René Lévesque est controversé. « Il était conflictuel quand on le voyait comme un personnage politique. Mais à mesure qu’il devient un personnage historique, ça prend une autre signification. »
C’est un peu l’incarnation de ce que disait l’écrivain et philosophe Voltaire dans son conte L’ingénu, au XVIIIe siècle : « Le temps adoucit tout. »
« Les autres, on s’en souvient beaucoup pour ce qu’ils ont fait, croit Martine Tremblay. Bourassa, c’est la Baie-James, l’assurance maladie. Lesage, c’est la Révolution tranquille. Lévesque, oui, est à l’origine de grandes réformes qui sont encore vivantes aujourd’hui. Oui, on se rappelle le référendum qu’il a perdu. Mais c’est surtout de l’homme qu’on se souvient. »
La carrière de René Lévesque à la télévision de Radio-Canada lui avait permis de tisser une relation particulière avec le public québécois. Et en politique comme en journalisme, la manière Lévesque — une proximité — a toujours fait mouche. « Il avait beaucoup de charisme », se rappelle Pauline Marois, ministre dans le deuxième gouvernement Lévesque. « Et pour ceux qui le voyaient de l’extérieur, c’était un homme très accessible. Il se promenait dans la rue et les gens l’appelaient “Ti-Poil” ou “René”. Tandis que nous, dans son entourage, on le vouvoyait tous. »
On peut prendre la mesure du style Lévesque dans les archives du 20 mai 1980, au soir de la défaite référendaire. Sur la scène du Centre Paul-Sauvé, alors que la victoire du camp du Non ne fait plus de doute, les militants indépendantistes lui réservent une ovation de près de huit minutes. Seul au lutrin devant son épouse et la ministre Lise Payette, le premier ministre paraît timide et mal à l’aise, alternant les grimaces et les tentatives de faire taire la foule émue. Lorsqu’il prend la parole, c’est pour résumer en une formule à la fois simple et lumineuse — il en maîtrisait l’art, c’était un « poète égaré en politique », disait Corinne Côté-Lévesque — le sens qu’il donne aux événements : « Si je vous ai bien compris, vous êtes en train de dire : à la prochaine fois. » Le démocrate reconnaissait la défaite, et le leader appelait ses troupes à ne pas perdre espoir.
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Mis bout à bout, les morceaux de l’héritage de René Lévesque forment un tout qui demeure cohérent, vu de nos jours. Mais il y a des fissures dans le tableau, voire quelques trous. Son legs politique a ses fragilités.
La Charte de la langue française a récemment fait l’objet d’une réforme. « Le français sera toujours vulnérable, remarque François Legault, l’actuel premier ministre. Ça reste un défi. » Le projet de loi 96 du gouvernement caquiste, qui propose d’apporter des modifications importantes à la loi 101 et affirme notamment que le français est « la langue commune de la nation québécoise », a globalement été bien accueilli. Mais il se trouve des voix pour faire valoir qu’il ne va pas assez loin et ne permettra pas de freiner ce que plusieurs appellent le « déclin » du français, surtout à Montréal.
La Loi sur la protection de la jeunesse a également révélé ses failles dans les dernières années. La mort tragique de la fillette de Granby a incité le gouvernement Legault à mettre sur pied la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse, dont les recommandations ont nourri la réflexion autour d’une réforme de la loi. Un projet de loi a été déposé en décembre 2021 et a pour ancrage de placer « l’intérêt primordial de l’enfant et le respect de ses droits » au cœur des décisions qui le concernent.
Le financement des partis politiques s’est certainement assaini avec la loi de 1977, mais on a vu au début des années 2010 que les voies de contournement avaient été bien explorées par certains. La commission Charbonneau a conclu dans son rapport que de 1996 à 2011, « un lien [indirect] unissait le versement de contributions à des partis politiques provinciaux et le processus d’octroi de contrats publics ».
« Quand on ne prend pas soin de ce qui fait notre réalité collective, il y a toujours des risques de dérives », estime Pauline Marois, qui en 2012 a réduit à 100 dollars la hauteur maximale des dons autorisés. « Une petite chose en entraîne une autre, et une autre… et on dénature la loi. Les gouvernements ne sont pas assez vigilants à cet égard. On tient pour acquis que puisque c’est fait, on peut passer à autre chose. »
Mais c’est peut-être le dossier agricole qui illustre le mieux la précarité de certaines des réformes Lévesque. « La zone agricole subit encore aujourd’hui des pressions importantes et la protéger demeure un défi quotidien », relevait la Commission de protection du territoire agricole lors de son 40e anniversaire, en 2018. Dans les faits, le dézonage des terres agricoles est parfois autorisé par un décret gouvernemental. Des investisseurs n’hésitent pas à acheter des terres adjacentes à une « zone blanche » (non agricole) à fort prix… en attendant un futur dézonage.
