Réforme de l’éducation : jusqu’ici, tout va bien ?!

En comparant les élèves de la réforme à leurs prédécesseurs, des chercheurs de l’université Laval concluent que les premiers réussissent moins bien en mathématiques et en français. 

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Photo : Relaximages

PolitiqueAvant même son implantation, à partir du milieu des années 2000, la réforme scolaire a suscité plusieurs critiques.

Il n’était pas évident, d’abord, de bien comprendre où tout cela allait. Dans le jargon bureaucratique du ministère, par exemple, on référait désormais aux «apprenants» plutôt qu’aux élèves. Au lieu de l’acquisition de connaissances, on y parlait de compétences transversales. Les années scolaires étaient remplacées par des cycles, etc.

Tout cela a semé le doute. Voilà qu’une étude réalisée sur plusieurs années, et auprès de 3 724 jeunes et 3 913 parents, ravive les inquiétudes.

En comparant les élèves de la réforme à leurs prédécesseurs, des chercheurs de l’Université Laval concluent que les premiers réussissent moins bien en mathématiques et en français. Dans cette dernière matière, les finissants du secondaire d’avant la réforme ont obtenu un taux de réussite de 62 %, contre 56 % pour ceux qui les ont suivis. Le recul est particulièrement frappant chez les élèves au rendement faible et chez les garçons.

Ces résultats sont d’autant plus significatifs que les nouveaux programmes ont fait augmenter de 50 le nombre d’heures consacrées aux mathématiques et de 150 celles consacrées au français.

Revenons en arrière pour expliquer cet échec. Il y a longtemps que les sociétés humaines se demandent quels savoirs et quelles habiletés doivent être enseignés à l’école.

Suivant l’inspiration de la Grèce antique, la réponse a presque toujours été que l’éducation doit mettre les jeunes en contact avec des formes de savoir spécifiques, comme les mathématiques, les sciences humaines et naturelles, l’histoire, l’art et la littérature, les langues, la philosophie et la religion.

Depuis quelques décennies, toutefois, cette approche est combattue par les tenants du socioconstructivisme, sur lequel se fonde la réforme. Ce courant se présente à la fois comme une théorie de la science et, aussi, une psychologie de la connaissance.

Son postulat de base est que le réel n’existe pas indépendamment de nos représentations du monde. Il en découle que les connaissances sont des constructions, individuelles ou collectives, et qu’il ne faut donc pas établir de hiérarchie entre celles-ci.

On nage ici en plein relativisme, et cela entraîne plusieurs choses néfastes pour l’école.

D’abord, l’objectif est désormais centré sur l’acquisition de compétences plutôt que sur celui des connaissances. En gros, il s’agit d’apprendre à apprendre. Sauf qu’on essaie d’amener l’élève à découvrir de lui-même ce qu’il doit apprendre à l’aide de projets. Selon sa propre subjectivité, il décidera, avec les compétences qu’il développe, quelles sont les connaissances qu’il doit acquérir.

L’enseignant n’est plus ici qu’un facilitateur dans une école transformée «en milieu de vie». Les enfants, que l’on considère comme ayant déjà leur génie propre, doivent s’y épanouir et vivre leur authenticité, tandis que leur apprentissage se fait dans un contexte ludique.

Critiquer cette approche ne veut pas dire qu’il faille revenir aux coups de règle sur les doigts, ou qu’il ne faille pas essayer d’intéresser les élèves aux matières qu’ils étudient. Je suis moi-même parfois très théâtral dans mon enseignement, imitant tel ou tel personnage historique. J’essaie d’interagir avec mes étudiants le plus possible pour rendre le cours intéressant. Mais je demeure le maître. Ce que les élèves apprécient, c’est ma passion pour l’histoire et ma connaissance de celle-ci. Et ils acceptent l’idée qu’apprendre demande de l’effort et peut être fastidieux.

Certes, ma tâche est plus facile, car j’enseigne au niveau collégial à de jeunes adultes. Mais les principes de base restent les mêmes. Quand je fais lire des extraits des textes d’Alexis de Tocqueville, je choisis cet auteur parce qu’il s’agit d’un grand penseur du XIXe siècle.

Cette lecture, à laquelle mes étudiants n’auraient pas pensé d’eux-mêmes, élargit leurs horizons. Elle les aide à prendre leurs distances par rapport au présent, à l’actualité, à leur environnement immédiat. C’est en lisant, en résumant et en répondant à des questions sur Tocqueville que mes élèves acquièrent des connaissances, et ce, en même temps qu’ils développent leur compétence en lecture.

Outre la fin de cette conception de la connaissance et du rôle du professeur, une autre conséquence du socioconstructivisme est la fin de l’évaluation et de la sélection.

Puisque la connaissance est une affaire subjective, il n’est plus question de se comparer aux autres. De là l’idée de bulletins qui ne permettent plus, ou le moins possible, de comparer un élève à ses pairs. De là aussi l’idée de restreindre au maximum la possibilité de redoubler, ce qui est devenu très difficile, puisque la réforme est organisée autour de cycles plutôt que d’années scolaires.

En sonnant ainsi le glas de la méritocratie, les partisans de la réforme croient avoir mis en place un système égalitariste, mais ce nivellement par le bas prépare mal les jeunes à l’environnement compétitif et mondialisé qui est le nôtre.

