Trudeau : ça sent la fin

Pendant les deux semaines de l’occupation d’Ottawa, bien des Canadiens se sont demandé s’il y avait encore un premier ministre en fonction. Une telle crise est symptomatique de l’usure du pouvoir. 

Photo : Daphné Caron pour L’actualité

Il y a des crises qui ont pour effet de donner un second souffle à un gouvernement. D’autres, au contraire, finissent par mettre en évidence la corrosion qui résulte de l’usure du pouvoir. 

Dans le cas de Justin Trudeau, l’épisode qui l’a vu invoquer, dans un désordre certain, la Loi sur les mesures d’urgence fait partie de la deuxième catégorie.

Dans la foulée, le premier ministre va devoir juguler une crise de confiance qui pourrait, à terme, accélérer son départ de la vie politique.

Au minimum, sa volonté de mener son parti en campagne électorale une quatrième fois s’apparente encore plus à un pari risqué, aussi bien pour lui-même que pour les libéraux, qu’au début de l’année.

Cette crise de confiance se lit entre les lignes de sondages sur les intentions de vote. Ils ont fait état d’une détérioration quantifiable de l’image du premier ministre au fil de l’épisode des blocus contre les mesures sanitaires.

Davantage qu’à son homologue ontarien, Doug Ford, ou encore qu’aux autorités municipales et policières ineptes d’Ottawa, c’est à Justin Trudeau qu’une pluralité d’électeurs imputent la responsabilité du pourrissement de la situation.

Bien entendu, ce diagnostic est d’abord l’apanage de la majorité de Canadiens qui n’ont pas appuyé le Parti libéral l’automne dernier. Et la désaffection à l’égard du chef libéral ne profite pas aux conservateurs, lesquels demeurent les principaux adversaires de sa formation dans la lutte pour le pouvoir.

Mais le sentiment que le premier ministre n’est plus l’homme de la situation gagne néanmoins du terrain, y compris dans les rangs de son propre parti.

Au sein du caucus libéral, l’enthousiasme au sujet du leadership de Justin Trudeau cède progressivement la place au doute quant à sa capacité de mener à terme un troisième mandat productif. Cet hiver, cette impression a fait son chemin jusqu’à la table du Conseil des ministres. 

Même si personne ne conteste ouvertement le leadership du premier ministre, les voix qui hier encore disaient avec insistance qu’il était le principal atout du PLC se font de plus en plus discrètes. 

Il aura suffi de suivre la période des questions à la Chambre des communes depuis la rentrée de la fin janvier pour mesurer visuellement la morosité ambiante sur les banquettes libérales. On est loin de l’époque où la simple présence de Justin Trudeau dans une salle éblouissait son auditoire et ses troupes.

Même avant que le premier semi-remorque s’installe devant le parlement, personne ne pouvait accuser le premier ministre d’avoir démarré son troisième mandat sur les chapeaux de roues.

Fatigue postélectorale et pandémique aidant, c’est plutôt au spectacle d’un gouvernement en pilotage automatique que les Canadiens ont eu droit depuis le scrutin d’octobre. On chercherait en vain, dans le dernier discours du Trône, de nouvelles mesures phares dont l’apparition nécessitait un renouvellement de mandat hâtif.

Le Justin Trudeau de 2015 — attentif aux mouvements d’opinion — aurait évalué l’ampleur du désir populaire de le voir prendre les commandes d’une sortie de crise face au blocus de la capitale fédérale. Et il aurait eu suffisamment d’autorité morale pour jouer un rôle central dans un dénouement rapide.

Celui de 2022 s’est mis aux abonnés absents. Il s’est résigné, plutôt que résolu, à intervenir seulement une fois au pied du mur, sous les pressions, notamment, de la Maison-Blanche et du président Joe Biden.

Pendant plus de deux semaines, bien des électeurs ont été en droit de se demander s’il y avait encore un premier ministre en fonction à Ottawa. Pour l’heure, la première place du Parti libéral dans les intentions de vote tient beaucoup à la crise d’identité que vit le Parti conservateur fédéral. 

Mais avant de s’en réjouir, la garde rapprochée de M. Trudeau aurait intérêt à noter que, parmi ceux qui ont fait la cour à Jean Charest pour qu’il se lance dans l’aventure de la course à la direction conservatrice, il y avait des alliés naturels du Parti libéral en quête d’une solution de rechange crédible au gouvernement actuel.

Pour les libéraux, le meilleur espoir de ne pas se retrouver dans l’opposition, avec ou sans Justin Trudeau comme chef aux prochaines élections, réside de plus en plus dans le choix comme leader conservateur d’un candidat repoussoir pour la majorité centriste de l’électorat, comme le député ontarien Pierre Poilievre.

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Chantal Hébert observe ce qu’intuitivement je pensais.