« On vient de perdre une terre comme ça », se désole Daniel Gosselin, à Saint-Jean-sur-Richelieu. Sa fille Marie-Pier, copropriétaire de la fromagerie, explique que la famille louait la terre d’un agriculteur, mais que ce dernier « s’est fait offrir deux fois la valeur par quelqu’un qui fait le pari que ça va tomber en zone blanche et qu’il pourra développer ». Or, ce genre de transaction pousse à la hausse le prix des autres terres, ce qui complique d’autant l’épineuse question de la relève agricole.
À l’automne 2021, le projet de loi 103 du gouvernement Legault a aussi ranimé une discussion sur les effets du morcellement des terres agricoles. En permettant la division d’un territoire agricole en petits lots, on pourrait favoriser l’acquisition par la relève. Mais bien des gens craignent que la vocation des terres morcelées finisse par se perdre.
D’autres s’inquiètent quant à eux du sort de certaines zecs, qui donnent l’impression d’une privatisation en douce. Les défis sont aussi importants pour le BAPE : le dossier du troisième lien entre Québec et Lévis montre les limites de l’instance (« On a besoin du troisième lien, peu importe l’évaluation — on va en tenir compte, mais le projet va se faire », a déjà affirmé le premier ministre Legault).
Le tableau peut paraître sombre, mais tout cela est un peu normal, estime l’historien et politologue Jean-Charles Panneton. « Ces lois datent de 45 ans. Elles ont été conçues avec des outils qu’on pensait efficaces, mais qui ne le sont plus nécessairement. Le contexte a changé — par rapport au zonage agricole, par exemple, l’étalement urbain amène une pression plus forte qu’à l’époque. Et tout cela appelle des réformes. »
C’est un peu comme pour la maison blanche de New Carlisle : sans entretien, les choses dépérissent. Or, à l’image de certaines lois, le bâtiment sera justement bientôt remis en état. Au terme d’une longue saga l’opposant au propriétaire de la demeure d’enfance de René Lévesque, le gouvernement du Québec en a fait l’acquisition en septembre 2021. On promet une restauration qui « redonnera tout son lustre » à la maison d’un homme de 1,65 m qui a laissé une empreinte de géant sur la route.
MÉTHODOLOGIE
Le sondage Léger-L’actualité a été mené en ligne du 23 au 25 octobre 2020 auprès de 1 003 Québécois. Les résultats ont été pondérés afin de rendre l’échantillon représentatif de l’ensemble de la population. Les sondages réalisés par l’intermédiaire du Web ne comportent pas de marge d’erreur officielle. Mais à titre comparatif, un échantillon probabiliste de la même taille a une marge d’erreur de 3,1 %, 19 fois sur 20.
Note
La version originale de cet article a été modifiée le 8 février 2022 pour préciser que le crédit d’impôt offert aux contribuables qui faisaient des dons à des partis politiques a été aboli en 2012.
Cet article a été publié dans le numéro de mars 2022 de L’actualité.
»Je Me Souviens » de René Levesque! Il a été le seul e premier ministre de L Belle Province à TUER un sans-domicile, le prremier à éviter un scandale de meurtier ou d’avoir profané un corps humain, sans que rien ne lui arrive! C’était sur la rue Cote Ste.Catherine où, après avoir passé la nuit à jouer aux cartes avec des copains, surement en ne pas buvant de l’eau e sans porter ses lunettes pour conduire, a pris sa voiture sans ses policiers de garde, seul sur la rue, dans la voiture! »Je Me Souviens » que le coroner de ce temps-là, un autre corrompu du systeme queébecois, a décidé que le corps du malheurex anglophone sans abris, avait été tué par quelq’un d’autre! » »Vive le Québec IVRE » ».
Qui se souviendra de Manuel R. après son décès? Personne…
Si l’on tient compte de l’ensemble de son œuvre, René Lévesque aura été le plus grand homme politique de l’Histoire du Québec, toutes époques confondues.