Le résultat est que les parents qui ont plus d’argent choisissent d’envoyer leurs enfants à l’école privée, espérant ainsi éviter le pire de la réforme. Les parents d’élèves talentueux, mais qui sont issus d’un milieu modeste, ne peuvent évidemment faire la même chose, ce qui est une excellente façon de maintenir les inégalités liées à l’argent.

Certains diront que tout n’est pas mauvais dans la réforme et que certains éléments, ici et là, sont intéressants. D’autres affirment que les ressources n’ont pas suivi, ce qui explique les résultats décevants.

Il y a probablement un peu de vrai dans cela. Sauf que cela ne change rien au fait que les fondements mêmes de cette approche font défaut.

Les fonctionnaires du ministère de l’Éducation, et leurs alliés dans les facultés des «sciences de l’éducation» — comme si l’art d’enseigner constituait une science — feront tout pour nier l’évidence. Le problème est que ce lobby idéologique en mène très large et a souvent réussi à vendre ses idées aux différents ministres de l’Éducation, libéraux et péquistes, qui se sont succédé depuis une quinzaine d’années. «Going native» est l’expression que les Britanniques utilisent pour décrire une telle situation.

Le ministre est incapable, devant la résistance de ses fonctionnaires, d’exprimer ses propres idées et de les mettre en œuvre. Entièrement domestiqué par la bureaucratie, il n’est plus le représentant du peuple qui impulse l’administration publique pour mettre en place son programme électoral. Il devient le porte-parole de son ministère auprès de la population.

Yves Bolduc, qui semble avoir été mis à l’éducation parce que Philippe Couillard ne savait quoi faire de lui, est une parfaite illustration de ce phénomène. On a vu à quelle vitesse, par exemple, il a battu en retraite dans le cas des écoles juives illégales. Après avoir promis, à son arrivée, qu’il était inacceptable que des enfants ne reçoivent que de l’enseignement religieux au lieu d’apprendre à lire et compter, il a abandonné toutes velléités sérieuses de changer les choses.

Dans le cas de la réforme, il ne reconnaît même pas qu’il y a un problème. Après avoir expliqué que «la réforme n’est pas un échec, car il est trop tôt pour se prononcer», le ministre a pris la peine de préciser : «Plus ça va aller, mieux ça va aller.»

Yves Bolduc me fait penser à cette histoire du type qui chute d’un immeuble de 50 étages. Au fur et à mesure qu’il tombe, il répète sans cesse cette phrase pour se rassurer : «Jusqu’ici, tout va bien !».

* * *

À propos de Frédéric Bastien

Frédéric Bastien est professeur d’histoire au Collège Dawson et l’auteur de La Bataille de Londres : Dessous, secrets et coulisses du rapatriement constitutionnel. Il détient un doctorat en histoire et politique internationale de l’Institut des hautes études internationales de Genève.

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Je ne comprends pas que l’on ne cite pas davantage les travaux de JOHN HATTIE qui semble démontrer les différences d’efficacité de plusieurs méthodes d’enseignement…

Voici un extrait du livre: CHRONIQUE DES ANNÉES MOLLES de Normand Baillargeon (2014) p. 101

Conclusions:

«Chaque année, je donne des cours à de futurs maîtres
et je découvre alors qu’ils ont déjà été endoctrinés par
le mantra: « Constructivisme, bien; instruction directe,
mauvais. » Lorsque je leur montre les résultats des méta-
analyses, ils sont abasourdis et souvent en colère. »

Voici L’ extrait….

5. VISIBLE LEARNING

Si vous œuvrez en éducation, je voudrais cette fois vous
faire ce que je pense être un vrai cadeau en vous présentant
ce que certains appellent le Saint-Graal de l’éducation.
Mais laissez-moi d’abord vous expliquer de quoi il
retourne.
SUR LES DÉBATS EN ÉDUCATION
Tout le monde le sait: on ne cesse de débattre en éducation.
Nos débats sont essentiellement de deux types: d’une part,
des débats conceptuels qui portent sur la définition, sur le
sens, de certains mots; d’autre part, des débats empiriques
qui portent sur ce que l’expérience nous enseigne, par
exemple l’efficacité de telle ou telle pratique, approche ou
méthode. Le plus souvent, les deux types de débats sont
simultanément présents.
Si quelqu’un soutient qu’un enseignement donné
endoctrine, avant tout examen des faits, nous devrons pour
répondre avoir un débat du premier type, puisqu’il sera
raisonnable de nous demander ce qu’il faut entendre par
endoctriner. Pour cela, il nous faudra clarifier ce concept:
c’est le travail du philosophe et il se fait de tête, si je puis
dire.
Mais imaginez cette fois quelqu’un qui affirme que
les enfants apprennent mieux à lire si on leur enseigne
par une méthode dite globale (on part directement des
mots que les enfants apprennent à reconnaître) que par
une méthode appelée phonétique (dans laquelle on part
des lettres, qu’on apprend à combiner en sons, puis en
mots).

