Réduire les tarifs du transport en commun, une bonne idée ?

L’ajout d’autobus et de circuits d’autobus apporte la plus grande contribution à la hausse de l’utilisation des transports en commun, explique Alec Castonguay. Si un parti souhaite que le réseau de transport en commun d’une ville soit attrayant, c’est par là qu’il doit commencer.

Photo : STM

Dans une salle bondée au Centre Gabrielle-et-Marcel-Lapalme, dans la circonscription de Rosemont, mardi soir, l’ancien journaliste Vincent Marissal, qui se présente pour Québec solidaire, a bien fait rire l’auditoire de plus de 300 personnes pendant le débat local des candidats lorsqu’il a abordé le manque de transport en commun du quartier. L’autobus 47, sur l’avenue Masson, a été sa cible préférée. « Mes enfants l’appellent le Yéti. Il paraît qu’il existe, mais personne ne l’a jamais vu ! » Il fallait voir la foule hocher la tête pour comprendre qu’il venait de frapper dans le mille.

Il n’y a pas que dans les débats locaux des candidats que le transport en commun attire l’attention durant cette campagne. Québec solidaire a promis de diminuer de 50 % les tarifs du transport en commun partout dans la province, avec à la clé une facture de près de 500 millions de dollars par année. Le Parti libéral y est allé de son idée également : le rendre gratuit pour les étudiants — comme à Sherbrooke — et les personnes âgées — comme à Laval. Une facture de 200 millions de dollars par année.

Au-delà du clientélisme de ces annonces et de l’aspect vertueux des mesures (que celui qui s’oppose aux transports en commun lève la main…), l’ampleur des sommes promises incite à la réflexion. Un demi-milliard de dollars par année pour l’une, au moins 200 millions pour l’autre. C’est du foin. Si on veut investir massivement dans les transports en commun, est-ce que diminuer les tarifs représente la meilleure idée ? Est-ce que cela aura pour effet d’augmenter le nombre d’usagers ? D’ailleurs, dans l’état actuel du réseau, notamment à Montréal, est-ce même souhaitable ?

D’abord, une évidence : le transport en commun est le moyen de déplacement le moins cher sur le marché, et de loin. Dix fois moins que l’automobile, une fois tous les frais pris en compte. Et à Montréal, capitale internationale des chantiers gérés plus ou moins bien, prendre le métro fait également gagner du temps, beaucoup de temps.

Quand on compare nos tarifs de transport en commun à ceux des autres grandes villes canadiennes, les sociétés de transport du Québec font bonne figure, y compris pour les bas salariés. Voici un petit tableau qui inclut le temps de travail nécessaire au salaire minimum pour se payer un titre mensuel :

Source : STM

Si on élargit à d’autres grandes villes du monde, la facture ici fait encore meilleure figure, selon une étude d’une société européenne, Movinga. Voici, en dollars américains, le coût du titre mensuel dans quelques grandes villes :

Source : Movinga

Selon une autre recherche, cette fois du Collège impérial de Londres, les Montréalais doivent utiliser en moyenne 3,3 % de leurs revenus pour se déplacer en autobus et 5,5 % pour se déplacer en métro — l’écart s’explique par le plus grand nombre d’usagers du métro qui paient le plein tarif. Ailleurs sur la planète, c’est en moyenne 4 % des revenus pour l’autobus et 7,5 % pour le métro.

Et pour les tarifs réduits, dont bénéficient les étudiants et les aînés ? Même scénario avantageux. Voici un tableau :

Source : STM, 2016

Bref, le transport en commun est moins cher que l’auto, et déjà plus abordable ici qu’ailleurs. Pas si mal.

La part québécoise d’utilisation du transport en commun au Canada est également plutôt bonne, si on tient compte de notre poids démographique de quelque 23 %. Voici un tableau tiré du budget fédéral de 2016 :

Source : budget fédéral 2016

Au début des années 2000, les sociétés de transport en commun en Amérique du Nord ont connu une hausse du nombre d’usagers. Puis, depuis 2011, ça stagne ou recule partout.

L’ingénieure Geneviève Boisjoly et ses collègues de l’École de planification urbaine de l’Université McGill ont voulu savoir pourquoi. Le printemps dernier, ils ont rendu public le fruit de leurs recherches dans 25 villes nord-américaines.