On parle beaucoup de rendez-vous manqué avec l’Histoire quand on pense aux référendums mais on oublie facilement l’autre rendez-vous manqué, celui avec les peuples autochtones qui habitent ce qui s’appelle aujourd’hui le Québec. Malgré les belles paroles de Lévesque et de son gouvernement ils ont continué à agir en colonisateurs. D’ailleurs les Autochtones l’ont bien senti et le 14 septembre 1978 le Conseil Attikamek-Montagnais déclarait ceci au premier ministre René Lévesque lors d’une rencontre à Québec:
«Les régions où nous pouvions continuer de vivre à notre manière et où la civilisation blanche n’était que de petits villages de pêcheurs, de colons ou de coureurs des bois, nous permettaient de vivre encore dans une certaine harmonie avec l’homme blanc, car comme nous il vivait près de la nature et son mode de vie n’était pas tellement éloigné du nôtre.
Mais vous avez décidé d’exploiter encore davantage et d’implanter de plus en plus votre technologie, vos principes, vos habitudes, vos règlements et vos lois, partout où vous pouviez vous rendre, pour prendre toujours davantage ce qui nous appartenait, sans vous préoccuper de nos habitudes, de nos coutumes et de notre mode de vie qui étaient les nôtres, bien des millénaires avant que vous arriviez.
Au nom de votre « civilisation » et de vos appétits de profit, vous avez, sans vous soucier de quoi que ce soit, exploité nos forêts, nos lacs et nos rivières. Vous avez érigé des barrages, implanté des compagnies minières et forestières, construit des chemins de fer et des lignes électriques, aux endroits mêmes d’où nous tirions notre subsistance.»
Le Québec agissait encore comme un état colonialiste, un néo-colonialisme franco d’inspiration britannique qui se voulait «maître» chez qui ? Autant sur les territoires autochtones dont on s’est emparé avec la colonisation sur la base d’un concept juridique colonialiste, la doctrine de la découverte, fondé sur le fait que les territoires n’étaient la propriété de «personne» puisqu’on considérait les peuples autochtones comme non civilisés, donc personne.
En 2022, on continue dans la même veine, encore pire, en niant l’évidence du racisme systémique qui vient avec le colonialisme, un accessoire indispensable. Oui, ce gouvernement à la solde des oligarques et des corporations essaie de faire son possible pour rendre à ces derniers ce qu’ils avaient perdu pendant ces années «glorieuses» et de défaire ce que le gouvernement Lévesque avait fait. Est-ce un effet de balancier ou le fait que les générations montantes n’ont pas connu les difficultés que nous avions avant 1976, voire avant 1960 et «l’équipe du tonnerre» ? Ou est-ce maintenant le confort et l’indifférence? Quant aux droits des peuples autochtones… bof! De colonisé à colonisateur et la roue tourne.
Vous faites complètement abstraction de la Paix des Braves, conclue au début des années 2000 entre le chef des Cris Ted Moses et le premier ministre de l’époque Bernard Landry. Tout n’est pas parfait, je vous l’accorde, mais il ne faut pas être de mauvaise foi pour autant.
Pour la mauvaise foi, on repassera. La Paix des Braves tout comme la Convention de la Baie-James et du Nord Québécois sont des accords où le gouvernement concède certains droits aux nations autochtones qu’il choisit ou qui peuvent tellement mettre des bâtons dans les roues que le gouvernement préfère s’entendre avec eux, genre de compromis colonial. Les Eeyou savent fort bien que le contexte est tel qu’ils ont pu atteindre ce qu’ils pouvaient dans le cadre colonialiste dans lequel on se trouve. Les autres nations n’ont soit pas eu cette chance n’ayant pas les leviers suffisants, soit qu’elles ne veulent pas se plier à un accord qui suppose un renoncement à leurs droits ancestraux.
Faut aussi savoir ce que le droit à l’autodétermination des peuples veut dire alors que le droit international reconnaît ce droit inhérent. Pas besoin de quêter à un gouvernement colonialiste pour mettre en œuvre ces droits sauf si ce gouvernement refuse de le reconnaître et parle plutôt d’autonomie gouvernementale, un droit encore délégué par un gouvernement colonialiste. Les Québécois devraient fort bien savoir ce que le droit à l’autodétermination veut dire même s’ils ont refusé de l’exercer.