Ne serait-il pas merveilleux de pouvoir synthétiser
les résultats de ces recherches crédibles, de pouvoir les
pondérer et les ramener à une mesure, grâce à quoi on
pourrait dire, le cas échéant, vers quelle conclusion toutes
les bonnes études menées convergent?
Il se trouve qu’il existe un tel moyen, compliqué (cela
demande de faire de savantes analyses statistiques) mais
sûr, de le faire. Cette merveilleuse technique s’appelle
la méta-analyse et elle est depuis longtemps utilisée en
médecine et dans les sciences en général. Grâce à elle,
s’agissant par exemple d’un médicament, on parvient à
un chiffre qui exprime ce qu’on appellera l’ampleur de
l’effet du médicament en question, tel que permettent de
le déterminer toutes les recherches synthétisées dans la
méta-analyse.
En éducation aussi, depuis longtemps, on réalise de
telles méta-analyses sur tous les sujets susceptibles de jouer
un rôle dans la réussite scolaire, depuis les devoirs à la
maison jusqu’aux méthodes d’enseignement, en passant
par tout ce que vous pouvez imaginer.
Supposons à présent que l’on prenne toutes ces méta-
analyses qui ont été réalisées en éducation et qu’on en
fasse la synthèse. Supposons, en somme, qu’on fasse la
méta-analyse des méta-analyses réalisées en éducation -les
mots manquent ici, devant l’ampleur de la tâche, et on a
suggéré de parler en ce cas de méga-analyse.
Eh bien, cela a été fait et même publié, en 2009, par
John Hattie et son équipe!
Les auteurs ont en fait synthétisé (tenez-vous bien … )
plus de huit cents méta-analyses, synthétisant elles-mêmes
quelque cinquante mille études, ayant porté sur plus de
deux cents millions de sujets. Lorsque ce travail est paru,
certains commentateurs l’ont décrit comme le Saint-Graal
de l’éducation, ce qui n’est sans doute pas une trop grande
hyperbole.
Songez à peu près à n’importe quel facteur susceptible
de jouer un rôle dans le succès ou l’insuccès scolaire. Si
vous désirez savoir ce que la recherche crédible dit à ce
sujet, il ya de fortes chances que vous trouviez la réponse
chez Hattie.
Prenez la question des mérites comparés des deux
méthodes d’apprentissage de la lecture évoquées plus
haut: la réponse s’y trouve – avec de très nombreuses
autres réponses.

Je vous devine curieux. Qu’apprend-on en lisant Hattie?
Amusons-nous un peu.

Que disent selon vous les recherches et les méta-
analyses telles que synthétisées dans la méga-analyse
de Hattie à propos des deux méthodes d’apprentissage
de la lecture évoquées plus haut? Que disent-elles de
l’apprentissage coopératif? Des devoirs? De l’apprentissage
par problèmes? De l’instruction directe et centrée sur
l’enseignant? Du micro-enseignement? Eh bien, voici.
(On consultera bien entendu l’ouvrage de Hattie pour
les nécessaires précisions sur ce que’ signifient exactement
tous ces termes.)
– Méthode globale: 0,06 (ouache l)
– Méthode phonétique : 0,511 (très bon!)
– Apprentissage coopératif: 0,41 (la note de passage,
tout juste … )
– Apprcn tissage par problèmes: 0,15 (ouachc … )
– Instruction directe: 0,59 (très bon)
– Micro-enseignement: 0,1111 (wow!)

Hattie suggère en outre que ce que les recherches qu’il
a synthétisées montrent, c’est que si l’on distingue des
méthodes d’enseignement dans lesquelles le professeur est
un «activateur », et donc centrées sur lui et ses actions, et
celles où le professeur est un facilitateur, et donc centrées
sur les élèves et leurs activi tés (comme celles que précon iSCII 1
des approches par la découverte), «le contraste entre leurs
effets moyens est saisissant: 0,6 et 0,17».

Pourquoi a-t-on malgré tout fondé notre réforme sur
les secondes? Bonne et difficile question. Voici en tout cas
ce que son expérience a appris à John Hattie à ce sujet :
«Chaque année, je donne des cours à de futurs maîtres
et je découvre alors qu’ils ont déjà été endoctrinés par
le mantra: « Constructivisme, bien; instruction directe,
mauvais. » Lorsque je leur montre les résultats des méta-
analyses, ils sont abasourdis et souvent en colère. »

Je suis allé lire le texte de l’étude et il n’y avait pas de données régionales
Je soupçonne que c’est Montréal qui plombe les résultats.

C’était prévisible et dès la mise en oeuvre de cette réforme pédagogique (commencée dans les cégeps dans les années 95/96) j’ai personnellement combattu, signé de nombreuses lettres dans le journaux de l’époque pour démontrer les erreurs contenues dans les objectifs de cette réforme. Malgré tout, je dois souligner que l’on aurait tort de laisser croire qu’il faut associer les problèmes non résolus (les faiblesses dans les apprentissages linguistiques et mathématiques, les taux d’échecs et d’abandons et la piète performance des élèves masculins versus les élèves féminins et autres) au seul fait de l’application de cette réforme. Une réforme qui, soit dit en passant, n’a pas suffisamment été dénoncée dès le départ par les enseignants et surtout leurs syndicats. Ces gens sont par profession des exécutants trop habitués à suivre des consignes et à souffrir (avec raison) de conditions familiales dont ils n’ont pas la maîtrise (la révolution dans la famille québécoise). À la recherche de recettes, cette réforme de nature essentiellement pédagogique offrait des perspectives séduisantes. Ce que je veux dire, c’est que durant la période de ces dix années, l’école québécoise a eu à subir les effets de changements révolutionnaires dans la société au plan social et au plan culturel. Que l’on pense à l’influence du consumérisme et de l’avènement des techniques de communication et d’information sur la jeunesse québécoise. Autant d’éléments qui ont contribué à la crise que l’on sait. Enfin, les sondages démontrent que l’éducation ici n’est pas une priorité pour une majorité de gens. Il faut croire que cela a aussi un effet sur le rendement du système. Bref, cela nous oblige à réfléchir sur notre avenir collectif et un tel constat nous laisse très perplexe face à la manière de guérir le patient . Claude Poulin

Magnifique texte
Et en rejetant l’enseignement systématique par objectif on oublie que c’est ce type d’enseignement qui nous permis d’envoyer des hommes sur la lune et la découverte de l’ADN . De plus,malgré ses déboires, cela n’a pas empècher un certain Albert d’élaborer sa théorie sur la relativité.
Jacques Tremblay
Sainte-Luce Qc

Ces génies que vous citez n’ont que peu à tirer de leurs enseignants, peu importe la méthode utilisée par celui-ci.

