Députée libérale à Québec de 2007 à 2022, Christine St-Pierre a été ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, de même que ministre des Relations internationales et de la Francophonie. Journaliste à Radio-Canada de 1976 à 2007, elle a été courriériste parlementaire à Québec et à Ottawa, puis correspondante à Washington.
L’appui du chef libéral Marc Tanguay à la décision du gouvernement Legault d’annuler un rassemblement d’évangéliques antiavortement au Centre des congrès de Québec ne passe tout simplement pas dans les rangs de son parti, pourtant bien inscrit dans le courant pro-choix depuis des décennies.
Lundi soir, lors d’une rencontre de militants à Québec dans le cadre de la tournée du comité de relance, l’un d’eux a tenu à rappeler aux libéraux que la défense des libertés individuelles est inscrite dans l’ADN du Parti libéral du Québec (PLQ). « Les pires moments de Duplessis », a-t-il dit pour qualifier le geste du gouvernement caquiste soutenu par son propre parti, devant l’assistance qui a chaudement applaudi.
Mardi, encore choqué de la rencontre de la veille, il s’interrogeait toujours sur l’orientation de son chef. « Comment avons-nous pu en arriver là ? C’est une position intenable. » Tandis qu’un autre militant présent au même événement me lançait cette citation apocryphe reflétant la pensée de Voltaire : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire. »
Pour lui comme pour beaucoup d’autres, le Parti libéral a fait fausse route en appuyant le gouvernement dans sa décision de forcer l’annulation d’un rassemblement du groupe Harvest Ministries International sous le titre « Rallye foi, feu, liberté », et du même coup d’interdire ce genre de représentation dans toute institution gouvernementale. Même certains députés affichent leur malaise par rapport à la manière dont le dossier a été traité, mais ils hésitent à se rebiffer. Le caucus a été mis devant un fait accompli et le chef par intérim, Marc Tanguay, a pris une position qui n’est manifestement pas partagée par l’ensemble des députés.
Une source à l’interne m’explique qu’on a tenu compte du droit absolu des femmes à obtenir un avortement et des positions des évangéliques qui se rapprocheraient de propos haineux, selon cette source. Mais on reconnaît dans la foulée qu’il est impératif de se doter de critères avant d’en arriver à de telles interdictions, et que c’est aux tribunaux de déterminer cet équilibre.
D’ailleurs, cette ordonnance de la ministre du Tourisme, Caroline Proulx au Centre des congrès de Québec va se transporter sous peu vers les tribunaux. L’avocat Samuel Bachand, qui représente le groupe évangélique, confirme qu’une poursuite sera déposée d’ici la fin juin, le gouvernement ayant défié sa mise en demeure.
C’est une bonne chose, car si, dans un premier temps, la décision d’interdire l’accès au Centre des congrès avait reçu rapidement l’appui des trois partis d’opposition à Québec, avec un pas de recul, on a compris l’erreur. On s’est rendu compte que cette décision va à l’encontre de la liberté d’expression, laquelle, qu’on le veuille ou non, est protégée par la Charte (québécoise) des droits et libertés de la personne, en plus de la Charte canadienne, ont tôt fait valoir des analystes.
Le Parti québécois et Québec solidaire ont, comme on dit dans le jargon, « marché sur la peinture », reconnaissant avoir réagi trop vite, tout en réitérant leur appui au libre choix en matière d’avortement.
Mais le Parti libéral est demeuré sur ses positions, ce qui a semé un profond malaise dans ses rangs.
La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse y est allée d’une rare attaque frontale contre le gouvernement Legault, se disant très préoccupée par son intention de procéder au cas par cas. La ministre responsable de la Condition féminine, Martine Biron, a en effet affirmé qu’elle pourrait intervenir de la même manière de nouveau, selon la situation. « En limitant la liberté d’expression en fonction de principes non définis de manière claire et précise, on risque d’ouvrir la porte à des restrictions arbitraires et à une atteinte aux droits fondamentaux des individus et des groupes », a dénoncé la Commission.
L’absence de critères est donc au cœur de ce débat. Ni François Legault ni ses ministres n’ont réussi à donner une définition précise des principes fondamentaux qu’ils invoquent pour établir la marche à suivre dorénavant. Le gouvernement pourra-t-il s’ingérer dans le contenu de discussions sans expliquer les critères précis sur lesquels il se basera, puisqu’on dit que ce sera du cas par cas ? En d’autres mots, ses décisions seront arbitraires. Celle au sujet du rassemblement antiavortement donne d’ailleurs l’impression d’avoir été prise dans la peur panique d’une possible mauvaise presse à l’endroit du gouvernement s’il avait laissé faire.
Mais il aurait été beaucoup plus astucieux de présenter un argumentaire basé sur des données juridiques, plutôt que de lancer la nouvelle dans l’espace public sans explications.
François Legault plaide qu’il ne veut pas que l’État donne accès à ses édifices pour des « spectacles antiavortement ». Dans ce cas, posons la question. Est-ce que le chef du gouvernement québécois peut lui-même s’associer à des dignitaires antiavortement comme il l’a fait lors de la visite du pape François à Québec en 2022 ? Le premier ministre avait alors accueilli Sa Sainteté à l’aéroport, assisté à la messe à la basilique de Sainte-Anne-de-Beaupré et eu une rencontre privée, accompagné de son épouse, avec le pape, audience qu’il a qualifiée de « très chaleureuse ». « Je lui ai parlé de la place de l’Église catholique au Québec. » N’y avait-il pas là un spectacle de tenants de l’antiavortement ?
Car c’est bien connu, l’Église catholique est farouchement contre l’avortement. De plus, le pape était assisté du cardinal Marc Ouellet, reconnu pour être contre l’avortement même en cas de viol.
Outre le Centre des congrès de Québec, le Palais des congrès de Montréal et le Stade olympique, tous gérés par le gouvernement, qu’en est-il de la Place des Arts ou du Grand Théâtre de Québec, qui sont eux aussi administrés par l’État ?
Autant de zones grises et d’occasions de décisions arbitraires à venir contre la liberté d’expression. Que le parti champion des libertés individuelles sacrées n’a pas été en mesure de défendre.
Je me souviens de Maurice Duplessis et de la loi du cadenas visant à empêcher les Témoins de Jéhovas de faire valoir leur opinion; on a même emprisonner le restaurateur Roncarelli
La CAQ avec les valeurs de a adopté ,sous le bâillon, la loi 21 et empêché certaines personnes à porter des signes religieux…
J’ai 83 ans et je ne veux pas retourner à l’ère Duplessis.