Souveraineté : les jeunes n’ont pas suivi leurs parents

Un sondage récent montre que la ferveur souverainiste des baby-boomers et des X demeure, mais qu’elle ne s’est pas propagée à leur progéniture.

Atlas Studio / Getty Images / montage : L’actualité

Les générations qui ont conduit le camp du Oui à un peu plus de 49 % lors du référendum de 1995 sur l’indépendance du Québec demeurent les plus souverainistes, selon des données du projet Confederation of Tomorrow (la Confédération de demain) compilées par l’Environics Institute.

Toutefois, leurs cadets hésitent à marcher dans leurs pas, selon des données comparatives basées sur une enquête similaire menée en 2002.

Dans le cadre de ce projet qui vise à brosser un portrait de l’opinion des Canadiens des différentes provinces à l’égard du pays, Environics a repris une à une les questions d’un sondage réalisé il y a 21 ans par le Centre de recherche et d’information sur le Canada (CRIC) à propos des étiquettes identitaires auxquelles se rattachent les Québécois francophones. Les comparaisons entre les chiffres de 2002 et ceux de 2023 sont particulièrement intéressantes.

À la question « Vous considérez-vous comme étant principalement fédéraliste, principalement souverainiste, entre les deux, ou aucun des deux ? », les chiffres globaux (francophones seulement) n’ont pratiquement pas bougé en deux décennies.

Tous ces écarts entre les deux études se retrouvent donc bien à l’intérieur de la marge d’erreur.

Les variations significatives s’observent surtout dans les sous-échantillons par tranche d’âge. Ainsi en 2002, sept ans après le référendum, 25 % des électeurs âgés de 18 à 34 ans se disaient principalement souverainistes, alors que 9 % s’affichaient comme fédéralistes.

Depuis quelques années, un certain nombre d’analystes politiques et d’observateurs qualifient la souveraineté de projet d’une seule génération. Si ce point de vue est de toute évidence exagéré (le dernier coup de sonde de Léger à ce sujet mesurait des appuis de 31 % chez les 18-34 ans), les chiffres montrent tout de même que le portrait s’est inversé 21 ans plus tard : la proportion de jeunes francophones qui s’identifient comme fédéralistes a plus que doublé depuis 2002 (de 9 % en 2002 à 24 % en 2023) selon le sondage Environics de 2023, tandis que la proportion de ceux qui se déclarent sans ambages souverainistes a fondu de moitié.

Chez les électeurs francophones de 35 à 54 ans de 2023, qui avaient de 14 à 33 ans en 2002, il y a peu de mouvement. La proportion de ceux qui s’identifient comme souverainistes est restée stable (21 % en 2002, 22 % en 2023), alors que la proportion de fédéralistes n’a que légèrement augmenté (de 14 % en 2002 à 18 % en 2023).

Deux décennies plus tard, ceux qui avaient au moins 27 ans, donc répartis dans les groupes des 18-34 ans et des 35-54 ans à l’époque du référendum, figurent désormais dans la tranche des 55 ans et plus. Et c’est aujourd’hui dans ce groupe que nous retrouvons le cœur des appuis à l’indépendance, selon les nouvelles données d’Environics. Quelque 28 % des électeurs francophones de 55 ans et plus de 2023 se déclarent souverainistes, contre seulement 16 % de fédéralistes — respectivement la plus haute et la plus basse proportion parmi les tranches d’âge.

Il est de bon ton d’être optimiste dans le camp souverainiste depuis quelques mois (voir ma chronique à ce sujet ici) à la suite de la performance du chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon lors de la campagne de 2022, ainsi que du récent sondage Léger accordant à la souveraineté un appui à la hausse (38 % pour l’ensemble du Québec). Toutefois, cette augmentation pourrait s’avérer éphémère par le simple principe d’attrition. Une dynamique démographique que les souverainistes avaient plutôt voulu accoler aux fédéralistes au lendemain du scrutin de 1995.

Voilà un (autre) défi qui attend le Parti québécois : garder l’espoir en vie chez sa base plus âgée, sans repousser la jeune génération qui n’a pas vécu les batailles constitutionnelles des années 1980 et 1990.

Les sondages sur la Confédération de demain sont des études annuelles menées par une association des principaux organismes de recherche socioéconomique et de politiques publiques du pays : l’Environics Institute for Survey Research, le Centre d’excellence sur la fédération canadienne, la Canada West Foundation, le Centre d’analyse politique — Constitution et fédéralisme, l’Institut Brian Mulroney et le Conseil de gestion financière des Premières Nations.

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Ces résultats sont loin d’être étonnants puisque les plus jeunes n’ont pas connu l’époque difficile où les Québécois francophones étaient des citoyens de deuxième classe dans leur pays. Le gouvernement du PQ a sécurisé la nation par des réformes très importantes, en particulier avec la Charte de la langue française qui a mis fin au bilinguisme institutionnel que l’on trouvait au Québec auparavant.

De plus, la société québécoise a profondément changé avec l’apport des immigrants dont les enfants ont été éduqués dans le système publique francophone en vertu de la loi et les jeunes se sont frottés dès leur plus jeune âge à une société plus internationale avec une myriade de cultures alors que l’appel du nationalisme peut leur sembler anachronique.

Quant à lui, le gouvernement fédéral est devenu moins anglo-colonialiste et plus multiculturel, plus ouvert au fait que le Québec constitue une société distincte et c’est difficile de voir à travers cette stratégie, la marginalisation croissante de la francophonie canadienne qui devient, dans les faits, une minorité parmi d’autres dans plusieurs provinces alors qu’au Québec on pourrait se sentir faussement à l’abri de cette stratégie.

C’est donc un défi pour les indépendantistes de convaincre les plus jeunes qui n’ont pas connu la précarité de notre société du besoin d’aller plus loin et de se doter d’un état souverain alors que le monde leur est ouvert et que le pays canadien leur offre des opportunités à la grandeur d’un continent.