Si la tendance se maintient… pendant 35 jours

Rien n’est impossible en politique. Reste que ce postulat ne nous épargne pas de reconnaître les lourdes tendances observées dans les statistiques ces derniers mois.

montage : L’actualité

C’était le 19 février 2008 au Centre Bell. Le Canadien recevait les Rangers. J’étais avec un ami en train de siroter une bière hors de prix quelque part sur le deuxième balcon. L’ambiance était funéraire, car, en début de deuxième période, les Rangers venaient de marquer à nouveau et le score était alors de 5-0 en faveur des New-Yorkais. C’était une de ces soirées où le Canadien se faisait déculotter. Je me suis tourné vers mon ami et lui ai demandé : « Eille, on s’en va-tu ? »

« Au prix qu’a coûté la bière, m’a-t-il répondu, je vais d’abord la finir. » Il a ensuite poussé un gros soupir avant de dire : « Si les Rangers font 6-0, on part. »

Les partisans du CH se souviendront peut-être de ce match d’anthologie. En seconde moitié de la deuxième période, Michael Ryder a porté la marque à 5-2 en comptant deux buts. En troisième, la Sainte-Flanelle a complètement dominé les Blue Shirts et égalisé le score en marquant trois fois. Le capitaine Saku Koivu a compté le but décisif en tirs de barrage et le Canadien l’a emporté 6-5. C’était la première (et seule) fois dans l’histoire plus que centenaire de la franchise que le CH effaçait un déficit de cinq buts pour ensuite gagner.

Pourquoi mentionner cette anecdote ? Parce que ce genre d’événement survient, littéralement, une fois par siècle. C’est vrai dans le sport comme en politique. Si la Coalition Avenir Québec (CAQ), qui détient une avance de 25 points sur son plus proche rival (selon le plus récent sondage Léger) à 36 jours de l’élection, devait perdre cette avance et échapper le pouvoir le 3 octobre prochain, il s’agirait de la plus grande déconfiture de campagne dans l’histoire politique du Québec moderne.

Alors, pour ceux et celles qui me demandent si la partie est jouée d’avance, ma réponse est non. Cependant, il n’existe aucun précédent au Québec d’un parti politique ayant dominé autant ses rivaux si près de l’élection… pour ensuite perdre.

Poursuivons dans l’analogie avec le hockey : la CAQ mène 6-0 en début de troisième période. Rien n’est donc impossible, y compris une défaite de la formation. Mais c’est hautement improbable. Tous les indicateurs actuels pointent vers le scénario d’un second mandat majoritaire pour François Legault.

La CAQ n’a pas cédé sa position de tête dans un seul sondage depuis 2018, alors que les partis d’opposition à l’Assemblée nationale, en particulier le Parti libéral du Québec (PLQ) et le Parti québécois (PQ), ont reculé dans l’opinion publique. Quant à Québec solidaire (QS), il se trouve tout près de son niveau de 2018.

La seule autre formation ayant fait grimper ses appuis lors de la dernière législature est le Parti conservateur du Québec (PCQ), remontée enregistrée depuis qu’Éric Duhaime en a pris la direction. Sauf qu’avec 14 % d’appuis dans le dernier sondage Léger, le PCQ élirait tout au plus une poignée de députés, si tous les astres s’alignent.

Mais revenons au sondage Léger publié dans les médias de Québecor samedi. La CAQ jouit du soutien de 42 % des répondants au niveau national, une avance de 25 points sur le PLQ.



Québec solidaire et le PCQ suivent la marche, tout juste derrière les libéraux, avec 15 % et 14 % respectivement. Le PQ est bon dernier à seulement 9 %.

Les sous-échantillons régionaux sont aussi favorables à la CAQ. L’équipe de François Legault devance le PLQ par 7 points dans la région métropolitaine de Montréal (l’île et sa banlieue), elle détient une avance de 21 points devant le PQ à Québec et écrase ses rivaux dans les régions avec 52 % d’appuis (QS et le PCQ sont à 15 %).

Les découpages démographiques ne sont pas mieux pour les partis d’opposition. La CAQ mène par 35 points (!) auprès des francophones (51 % pour la CAQ et 16 % pour QS) et devance le PLQ par 33 points chez les électeurs plus âgés (55 ans et plus).

Naturellement, avec de tels chiffres, une majorité de sièges pour la CAQ est de loin le scénario le plus probable. Voici la projection de sièges du modèle Qc125 à la ligne de départ.



La CAQ est projetée favorite dans 99 circonscriptions, avec un intervalle de confiance de 95 % qui s’étend de 82 sièges (dans le pire des scénarios) à 106 sièges (dans le meilleur). Le PLQ conserverait vraisemblablement le titre d’opposition officielle, mais avec 17 sièges en moyenne (entre 10 et 24), soit 14 de moins qu’au lendemain de l’élection de 2018. Québec solidaire pourrait récolter entre 5 et 14 sièges, pour une moyenne de 8.

Au Parti québécois, seul Pascal Bérubé, dans Matane-Matapédia, est projeté favori, mais le PQ demeure compétitif dans quelques circonscriptions dans l’est du Québec. Son intervalle de confiance s’étend de 1 à 6 sièges.

Finalement, un mot sur le PCQ : nous espérons obtenir des données locales au cours de la campagne afin de mieux comprendre le portrait de certaines courses à Québec et dans Chaudière-Appalaches. Pour l’instant, le PCQ n’est pas projeté favori pour reporter des sièges, mais son intervalle de confiance s’étend jusqu’à un potentiel de quatre.

Un obstacle majeur pour le PCQ est qu’il possède ses plus hauts appuis où la CAQ est déjà dominante, soit dans les couronnes de la Capitale-Nationale et dans Chaudière-Appalaches, deux régions où les autres partis d’opposition ne sont pas compétitifs. Éric Duhaime ne peut donc pas espérer une division du vote pour se faufiler — il doit battre la CAQ en face à face pour gagner des sièges.

Tel est notre mode de scrutin : il est possible que le PCQ remporte 15 % des suffrages, mais revienne bredouille le soir de l’élection.

Pour conclure, rappelons que les chiffres présentés ici ne constituent pas une prédiction du résultat de l’élection, mais bien un portrait de la course en date d’aujourd’hui. Rares sont les élections qui se terminent là où elles ont commencé, alors ces projections changeront assurément au cours de la campagne.

Nous suivrons la progression des chiffres jusqu’à la veille du vote. Bonne campagne à tous et toutes !

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Pour consulter les chiffres de cette projection québécoise, visitez la page de Qc125. Pour la liste complète des 125 circonscriptions, consultez cette page ou les liens régionaux suivants :