D’ailleurs la causation entre le système d’enseignement et les accomplissements scientifiques est plus que douteux.

Et quoi de mieux qu’une réforme tous le 20 ans pour justifier la présence et l’utilité de centaines de fonctionnaires au ministère et dans les universités.

Moi j’aimerais bien comprendre en quoi et comment cette réforme touche les élèves du primaire? Parce que de qui parle t-on quand on dit que la réforme a échouée? Des enfants du primaire, du secondaire, cégep? Par exemple ma fille est en 5e année du primaire en ce moment. Quelle est la différence entre une 5e année après la réforme, versus avant? Quelles sont les choses/notions qu’elle verra ou ne verra pas? Qu’est-ce qui sera différent au niveau des apprentissages qu’elle fera ou pas? Peut-on considérer que l’éducation primaire d’un enfant qui n’a jamais été éduqué dans l’ancienne formule est un échec? Vraiment? Pourquoi?

Ce n’est pas vraiment clair pour les parents! Pour moi, je voit mes enfants réussir…Apprendre de belles choses et notions, par des profs la plupart du temps engagés et compétents. Des notions par ailleurs que je retrouve de ma propre époque! Des façons d’enseigner que le prof de 5e de ma fille utilise et que j’aprenait moi-même il y a…30 ans! Est-ce ça la réforme? On parle souvent d’apprentissage par projets….Mais en 1ére année du primaire, 30 ans plus tôt je me souviens d’avoir fait des « apprentissages par projets »…Alors qu’est-ce qui a changé? Qu’est-ce qui n’est pas bien dans faire des apprentissages par projets? Très compliqué à comprendre tout ça…

La démonstration a été faite ailleurs, notamment en Finlande. Il ne faut pas une nuée de pédagogues au service des écoliers ou des étudiants, qui leur apprennent à interroger, analyser, concevoir, mais des professeurs qui ont la passion du métier (comme vous apparemment) et qui savent communiquer leur enthousiasme aux élèves. De là la sélection, en Finlande et ailleurs, des meilleurs dans leurs domaines, et non pas du recrutement d’une classe de bacheliers plus ou moins spécialisés, gavés trucs pédagogiques dont les principes sont revus par les théoriciens du tout-puissant Ministère de l’Éducation. Des fonctionnaires, syndiqués et enclins au mur-à-mur, obéissant à des hauts-fonctionnaires dont la pensée est également totalisante.
Mais vous ratissez large, votre parti-pris péquiste vous amenant à traiter incidemment de l’enseignement religieux, qui n’a rien à voir avec le sujet présent, qui est l’excellence.

on a ici un débat entre l’Idéologie et la démarche scientifique. On aime bien faire croire que les choses nouvelles sont meilleures. on a enseigné le français par la méthode du marteau et plus tard on a eu une génération qui ne savait pas écrire. les avancées en neurologie montrent que le cerveau fonctionne mieux avec des lettres qu’avec des concepts mais mes enfants on dû essuyer la méthode d’apprentissage globale. J’ai déjà vu des spécialistes du ministère discuter si les objectifs de gestion devaient être formulés en termes d’objet ou de sujet. ça faisait chic mais comme discussion inutile, on ne fait pas mieux.
ce doit être triste au fond de penser que les méthodes plus traditionnelles sont meilleures que les inventions qui cherchent à inventer la roue.
ma seule restriction à l’article est que probablement que ce sont des chercheurs en éducation qui ont produit l’étude qu’utilise M. Bastien et que je ne suis pas certain que les promoteurs de la réforme étaient si ferrés en autre chose qu’en idéologie..
pourquoi ne fait-on jamais de groupe pilote avant de faire une réforme? par peur de pénaliser abusivement le groupe pilote, j’imagine

Ce qu’on appelle « l’approche globale » du français n’est rien d’autre qu’une nouvelle mouture, fort probablement involontaire, de la tristement célèbre « méthode du Sablier » que les turlupins du ministère de l’Éducation, dans les années 70-80, avaient examinée, entérinée, adoptée et mise en application, et qui a engendré une pleine génération d’illettrés, incapables d’écrire le français correctement, l’ayant appris, ce qui est délirant, « au son ». Alors que par définition, seule l’expression orale peut s’apprendre au son, pardi ! À l’époque, il était bien difficile de savoir comment une chose aussi absurde que d’apprendre la langue écrite au son (!!) avait pu se rendre sur les bancs d’école, et encore plus difficile de savoir QUI étaient les responsables – la seule chose sûre est qu’ils et elles sont restés en poste – mais en tout cas, j’étais encore enfant et j’avais déjà sous les yeux la preuve patente de l’imbécillité et de l’ignorance des primaires instruits du baby-boom qui avaient noyauté le MEQ. Maintenant quand je dis que la ressemblance entre « l’approche globale » et la « méthode du Sablier » est probablement involontaire, c’est qu’à mon sens, il ne s’agit pas d’une imitation, en tout cas j’en serais fort surpris : c’est plutôt qu’en s’obstinant bêtement, depuis 40 ans, dans la même idéologie simplette et pseudo-libératrice qui animait nos ânes des seventies, on retombe inévitablement dans la même ornière, on en revient forcément aux mêmes conclusions aberrantes et on accouche inexorablement d’une méthode similaire qui scrape, encore une fois, l’apprentissage de la langue au primaire.