Contrairement aux idées répandues, les services de covoiturage commercial comme Uber, les vélos en libre-service Bixi et l’autopartage comme car2go ou Auto-mobile ne sont pas responsables de la stagnation de l’utilisation des transports en commun. Au contraire, ces services sont de nature à l’augmenter, puisque les gens ont moins recours à leur auto, s’en débarrassent ou optent pour un mélange de moyens de déplacement.

De plus, les tarifs du transport en commun et les prix de l’essence ont un effet marginal sur le nombre d’usagers — à moins de variations spectaculaires. Par exemple, une hausse du tarif du titre mensuel de 10 % provoquerait en moyenne une chute de 2,1 % de la fréquentation. Un scénario improbable ici.

L’effet le plus important sur le nombre d’usagers n’est pas la baisse des tarifs, mais… la qualité du service. « Plus il y a de bus qui circulent sur une route et plus ils sont fréquents, plus les gens vont les prendre », a résumé la chercheuse Geneviève Boisjoly au Devoir. Inversement, quand la qualité chute, la fréquentation baisse.

L’étude de l’Université McGill a isolé toutes les variables et conclu que c’est l’ajout d’autobus et de circuits d’autobus qui apporte la plus grande contribution à la hausse de l’utilisation. Une hausse de 10 % de l’offre peut augmenter le nombre d’usagers de 8 % ! Si un parti souhaite que le réseau de transport en commun d’une ville soit attrayant, c’est par là qu’il doit commencer.

Quiconque a pris l’autobus ou le métro à Montréal, coincé comme une sardine à l’heure de pointe, le comprend instinctivement ! Le réseau est saturé. Laisser croire aux citoyens qu’ils peuvent tous s’y précipiter en baissant les tarifs est un leurre. Un engagement électoral élaboré pour grapiller des votes, sans effet structurant… et dans le cas de Montréal, peut-être même contre-productif étant donné l’état du réseau.

QS a pour les transports en commun un gros plan d’infrastructures étalé sur 30 ans. Le PLQ a lancé le REM à Montréal et approuvé le tramway à Québec — je me garde une petite gêne quant à la ligne bleue du métro, trop souvent annoncée. Ce sont des projets positifs, mais à long terme, alors que les besoins à combler sont immédiats si on souhaite encourager l’utilisation du transport en commun. L’ami Paul Journet soulignait avec raison dans La Presse qu’une hausse des budgets annuels de fonctionnement des sociétés de transport serait plus appropriée. Mais voyez-vous, ça se vend moins bien en campagne électorale…

À court et à moyen terme, j’ai bien l’impression que la 47 sur Masson restera un Yéti.

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Très intéressant. Dans tous les cas, la gratuité des transports en commun pour les étudiants et les aînés n’est certainement pas la solution pour inciter la population à moi utiliser la voiture. Ce type de clientèle utilise déjà largement les transports en commun.

Une diminution des tarifs pour tous rendrait néanmoins le transport plus accessible aux gens à revenu moyen ou moyen-faible, qui doivent déjà débourser des frais pour la possession d’une voiture (déplacement en banlieue, obligations professionnelles nécessitant un véhicule, etc.).

Mais le meilleur incitatif pour l’utilisation des transport en commun demeure, je crois, d’augmenter le nombre de passages des lignes d’autobus et de métro. Rendre l’expérience et la circulation facile, augmenter le nombre de lignes express et les passages aux 10 minutes, afin de facilité les correspondances.

Les chiffres que vous produisez doivent-ils être pris avec précaution. Ainsi le tarif mensuel pour une ville comme Longueuil s’entend pour des déplacements dans l’agglomération. Si, comme c’est le cas pour beaucoup d’usagers, une partie du transport est aussi sur le réseau de Montréal, le coût mensuel est bien plus élevé.

Au tarif ordinaire ce sont deux titres de transport qui sont requis. Donc, il en coûte encore plus cher pour le transport en commun que pour l’auto, tout particulièrement dans le cas de déplacements occasionnels qui ne devraient pas être négligés dans l’offre de transport.

Parmi les villes du monde présentées dans cette chronique, il faut également voir comment s’articulent les formules d’abonnements qui souvent peuvent varier en fonction des distances parcourues, les zones tarifaires, etc. Les chiffres présentés par la société Movinga (spécialisée dans les déménagements en Europe) gagneraient certainement à être validés et vérifiés.

À cela s’ajoute des avantages sociaux, comme des remboursements totaux ou partiels de la part des employeurs. Ainsi (je ne sais pas si cette formule est encore en vigueur) en France, l’abonnement mensuel était obligatoirement remboursé à 50% par les employeurs.