Alors pour la mauvaise foi, allez lire certains jugements de la Cour suprême du Canada et vous allez être surpris car elle se trouve souvent du côté de la société dominante et des gouvernements. Vous verrez aussi ce que signifie «l’honneur de la couronne», dérivée de la Proclamation royale de 1763, un document essentiellement colonial fondé sur le droit de la découverte, autrement dit sur le concept de Terra Nullius parce que les Européens considéraient les peuples autochtones comme non civilisés, donc sans droits sur leurs territoires.
René Lévesque était le maître du gros bon-sens.
Depuis sa disparition les politiciens du Québec s’enlisent de plus en plus profondément dans le non-sens.
En France en ce moment on est en train aussi de revisiter l’Histoire.. la promotion du nationalisme est dans l’air du temps.. le Général de Gaulle est redevenu la saveur du jour… on le met sur un piédestal.. René Levesque a en effet été un personnage important de l’Histoire du Québec.. il ne faut pas pour autant occulter tous ces précurseurs de la révolution tranquille qui ont ouvert la voie à l’émancipation des Québécois de l’emprise du clergé.. les signataires du Refus global, Jean Lesage le premier à nous sortir de la grande noirceur, parti à l’intérieur duquel René Levesque s’est fait les dents, Robert Bourassa. Tous ces personnages occupent une place centrale dans le passage du Québec vers la modernité. Ils méritent tout autant que René Levesque qu’on se souviennent d’eux.
Il y a 56 ans, je votais pour la première fois. Dans l’ambiance effrayante de la Crise d’octobre (1970), je suis devenue mordue de politique. Pour moi, Renė Lėvesque est le plus intègre, le plus courageux, le plus humaniste, le plus visionnaire et le plus grand dėmocrate que j’ai vu régner en un demi-siècle. Un gėant ! Nul n’a encore compėtitionnė pour s’en approcher. Ni au provincial, ni au fédéral. Malgré celà, je vote toujours quand même, plus par principe que par enthousiasme. Avec Lėvesque, tous les espoirs étaient permis. Et des espoirs, j’en ai encore beaucoup. Batailles et rėformes sont encore nėcessaires pour mieux protėger nos enfants, nos ainės, l’environnement, les familles, les logements, l’agriculture, la santé, le français, la culture, l’ėducation et tant d’autres thèmes. Mesdames et messieurs les politiques, tenez-vous debout et osez le meilleur de vous-mêmes. Faites le nécessaire pour passer å l’Histoire et ne pas tomber bien bas, dans l’anonymat de nos mėmoires.
On aurait beau se souvenir de René Lévesque comme un premier ministre qui prônait l’indépendance du Québec des années quatre-vingt et quatre-vingt -dix ! Soit-il on aura eu tort de lui attribuer ‘une ‘Monnaie’ sans connaitre son désir de faire de la ‘langue Française ‘ son plus ardent désir de combler avec la France une ‘Sorte de liaison diplomatique ‘ rejeter par les opposants suprématistes ‘Anglais’ sur les aspects de La Confédération de 1867 sous McDonald alors premier ministre du Canada ! René Lévesque aurait été élu Premier ministre du Québec de 1976-80 et de 1984 à 1987 année de sa mort ! Il aurait même réagit par ‘Un référendum’ voué à un rejet inexpliqué!
Comme beaucoup d’autres, vous parlez des coupures de salaires de 20% en 1983. En fait, les salaires ont été coupés de 5% pour tous les employés gouvernementaux, sauf le personnel syndiqué, à compter du 1 avril 1982. Les syndicats ayant refusé (on les comprend) cette coupe, le gouvernement a attendu la fin de la convention collective au 31 décembre 1982 et a comprimé cette coupure de 5% en un an sur les 3 premiers mois de 1983, ce qui a fait 20% pendant 3 mois. Au 1 avril 1983, tout le monde est revenu à 5% jusqu’aux conventions qui ont suivi
Ce fabuleux documentaire met en valeur un politicien remarquable qui a incroyablement marqué le Québec. Il était de la trempe des êtres trop rares qui se manifestent par l’intelligence du « coeur ». J’espère que le moule n’a pas été brisé … .
En ce qui concerne M. Guillaume Bourgault-Côté, lui et son équipe, ont su faire un choix judicieux des personnes qui ont dévoilé la grandeur de René Lévesque. M. Bourgault-Côté a mené de mains de maître ces entrevues parce qu’il a su poser les bonnes questions et surtout laisser à ces personnes la chance de dévoiler ce » révélateur » de la nation québécoise.
Hélène Ross, Biologiste