La libérale Hannah Arendt disait que l’éducation est le seul domaine de l’activité humaine où il faut être conservateur. Elle avait bien raison.

Les cheveux me dressent toujours un peu sur la tête lorsque je lis ces études comparatives de performance d’élèves d’avant et d’après la réforma scolaire mise en place en 2000. Pour avoir vécu le renouveau pédagogique dès ses débuts au primaire, avoir découvert la grande pertinence de l’enseignement des compétences transversales, puis avoir accompagné des enseignants plus tard à titre de conseillère pédagogue, je peux témoigner que moins de 50% des enseignants ont véritablement mis en place cette réforme. De plus, cette période coïncide avec l’enseignement de la «nouvelle» grammaire (qui ne l’est plus…). Ce dernier aspect est particulièrement important lorsque l’on analyse les résultats des performances en français, car au delà de la compétence globale, en écriture notamment , il y a l’enseignement des différents concepts et notions grammaticaux enseignés. Je peux témoigner que pour les enseignants ayant acquis leurs savoirs en grammaire avec «Grévisse», le changement de paradigme a semé et sème toujours de la confusion dans leur enseignement. L’approche sémantique basée sur des questions de sens a été remplacée par une approche syntaxique. Des recherches ont démontré que les enseignants avaient une forte tendance à enseigner comme ils ont eux-mêmes appris et non comme ils ont appris à enseigner. On peut facilement imaginer la confusion dans l’enseignement des concepts qui peuvent très certainement nuire aux apprentissages des élèves. Je pourrais poursuivre avec d’autres exemples observés sur le terrain, mais je conclurai seulement en disant: Attention! Sachons de quoi on parle!

«Je peux témoigner que pour les enseignants ayant acquis leurs savoirs en grammaire avec «Grévisse», le changement de paradigme a semé et sème toujours de la confusion dans leur enseignement. L’approche sémantique basée sur des questions de sens a été remplacée par une approche syntaxique.»

Ce qui est une vaste erreur, qui éloigne – délibérément ? – le langage de la pensée. La « nouvelle grammaire » n’est qu’un épisode de plus de la sourde guerre menée par les turlupins contre le langage, qu’ils prennent pour une sorte de complot réactionnaire.

5000 fonctionnaires au ministère de l’ éducation! Allo! Une réforme terminée et on pense a la prochaine! RÉSULTAT: moins d’ étudiant dans les écoles, plus de professeurs et un résultat médiocre! Plus en plus de ressources réclament les syndicats! Les baby boomer ont appris a lire et ecrire et compter dès leur sept premières années scolaire avec pratiquement pas de fonfons au ministère de l’ éducation et pratiquement aucune ressource dans les rangs, les villages et les banlieus! Chercher l’ erreur ! Un coup toute cette gang eduquée ils ont commencé a faire des réformes et voila ou on est rendu aujourd »hui. On est tellement mêlé qu’ il faut effacer le tableau!!

Il faudrait d’abord se demander si on souhaite que l’école serve à préparer l’individu à s’intégrer à la société, ou bien le préparer à la transformer. Quand je lis:
«mais ce nivellement par le bas prépare mal les jeunes à l’environnement compétitif et mondialisé qui est le nôtre», je suis découragée par la vision derrière vos mots.

Je me sais idéaliste, mais sans idéaux, où va-t-on? Je ne souhaite pas que mes enfants s’intègrent à cette société compétitive, je veux qu’ils la remettent en question et qu’ils s’élèvent contre un système éducatif qui les compare dès 6 ans. J,en ai marre qu,on justifie des méthodes ‘,enseignement qui servent aux adultes à asservir l,enfant sous prétexte qu’on les prépare pour l,avenir.

C’est parce que je crois en un système éducatif qui met l’apprenant au centre (de ses intérêts, de ses apprentissages, de ses sentiments, de ses découvertes , de son cheminement personnel) que j’oeuvre dans les écoles alternatives publiques. J’y enverrai mes enfants avec confiance, malgré les écrits de Hattie et les vôtres.

Ma conscience professionnelle et citoyenne sera à l’oeuvre quand je guiderai mes élèves vers des savoirs généraux hors de leur champs de connaissance, mais tout de même liés à leurs intérêts. J’activerai leurs connaissances antérieures et je resterai dans leur zone proximale de développement, car c’est de cette façon qu’il y aura une rétention à long terme de ces nouvelles connaissances dans leur cerveau.

Et surtout, je serai branchée à leur monde émotif. Car le cerveau limbique, s’il est stressé ou se sent inadéquat, rend très difficile le travail du néo-cortex dans sa créations de liens entre les neurones. Mes élèves seront donc heureux dans ma classe et dans leur école alternative, impliqués dans les tâches qu’ils auront entreprises parce qu’ils les jugent utiles pour eux et pour le collectif.