Avec la crise ukrainienne en prime, j’aurais apprécié que monsieur Trudeau se place dans le rang des « colombes » offrant une place prépondérante aux négociations ; au lieu de quoi, on adopte une ligne dure et rigide qui pourrait avoir des conséquences néfastes pour la planète.

On se dit les amis du peuple ukrainien, mais on est prêt à les envoyer au combat sans réelle formation militaire, sans équipements de protection adéquats, sans unités médicales et sanitaires formées aux conflits, avec nos surplus d’armes ; alors que ce peuple a besoin essentiellement d’amour, de protection, de stabilité politique, de sécurité et d’investissements.

J’aurais aimé soutenir un gouvernement qui se démarque par ses valeurs humaines à la recherche de solutions pérennes.

Je pleure l’époque de Jean Chrétien lorsque le pays avait mis à sa tête un homme sage. Le libéralisme du temps présent n’a de libérale que l’appellation. Ce troisième mandat de monsieur Trudeau a le goût et la couleur d’un mandat qui ressemble d’ores et déjà à un mandat de trop, très loin de l’attitude rassembleuse de l’automne dernier en quête de suffrage populaire qui une fois de plus aura été leurré.

Bonjour,
Je suis tellement en désaccord.
Je pense que c’est l’Ontario à prendre ses responsabilités dans ce dossier et non au Fédéral.
Mais bon, ce que je retiens de cet événement c’est le bon déroulement de la fin.
Stratégiquement nous avons eu un délai mais je pense que le retrait c’est fait sans heurt et avec quelques arrestations stratégiques.
Mais bon c est mon opinion

Le peuple ukrainien a besoin d’amour et de stabilité? Très certainement mais c’est Poutine qui a déclenché le conflit et qui tue les Ukrainiens. Je ne vois pas en quoi un élan d’amour du Canada pourrait changer les choses.

Madame Hébert écrit : « le premier ministre n’est plus l’homme de la situation ». Mais l’a-t-il déjà été ?

Dès sa première élection, ce que les Canadiens pouvaient espérer de mieux, c’était qu’il soit bien conseillé.

Justin Trudeau a un don indéniable pour faire des faux pas : les vacances chez Aga Khan, l’imbroglio éthique concernant SNC-Lavalin et We Charity, les vacances à Tofino pendant que l’on célébrait Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, le ridicule prétexte pour ne pas procéder à une réforme du mode de scrutin : maintenant que l’on est débarrassé du gouvernement conservateur, nous n’en avons plus besoin, a-t-il prétendu. Et j’oublie d’autres bourdes sans doute.

Justin Trudeau n’est pas et ne sera jamais un homme d’État. Hélas, il semble que cette espèce soit en voie d’extinction…

Parmi les bourdes que vous n’avez pas mentionnées, il y a sa mémorable tournée en Inde déguisé en costumes traditionnels du pays. (-:

Vous savez M. Lamarre, le costume traditionnel est une bourde minime en comparaison. C’est pratiquement rendu un « meme ». Une marotte que les conservateurs en manque d’inspiration brandissent quand les vrais enjeux que Trudeau n’a pas abordé font leur affaire.

En effet et le dossier de la réconciliation avec les peuples autochtones est une autre grosse farce de ce gouvernement tout en façade mais sans véritable substance. Il y a l’épopée du pipeline TransMountain et l’autre sur le territoire des Wet’suwet’en où la police fédérale, de la responsabilité de son gouvernement, a agi comme une force d’occupation militaire! Un autre fiasco qui pose un risque véritable à la stabilité du pays.

Je suis de celles/ceux qui souhaitent voir Jean Charest à la tête du PCC. J’ai voté pour le PLC par défaut en raison de la montée inquiétante de dirigeants d’extrême droite en Occident. J’ai voté pour l’idée progressiste plus que pour Justin Trudeau. Et l’invasion de l’Ukraine par Poutine n’a fait que me conforter dans ce choix.
Je lisais hier un article du Washington Post « Thank goodness Biden, not Trump, is president during the worst European crisis since 1945. »
Ni Trudeau, ni Biden n’inspirent un leadership fort mais ajouté à Macron, ces trois dirigeants aux idées progressistes auront empêché l’Occident au grand complet de verser dans des régimes autoritaires.
Et cela nous sert en ce moment.
L’Otan et les défenseurs de la démocratie occidentale se réveillent enfin et se rallient contre Poutine. Les Trump, Zemmour, Bock Côté ici au Québec ne cachaient pas leur admiration pour Poutine. L’invasion de Poutine jette un pavé dans la mare de ces réactionnaires nationalistes identitaires. Ça aura coûté cher en vies humaines.. l’Occident aurait dû anticiper les dérives auxquelles a mené cette mouvance d’extrême droite qui se propageait en Occident. Je dis donc Dieu Merci! que ce soit le PLC qui ait été au pouvoir et non pas le PCC et son aile radicale ces dernières années alors que la politique occidentale était pervertie par la désinformation, par les hackers russes.. Diviser l’Occident, voilà ce qu’aura réussi Poutine, cet autocrate en guerre contre la démocratie.