De plus en plus de villes dans le monde optent pour la gratuité des transports en commun. Contrairement à tout ce qu’on pourrait imaginer, le transport public gratuit coûte moins cher qu’on ne le croit. En effet, le transport payant a partout un coût administratif considérable. La ville de Longueuil doit réviser son processus d’accès gratuit hors pointes pour les 65 ans et plus. La part de l’administration du programme étant estimée comme trop élevée par la vérificatrice de la ville.

Ce qui est aussi remarqué, c’est que le coût moyen par passager est considérablement amélioré, dû à l’accroissement de la fréquentation. Dans une ville comme Aubagne (agglomération de Marseille), la gratuité a doublé la fréquentation de ce mode de transport et le coût moyen de transport par usager à presque chuté de 50%. À noter que la construction d’un tramway a considérablement contribué à cette décision par la ville. Une telle infrastructure contribue à l’optimisation de tous les modes de déplacement. Rien de plus cher qu’un tramway qui est sous-utilisé.

Le genre de « petit détail » que pour le REM, on devrait considérer.

La plus grande mobilité des usagers a un impact très positif sur le commerce, accroit la fréquentation des restaurants, la fréquentation des salles de spectacles, cela est aussi bon pour le tourisme, etc….

Comme aucun système n’est parfait, la gratuité des transports publics peut avoir des inconvénients. Le coût d’entretien du matériel roulant est accru, les sociétés de transport doivent obligatoirement être compensées financièrement, le succès de ce mode de transport peut nécessiter des ajouts matériels importants pour répondre à la demande adéquatement.

Ultimement, j’aimerais ajouter que le financement de transports publics gratuit peut ne pas être seulement au frais de l’État ou des collectivités locales, les entreprises peuvent aussi contribuer (déductions d’impôts), les particuliers peuvent aussi participer (autres déductions d’impôts), les usagers peuvent aussi faire des contributions volontaires, les sociétés de transport peuvent aussi demander une contribution fixe suggérée (facultative) à l’appréciation de la clientèle. Meilleur le service est, plus les contributions seront élevées. Sans oublier les supports publicitaires. Tout comme les sociétés de transport peuvent aussi avoir un volet payant : transport nolisé, organisation d’évènements, offres touristiques, etc. Tout est dans le modèle d’affaire….

Conclusion :
Ce sont des choix de société dans lesquels les citoyens ont leur mot à dire. Il demeure que le développement des transports collectifs ne peut être éludé. Techniquement au Québec, il gagnerait encore largement à être amélioré, l’ensemble de l’offre devrait être modifiée, la structure tarifaire devrait être adaptée. Dans un monde idéal on devrait pouvoir aller de Kuujjuaq à Franklin (en Montérégie) muni d’un seul titre de transport.

Il n’y a peut-être pas lieu de craindre que les retraités envahissent les transports en commun à cause de tarif plus avantageux. La retraite offre le privilège de gérer son emploi du temps de manière beaucoup plus souple que les travailleurs et d’éviter ainsi les heures d’affluence dans toutes formes de transport.

Je pense qu’il faut avoir une méconnaissance profonde de la qualité du service offert par la STM pour espérer appâter les électeurs avec la promesse d’une baisse des tarifs. Quand je parle de qualité, je fais bien sûr allusion à la fréquence trop peu élevée du passage des autobus dans certains quartiers. Je demeure dans Hochelaga-Maisonneuve, desservi sur l’axe est-ouest par le 34 et le 125, deux circuits qui pourraient facilement disputer le titre d’abominable homme des neiges accolé avec justesse au 47 par Vincent Marissal.

Une baisse des tarifs, si elle ne s’applique de surcroît qu’à une frange de la population, n’aura qu’un effet marginal sur la fréquentation des transports en commun. Ceux qui ne sont pas visés par ces nouvelles mesures ne délaisseront pas leur voiture. On risque donc de se retrouver avec des autobus un peu plus bondés, toujours coincés dans le trafic et certainement pas plus nombreux à passer dans le quartier. Tiens, je pense que je vais prendre mon vélo pour me rendre au boulot ce matin.

J’aime beaucoup votre point de vue. J’apprécie que vous donniez les données en les comparant aux nombres d’heures de travail nécessaire, plutôt qu’en chiffres absolus, souvent trompeurs.
Avoir des tarifs réduits pour les étudiants et personnes âgées me semble plutôt élitiste. Il serait plus logique de fournir un tarif réduit aux personnes à faibles revenus. De cette façon, la majorité des étudiants seraient couverts, ainsi que les personnes âgées en situation précaire (plutôt que les baby-boomers bien nantis), en plus d’offrir une plus grande chance au travail pour des gens en situation précaires, comme les parents monoparentaux. Pour tous les autres, comme vous l’avez si bien indiqué, le transport en commun (quand il existe et fonctionne!), est déjà de loin la solution la plus économique et la plus avantageuse pour la société en général.