Ils apprendront la conscience de soi et l’empathie en étant disponibles à leurs sentiments et ceux des autres. Les adultes autour d’eux respecteront leurs besoins de temps et de silence, de méditation et de poésie (Pour en lire plus: Charles Caouette, Éduquer. Pour la vie! 1997).

Pourquoi s’obstine-t-on au primaire à pousser sur l’acquisition de savoirs intellectuels qui peuvent s’apprendre toute la vie? Est-ce qu’on arrête d’apprendre à 17 ans en sortant du secondaire? Est-ce que les connaissances qui n’ont pas été mémorisés à ce moment n’auront plus la chanced’être intégrées? Faut-il écrire sans faute à 14 ans sous peine d’être un pariat toute sa vie? Aucun rachat possible pour les cancres qui n’ont pas su retenir la leçon? Évidemment pas!

Mais au primaire on sent la pression de les préparer pour le secondaire (les maudits examens des écoles privées!), et le secondaire les prépare pour le cégep, et le cégep pour l’université… pour le marché du travail compétitif !
Et comble du malheur, la pression commence maintenant dès le CPE où ils doivent apprendre à s,asseoir, écouter les consignes de l,adulte, écrire les lettres de l’alphabet… pour les préparer à la maternelle!!!!

Et le jeu dans tout ça? Et la créativité? Et l’affirmation de sa personnalité unique? Et la divergence d’esprit?

J’ai remarqué quelque chose comme enseignante, chez moi et chez plusieurs autres: nous ne sommes jamais satisfaits du niveau de connaissances des apprenants qui sont devant nous. Nous leur trouvons pour la plupart des lacunes que nous méprisons et jugeons de haut. «Ce n,était pas comme ça dans mon temps!» et c’est toujours la faute des enseignants précédents. (Trop peu de solidarité dans cette profession, d’ailleurs…)

Mais pourquoi vous plaignez-vous? C’est ça votre job!!! Prendre les apprenants qui sont devant vous là où ils sont et les amener plus loin!
Sans jugement et sans mépris, ce serait encore mieux! Peut-être arriveriez-vous à de meilleurs résultats, qui sait?

Et que faites-vous des études de plus en plus nombreuses sur l’impact de la relation d’attachement dans l,apprentissage? Une des preuves que l’état émotif de l’apprenant est une donnée primordiale… Faisaient-elles partie de l’analyse de Hattie celles-là?

Quand nous tuons leur créativité, leur intuition (oh! des gros mots de grano!), leur initiative, leur leadership, sommes-nous certains qu’ils les retrouveront si facilement? Au prix de combien de séances de psychologues et de coach de vie?
Combien d’entre nous, adultes performants du système, sommes dans le déni de nos maux émotifs, psychologiques et physiques?

Et c’est encore et toujours sur ce chemin qu’on veut les amener en élevant sur un piédestal les connaissances intellectuelles tellement libératrices qu’elles nous ont mené au milieu de ce système mondialisé et compétitif?!!

N’y a-t-il pas d’autres façon de faire, de vivre l’éducation et la scolarité?
Et je ne parle pas de mettre de côté la culture générale, au contraire, car c’est la seule façon d’éviter aux générations futures de commettre les erreurs du passé. Mais il y a des manières moins castrantes que les méthodes éducatives que vous semblez vouloir défendre.

Pour moi, une chose est sûre: si on tue la confiance en soi et l’enthousiasme d’apprendre, au primaire et au secondaire, on peut être certain de ne pas former des citoyens qui resteront des apprenants à vie et qui travailleront à faire progresser leur société vers plus de respect (de soi, de l’autre, de la vie sous toutes ses formes).
Et n’est-ce pas là le but ultime de l’éducation: élever l’esprit et l’âme?

Reconnectons-nous au vrai, ça presse. Et en éducation, réforme ou pas, cessons de déformer nos enfants pour les mettre à notre image. Cessons de les faire souffrir avec nos ambitions d’adultes inquiétés par l’avenir et le marché du travail.

Transmettons-leur la confiance en leurs capacités intrinsèques et ils ne connaîtront pas de limites!

Quelques références qui ouvrent les oeillères:

– Charles Caouette (ses livres, ses conférences)
– Alphabet: la peur ou l’amour , film documentaire d’Erwin Wagenhofer (2014)
– Quels enfants laisserons-nous à la planète, film documentaire d’Anne Barth (2010)
– Sir Ken Robinson sur TED (évidemment!)
– Dr Gérald Huther, neurobiologiste, sur You Tube https://www.youtube.com/watch?v=IGQ9i-xdruc
– Michel Serres, Éduquer au XXI siècle (2011) http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/03/05/eduquer-au-xxie-siecle_1488298_3232.html

Dans mon monologue écrit en 20 minutes durant la sieste de poupon, vous excuserez les coquilles (*création, *paria, en oublié-je?) et les apostrophes en virgules.
Je préfère me justifier étant donné le niveau superfiel du discours de certains…

Vous n’aurez pas le choix de vous exprimer quant au fond de mon propos! 😉

@ Dominique Voyer: « Je me sais idéaliste, mais sans idéaux, où va-t-on? Je ne souhaite pas que mes enfants s’intègrent à cette société compétitive, je veux qu’ils la remettent en question et qu’ils s’élèvent contre [le] système éducatif…»

Eh oui, toujours la même illusion destructrice. L’éloge de l’ignorance, l’école comme fabrique de militants progressistes, etc. C’est un disque rayé qui passe et repasse depuis quarante ans. Quand j’étais enfant, les baby-boomers illuminés qui s’étaient emparés du MEQ (et lançaient des programmes aberrants comme la méthode du Sablier et bien d’autres) tenaient exactement le même langage, même s’ils rebaptisaient inutilement les élèves « séduquants » plutôt que de ebaptiser inutilement les élèves « apprenants » (ah, ces participes présents pris comme substantifs, qui sont la marque indélébile de la bureaucratisation du langage et de la vie !). Heureusement, dans la même période où nos primaires instruits faisaient main basse sur l’éducation, vers 1970 – j’avais alors cinq-six ans – la philosophe Hannah Arendt réfléchissait elle aussi à la question. Et elle mettait le doigt dessus avec une précision effarante.