« »l’Occident aurait dû anticiper les dérives auxquelles a mené cette mouvance d’extrême droite qui se propageait en Occident. » »
Y a-t-il des politiciens capable de comprendre ce qu’est un trouble de personnalité ou d’écouter un spécialiste qui est capable de décrire un tel trouble et ses effets sur les orientations de ces dirigeants perturbés? Poutine traîne une frustration de la chute du mur de Berlin et du rideau de fer, frustration que son candidat présidentiel en Ukraine ait été évincé, donc il se venge. Trump est blessé d’avoir fait rire de lui dans un discours de Obama, frustré d’avoir été évincé lors de l’élection présidentiel USA, donc il s’est vengé… N’y a-t-il pas des lois qui empêchent les malades de malmener la vérité et de manipuler l’opinion public? Le sens critique n’est pas donné à tout le monde.

Vous avez raison sur plusieurs point. Mais pourquoi, comme bien des chroniqueurs, ne soulignez-vous pas les causes premières du fiasco de la manifestation à Ottawa ? À mon humble avis, les grands responsables sont : le chef de la police d’Ottawa qui a admis sa faute en démissionnant, ainsi que le gouvernement conservateur de l’Ontario qui n’ont pas su prendre leurs responsabilités. Au Québec, l’esprit étant différent, les autorités locales et provinciales ont démontré qu’ils avaient les outils nécessaires et suffisants pour prendre la situation en main. Je comprend l’hésitation du gouvernement de M. Trudeau à intervenir.

Du 1er camion à se stationner au centre ville et le temps écoulé pour prendre la décision du fédéral avec sa loi sur les mesures d’urgence, quelqu’un a dormi au gaz.

en fait les causes premières des manifestations furent les mandats de vaccination obligatoire à l’encontre de notre charte des droits et liberté ainsi que les insultes du PM face aux manifestants.

Les insultes du PM (je demeure polie ici car je n’ai plus aucun respect pour lui) à l’égard des personnes ayant une opposition aux obligations vaccinales et aux manifestants a créé de toute part cette crise, et son arrogance face aux mesures sanitaires maintenant inutiles qu’il refuse d’abolir prolonge la situation. J’aime habituellement vos propos à At issue mais laisser vos collègues faire des propos désagréables sans fondement, sans opposition de votre part, nuit à votre « image ». Andrew Coyne qui dénigre des travailleurs, des manifestants, en les traitant de non éduqués et en manque d’intelligence vs les « élites » éduqués emprunte la même attitude de ségrégation que le PM. Des « élites » comme eux qui poussent des crayons ne peuvent se permettre de se passer du peuple qui les font vivre. L »‘élite » Rosemary Barton qui a indiqué à M O’Toole qu’elle ne voudrait surtout pas s’asseoir près d’une personne non vaccinée démontre aussi un grand signe d’intelligence; je lui souhaite donc de s’asseoir près de ses semblables atteints de la Covid… Il ne faut pas hésiter à contredire les stupidités.

Monsieur Trudeau a déjà décidé de se retirer c’est la raison pour laquelle il fait ce qui doit être fait et non participer à un concours de monsieur personnalité de l’année.

Article significatif. Chantal Hebert ne critique JAMAIS les libéraux. Elle est toujours tres subtile mais penche TOUJOURS du meme bord. Si Justin Trudeau commence a perdre des alliés dans les médias de gauche c’est significatif.

Je n’ai pas beaucoup aimer les mesures d’urgence. Mais c’est surtout les propos injurieux de M. Trudeau envers un groupe de canadiens qui m’ont laissé amer.

Bonjour Chantal Hébert
Je me pose des questions sur le comportement de Mme Freeland lord de conférences de presse du premier ministre. As t elle la bougeotte elle regarde partout respire fort et plus. Pour la vision elle se garde une liasse de feuilles de papier les brasses de temps à l autre et ne s en sert même pas lorsqu’ elle prend la parole.
Cette attitude est elle pour le spectacle???
Merci pour réponse et continuez votre bon travail

J’apprécie beaucoup les chroniques de Madame Hébert. Il y a deux points dans celle-ci cependant que j’aimerais qu’on m’explique. D’abord, l’affirmation que la désaffection face au gouvernement libéral ne profite pas aux conservateurs. Deuxièmement, la phrase suivante : …réside de plus en plus dans le choix comme leader conservateur d’un candidat repoussoir pour la majorité centriste de l’électorat, comme le député ontarien Pierre Poilievre. Est-ce que Madame Hébert entend par là que la planche de salut des libéraux réside dans le choix par les conservateurs d’un candidat PLUS centriste que Poilievre ou d’un candidat centriste COMME l’est Poilievre. Si la deuxième interprétation est la bonne, il y a lieu de se demander pourquoi Charest s’est lancé dans la course.