Un avant-goût de l’élection générale

Les quatre élections partielles prévues pour juin donneront une bonne indication de la capacité de Pierre Poilievre à rallier les conservateurs derrière lui. 

Photo : Daphné Caron pour L’actualité

L’automne dernier, Pierre Poilievre avait en quelque sorte manqué son premier rendez-vous électoral comme chef conservateur. Lors de la première élection complémentaire à se dérouler sous son règne, dans la circonscription de Mississauga–Lakeshore, en banlieue de Toronto, les libéraux avaient creusé l’écart en leur faveur pendant que le candidat conservateur faisait du surplace.

L’arrivée triomphale d’un nouveau chef quelques mois plus tôt n’avait pas permis au PCC de récupérer un siège qu’il avait pourtant détenu de 2011 à 2015, c’est-à-dire durant le mandat majoritaire de Stephen Harper.

M. Poilievre pourra-t-il se reprendre aux élections complémentaires qui se tiendront le 19 juin dans quatre circonscriptions fédérales ?

Chose certaine, il aura deux occasions plutôt qu’une de démontrer qu’il y a bel et bien un effet Poilievre sur le terrain.

Prenez Winnipeg-Centre-Sud. Le plus souvent, cette circonscription manitobaine a affiché les couleurs du Parti libéral. C’est notamment le cas depuis le retour du PLC au pouvoir en 2015. Néanmoins, il s’agit d’un siège que Stephen Harper avait raflé aux libéraux en 2011.

Avant de penser à gruger le territoire du PLC, Pierre Poilievre devra s’assurer d’occuper son propre terrain.

Pour que Pierre Poilievre réussisse à mener son parti à une victoire majoritaire aux prochaines élections, il faudra bien qu’il finisse par gagner des circonscriptions comme Winnipeg-Centre-Sud ou encore Mississauga–Lakeshore.  

La faiblesse chronique du Parti conservateur au Québec l’oblige en effet à chercher dans le reste du Canada les gains dont il aura besoin pour coiffer les libéraux au fil d’arrivée de la prochaine élection générale. 

Mais avant de penser à gruger le territoire du PLC, Pierre Poilievre devra s’assurer d’occuper son propre terrain. Car deux des quatre circonscriptions en jeu le 19 juin seront la scène d’affrontements entre factions adverses du mouvement conservateur.

Dans Oxford, une circonscription du sud de l’Ontario, la lutte pour l’investiture conservatrice, qui s’est soldée par la victoire d’un protégé de l’équipe Poilievre, a laissé des traces. 

À tel point que le député conservateur sortant, Dave MacKenzie, a affirmé qu’il ferait campagne pour le candidat… de Justin Trudeau. Et même si cette tentative de sabotage finit en queue de poisson, il est loin d’être idéal pour un chef en pleine mission de séduction de se voir dénoncé par un ex-député qui comptait 19 ans de service sous la bannière de son parti.

Surtout qu’au même moment, un groupe de conservateurs identifiés à la branche plus centriste de la droite canadienne réfléchit à l’idée de lancer un nouveau parti fédéral à temps pour le prochain scrutin.

Mais dans l’immédiat, ce qui monopolise l’attention, c’est l’autre lutte sans merci entre conservateurs qui s’annonce au détour du vote dans la circonscription de Portage–Lisgar.

Maxime Bernier y tentera, pour la quatrième fois, de revenir au Parlement sous la bannière du parti qu’il a fondé dans la foulée de sa rupture avec le PCC. À défaut de l’emporter, il aura besoin, pour que le jeu en vaille la chandelle, de faire mieux que les 22 % récoltés par sa formation dans la même circonscription aux dernières élections.

Pour sa part, le Parti conservateur voudrait bien reléguer aux oubliettes un rival encombrant. En route pour sa victoire dans la course au leadership, Pierre Poilievre avait multiplié les appels du pied à la frange la plus radicale du mouvement conservateur. On verra le 19 juin s’il aura droit au retour d’ascenseur qu’il espère.  

En marge des calculs stratégiques, cette série d’élections complémentaires illustre une tendance de plus en plus lourde sur la scène fédérale, c’est-à-dire la professionnalisation de la politique au détriment d’une certaine diversité d’expériences.

Les quatre candidats qui détiennent une longueur d’avance en vue des votes du 19 juin ont tous et toutes fait leurs classes entièrement ou en partie dans les coulisses du pouvoir.

Anna Gainey, candidate libérale dans Notre-Dame-de-Grâce–Westmount, a été présidente de la formation de 2014 à 2018. Sous un règne libéral précédent, elle a travaillé dans les officines ministérielles.

Le candidat de Justin Trudeau dans Winnipeg-Centre-Sud, Ben Carr, est le fils du défunt ministre Jim Carr. Avant d’exercer dans le domaine des relations gouvernementales, il a travaillé au bureau de la ministre Mélanie Joly.

Les porte-étendards de Pierre Poilievre dans Oxford et Portage–Lisgar, Arpan Khanna et Branden Leslie, sont également issus des rangs de l’organisation du parti. Dans leurs deux cas, on pourrait dire que « qui se ressemble s’assemble ». Pierre Poilievre lui-même vient des coulisses parlementaires du Parti conservateur — dont il est sorti en devenant député à l’âge de 25 ans.