«Parce que le monde est fait par des mortels, il s’use ; et parce que ses habitants changent continuellement, il court le risque de devenir mortel comme eux. Pour préserver le monde de la mortalité de ses créateurs et de ses habitants, il faut constamment le remettre en place. Le problème est tout simplement d’éduquer de façon telle qu’une remise en place demeure effectivement possible, même si elle ne peut jamais être définitivement assurée. Notre espoir réside toujours dans l’élément de nouveauté que chaque génération apporte avec elle ; mais c’est précisément parce que nous ne pouvons placer notre espoir qu’en lui que nous détruisons tout si nous essayons de canaliser cet élément nouveau pour que nous, les anciens, puissions décider de ce qu’il sera. C’est justement pour préserver ce qui est neuf et révolutionnaire dans chaque enfant que l’éducation doit être conservatrice. »

Hannah Arendt, « La crise de l’éducation »

@ Marc Provencher

Conservatrice…
J’ai besoin de précisions, car je ne connais (si peu) Arendt que par Baillargeon.

L’éducation conservatrice sur quel(s) aspects(s)?

a) les méthodes pédagogiques
b) les connaissances à transmettre
c) les attitudes face à l’apprenant
d) les rôles du maître (j’entends plus largement que dans la classe: avec les parents, les supérieurs hiérarchiques, la communauté élargie)
e) la gestion de groupe
f) toutes ces réponses

Merci de m’éclairer.

Je ne peux que vous livrer un extrait plus large du même article « La crise de l’éducation », que tout ministre de l’Instruction publique digne de ce nom devrait avoir sur son bureau.

En gros, « conservatrice » signifie que l’école ne sert pas à change le monde, car le monde que VOUS voulez changer est déjà vieux, et vous aussi.

Je constate que vous vous obstinez à appeler les élèves « les apprenants ». Pourquoi cette bureaucratisation-déshumanisation des rapports ? J’aimerais bien le savoir.

Je constate surtout que dans votre ordre de priorités, « les méthodes pédagogiques » viennent avant « les connaissances à transmettre ». Mon opinion est que les méthodes en question doivent être entièrement laissées à la discrétion de l’enseignant qui, par contre, a le devoir de connaître le plus de chapelles pédagogiques différentes et opposées, afin de pouvoir choisir celle qui conviendra le mieux à tel groupe, à tel élève, à telle matière, selon les circonstances. Et pour poursuivre avec mon opinion personnelle, plus l’enfant maîtrisera tôt sa langue – ce qui implique beaucoup de travail, beaucoup de mémorisation et surtout de l’analyse de phrase à répétition, particulièrement en sixième – plus il maîtrisera tôt l’abstraction, et plus vite il pourra penser par lui-même – et même, eh oui, puisque vous y tenez, critiquer voire déjouer le « système », car c’est justement ce que je faisais enfant : le « système » en question étant, bien entendu, l’establishment pédagogique sans visage et sans humanité du ministère, auquel je devais la « méthode du Sablier » (dont nous étions nombreux à distinguer la foncière imbécillité, les enfants étant toujours plus intelligents que les pédagogues ne se l’imaginent), les « mathématiques modernes », les « séduquants », le prêchi-prêcha béhavioriste et manipulateur de ‘Passe-Partout’ à la place de la liberté de ‘Sol et Gobelet’, le jargonnage débile de certains manuels, etc, au même titre que l’enfant d’aujourd’hui est aux prises avec les idéologues illuminés du socioconstructivisme, la mièvrerie d’ECR, le blabla crétino-simplet sur « l’estime de soi » qui mutile et ratatine la vertigineuse complexité de l’âme humaine comme c’était le cas dans mon temps avec les crétins du « vécu » (dont, encore une fois, tout enfants que nous étions nous pressentions la foncière incurie).

Et avant de vous quitter, je tiens aussi à dire qu’il y a une contradiction fantastique entre le fait que vous vous déclarez « idéaliste » et le fait que vous croyez aux théories biologisantes de l’esprit humain. Vous écrivez par exemple: «Car le cerveau limbique, s’il est stressé ou se sent inadéquat, rend très difficile le travail du néo-cortex dans sa créations de liens entre les neurones», et d’autre vous parler «d’élever l’esprit». Faudrait choisir.

Voici donc un extrait plus long de Hannah Arendt, mais évidemment je vous conseille de lire l’article au complet « La crise de l’éducation », dans son bouquin ‘La crise de la culture’ (Folio) ou bien sûr en version originale, ‘Between past and future’.