D’accord avec vous : il faut améliorer la qualité du service avec l’ajout de circuits et d’autobus et non pas baisser les tarifs.

Cher monsieur… j’ai été frappé, lors de ma lecture de vitre intéressant texte ( avec lequel je suis pleinement d’accord, soit dit en passant ), par cette petite blague… dont vous êtes l’auteur…
Si vous désirez frapper en plein coeur de la cible, mieux vaut frappper dans le mile… que de répartir l’impact de votre « bon coup »… dans tout un mille ! Même sans tenir compte au passage au kilomètres… qui ne change pas grand’ chose, au fait…
Mais, sur un ton plus constructif, moi qui habite notre « capitale nationale » ( je pourrais d’ailleurs utiliser 2 paires de guillemets ), lorsque je me rends à Montréal, je pourrais volontiers m’y rendre par l’autobus, qui est bien moins cher… ou par le train, combien plus confortable… Mais, rendu sur place, utiliser le métro — cela m’arrive quand même, mais rarement… — ou bien l’autobus : jamais, car je connais très mal les paramètres de ce service… Et puis, dans l’un ou l’autre cas, je n’aurais pas de problème à stationner ma voiture, avec toute cette mascarade de « permis, pas permis, tel jour, entre telle heure et telle autre »… Mais je serais quand même à la merci de l’éloignement de la station la plus proche, ou de l’horaire que je ne connais pas…
Je me rends donc avec mon auto… et, quant à l’avoir, je l’utilise « à volonté », lorsque j’en ai besoin, selon les contraintes de stationnement… mais avec la plus grande flexibilité possible. Je peux même me permettre ( vu que je suis sur le chemin ) de faire un petit détour pour m’acquitter de telle tâche non prévue au départ, ou de faire un petit coucou à telle personne que je n’ai pas vue depuis longtemps.
Chez moi, je recherche systématiquement le chemin le plus rapide, en fonction des heures de pointe ou autres… Ailleurs, j’essaie au mieux d’éviter la cohue… ou bien je laisse la voiture à cet endroit béni où j’ai réussi à la garer, pour utiliser le métro… s’il va près du point où je dois me rendre… Ou bien simplement, je me dépêche de prendre mon auto, puisque le « temps permis » est tout prêt d’être écoulé… Il faut aimer Montréal, quand même !

Il est certes parmis les moins cher de se déplacer dans la ville métropolitaine. Toutefois, je crois que la situation à prendre en compte est plutôt les villes avoisinantes. On constate de plus en plus des bouchons de circulations sur la rive sud et la rive nord qui ne cessent de prendre de l’ampleur.Toutle monde ne vit pas sur l’île de Montréal. Personnellement, le transport de ma ville me revient plus cher que l’entretien de base du véhicule et le gaz. De plus, ma ville ne considère aucunement les utilisateurs puisque étant travailleur de soir je me retrouve sans moyen de retour à la fin de mon quart de travail. Une vision élargie à nos problèmes courant et une analyse des besoins réelle des utilisateurs serait déja un excellent début.

Ce qui aiderait le plus, ce serait des circuits super-express, avec des arrêts distancés d’environ 1 km, qui se seraient pas arrêtés avant environ 5 minutes. Pour ça, il faudrait des voies semi-réservées, concept qu’on peut trouver sur Internet.

Aussi, ça prendrait un droit d’entrée selon une période journalière, qui serait valide de 5h00 à 4h59 le lendemain. Plus tard, dans cette période journalière, sur demande d’un agent de surveillance, il n’a qu’à prouver que cette période est déjà payée, pour ne pas recevoir une contravention salée…

En utilisant ce droit d’entrée, le voyageur peut voyager LIBREMENT pendant cette période journalière, avec le même déboursé, sans autre limite de temps (fini le 120 minutes max.), peut aller dans tous les sens, dans le métro et dans les autobus, peut utiliser autant de correspondances qu’il veut pendant ce 24 heures.

Une fois entré dans le réseau, pour réentrer dans un autre bus ou dans le métro, le voyageur n’a qu’à pouvoir démontrer qu’il a déjà payé plus tôt dans la période journalière.