« Évitons tout malentendu : il me semble que le conservatisme, pris au sens de conservation, est l’essence même de l’éducation, qui a toujours pour tâche d’entourer et de protéger quelque chose – l’enfant contre le monde, le monde contre l’enfant, le nouveau contre l’ancien, l’ancien contre le nouveau. Même la vaste responsabilité du monde qui est assumée ici implique bien sûr une attitude conservatrice. Mais cela ne vaut que dans le domaine de l’éducation, ou plus exactement dans celui des relations entre enfant et adulte, et non dans celui de la politique où tout se passe entre adultes et égaux. En politique, cette attitude conservatrice – qui accepte le monde tel qu’il est et ne lutte que pour préserver le statu quo – ne peut mener qu’à la destruction, car le monde, dans ses grandes lignes comme dans ses moindres détails, serait irrévocablement livré à l’action destructrice du temps sans l’intervention d’êtres humains décidés à modifier le cours des choses et à créer du neuf. Les mots d’Hamlet : “Le temps est hors de ses gonds. Ô sort maudit que ce soit moi qui aie à le rétablir!”, sont plus ou moins vrais pour chaque génération, bien que depuis le début de notre siècle, ils aient acquis une plus grande valeur persuasive qu’avant.

Au fond, on n’éduque jamais que pour un monde déjà hors de ses gonds ou sur le point d’en sortir, car c’est là le propre de la condition humaine que le monde soit créé par des mortels afin de leur servir de demeure pour un temps limité. Parce que le monde est fait par des mortels, il s’use ; et parce que ses habitants changent continuellement, il court le risque de devenir mortel comme eux. Pour préserver le monde de la mortalité de ses créateurs et de ses habitants, il faut constamment le remettre en place. Le problème est tout simplement d’éduquer de façon telle qu’une remise en place demeure effectivement possible, même si elle ne peut jamais être définitivement assurée. Notre espoir réside toujours dans l’élément de nouveauté que chaque génération apporte avec elle ; mais c’est précisément parce que nous ne pouvons placer notre espoir qu’en lui que nous détruisons tout si nous essayons de canaliser cet élément nouveau pour que nous, les anciens, puissions décider de ce qu’il sera. C’est justement pour préserver ce qui est neuf et révolutionnaire dans chaque enfant que l’éducation doit être conservatrice ; elle doit protéger cette nouveauté et l’introduire comme un ferment nouveau dans un monde déjà vieux qui, si révolutionnaire que puissent être ses actes, est, du point de vue de la génération suivante, suranné et proche de la ruine. »

Hannah ARENDT, « La crise de l’éducation » in La crise de la culture, édition Gallimard, collection Folio essais, 1989, p. 246-247

Merci Monsieur pour votre culture.

Je me pencherai avec sérieux sur les lectures conservatrices que vous me proposez. Et je les interpréterai avec mon vécu, mes couleurs, tout comme vous interprétez ce que vous lisez avec votre vécu et votre couleur.
De votre côté, j’espère que vous lirez Michel Serres.

Je sens dans votre propos de la hargne pour votre vécu scolaire et du mépris pour les idées opposées aux vôtres (osé-je les appeler «idées»! vous m’en voudrez j’en suis certaine…).

Je suis curieuse de savoir combien de temps vous avez passé dans une classe primaire dans les 10 dernières années.
Avec combien d’enfants avez-vous tissé de réels liens affectifs? (car c’est bien ce qui se passe dans une classe)
Combien d’enfants de votre entourage ont perdu, avant leur dixième année, leur personnailité, leur enthousiasme, leur joie de créer?
Peut-être ne connaissez-vous pas assez d’enfants pour que cela vous touche…
Je suis sentimentale, vous me direz. Pas assez objective et froide pour transmettre le VRAI savoir.

Les mièvreries sur l’intelligence émotionnelle, que vous avez eu la «chance» de ne pas «subir» dans votre parcours scolaire, j’imagine qu’elles ne vous manquent pas aujourd’hui…
Je vous souhaite tout de même du bonheur, et à votre entourage aussi!

Félicitations à Vous Deux, Dominique et Marc, pour votre échange de haut niveau et bien documenté. Nous sommes sûrement nombreux à apprécier ces conversations démocratiques inspirantes…

Ce genre de débat ou le choc de vos idées fait gagner TOUT le monde…. Merci

La réforme Marois du Parti Québécor a été l’une des pires calamités à frapper le Québec et il mettra des générations à s’en remettre.

Ah non, ah non ! Cette fois ça n’a rien de spécifique au PQ. Il y a toujours bien des maudites limites à la strumentalizzazione. Car il ne s’agit pas seulement de la réforme Marois, mais aussi des précédentes! Il s’agit de l’incurie générale du ministère de l’Éducation sur les quarante dernières années, incapable de mettre au pas (à plus forte raison de mettre à la porte) les apprentis-sorciers lologues qui l’ont noyauté au milieu de l’euphorie à slogans de l’après-68. Ainsi la calamiteuse « méthode du Sablier » (une fabrique d’illettrés garantie 100% MEQ), les calamiteuses « mathématiques modernes » : je vous parle là des délirantes âneries qui sévissaient quand j’étais moi-même à l’école, dans les années 70-80. Ça fait longtemps que ça dure ; que le pouvoir soit au PQ ou au PLQ change rien à l’affaire. L’école attire les idéologues et les prosélytes comme le miel attire les mouches, car ces turlupins voient ça comme une occasion en or d’imposer insidieusement leur idéologie auprès d’une clientèle pas encore équipée pour la réfuter.