Un nouveau paradigme ?

Le gouvernement Trudeau fait face à une opposition ragaillardie qui le force à se repositionner sur des cases qui ne lui sont pas naturelles.

Photo : Daphné Caron pour L’actualité

Selon Bruce Anderson, sondeur de la maison Abacus Data et analyste qui a beaucoup fréquenté les coulisses du pouvoir fédérales, il existe deux catégories de stratégies en politique : celles qui servent de bouclier et celles qui font plutôt office d’épée.

Au cours des deux derniers scrutins fédéraux, la question de l’urgence climatique a fait partie de la première catégorie pour le Parti conservateur du Canada.  

C’est pour se doter d’un bouclier qui servirait à parer les coups d’épée de Justin Trudeau sur la lutte contre les changements climatiques que, quelques mois avant la bataille électorale de 2021, l’ex-chef du PCC avait imposé un virage en épingle à son parti. Du jour au lendemain, Erin O’Toole s’était rallié au concept de la tarification du carbone.

Ces jours-ci, ce sont plutôt les libéraux qui semblent en quête d’un bouclier devant une opposition officielle en mode offensif.

Le départ d’Erin O’Toole a mis fin au flirt des conservateurs avec la tarification du carbone. Depuis qu’il a remporté la course au leadership, Pierre Poilievre s’évertue à associer la taxe fédérale sur le carbone à l’augmentation du coût de la vie. 

Depuis le début du conflit en Ukraine et encore davantage dans la foulée de l’arrivée du nouveau chef conservateur, les signes d’un changement de paradigme dans le discours libéral se multiplient.

Les libéraux ont beau marteler que leur politique de tarification du carbone n’est pas la principale source de la hausse marquée du prix des carburants, le contexte économique actuel les force à recommencer à défendre leur politique. Et ce n’est pas le seul front sur lequel on assiste à un changement de ton.

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Au cours de sa première visite au Québec à titre de chef le mois dernier, M. Poilievre a donné un avant-goût du genre de partenariat qu’il envisage avec le gouvernement Legault.

Sous sa gouverne, le Parti conservateur ne sera guère au rendez-vous des revendications identitaires de la Coalition Avenir Québec. Le premier ministre Legault ne doit plus s’attendre à ce que le PCC se tienne à l’écart des contestations judiciaires de la loi 21. Et il aurait sans doute autant de mal à obtenir des concessions majeures sur l’immigration d’un gouvernement Poilievre que de celui de Justin Trudeau.

En revanche, sur des fronts comme celui du troisième lien entre Québec et Lévis ou encore celui de futurs barrages hydroélectriques, un gouvernement conservateur serait plutôt disposé à laisser à la discrétion des provinces les évaluations environnementales et les suites à leur donner.

Comme premier ministre, Pierre Poilievre laisserait également aux provinces le soin de déterminer le rythme de leur transition vers une économie plus verte. Il faciliterait l’aménagement tous azimuts de nouveaux barrages au nom de cette transition.

Et il encouragerait l’expansion de l’industrie pétrolière et gazière canadienne en argumentant que son rendement accru permettrait aux partenaires économiques du Canada de remplacer des énergies encore moins propres, comme le charbon, par des carburants exploités dans de meilleures conditions en matière environnementale.  

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Depuis son accession au pouvoir, le gouvernement Trudeau n’a jamais écarté l’hypothèse d’accepter la mise en chantier de projets énergétiques. Il est même devenu propriétaire de l’oléoduc Trans Mountain pour assurer son expansion. 

Mais depuis le début du conflit en Ukraine et encore davantage dans la foulée de l’arrivée du nouveau chef conservateur, les signes d’un changement de paradigme dans le discours libéral se multiplient.

Il y a quelques mois, le ministère fédéral de l’Environnement a donné son aval à Bay du Nord, un vaste projet d’exploitation pétrolière au large de Terre-Neuve-et-Labrador. Le ministre Steven Guilbeault avait alors insisté sur les pratiques exemplaires qui devaient entourer l’exploitation de ce gisement.

Lors de la visite du chancelier allemand, Olaf Scholz, le premier ministre Trudeau a également ouvert la porte à une plus grande production et exportation de gaz liquéfié canadien — à condition que l’opération soit financièrement viable.

Le mois dernier, la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, était en tournée en Asie pour faire la promotion du gaz naturel liquéfié canadien.

Au même moment, la vice-première ministre, Chrystia Freeland, a prononcé un discours très remarqué sous les auspices de la Brookings Institution, à Washington. « Le Canada, a-t-elle notamment promis, va accélérer les projets énergétiques et miniers dont nos alliés ont besoin pour se chauffer et pour manufacturer des véhicules électriques. »

À quelques nuances près, Pierre Poilievre aurait pu prononcer le discours de Mme Freeland. La vision qu’elle a présentée s’inscrit davantage dans la mouvance du dernier gouvernement conservateur canadien que dans celle que privilégie Justin Trudeau depuis son arrivée au pouvoir en 2015.

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L’une des questions qu’on pourrait peut-être se poser, serait de savoir si un paradigme peut être nouveau ou si un même paradigme peut être décliné de diverses façons. Probablement que le linguiste qu’est Jean-Benoît Nadeau aurait tout l’entregent nécessaire pour répondre à cette question.

Toujours est-il que transposé dans l’arène politique, on pourrait se demander si les libéraux fédéraux déclinent depuis qu’ils sont au pouvoir un modèle libéral prévisible ou s’ils déclinent un modèle destiné d’une part à rassurer leurs fidèles électeurs, tout en s’assurant de plaire à une faction suffisante d’électeurs considérés comme un peu plus progressistes qui assurent jusqu’à présent à cette formation politique de se maintenir au pouvoir.

Ce à quoi nous ont habitué monsieur Trudeau et son Conseil des ministres, c’est un discours adaptatif qui autant que faire se peut, embrasse l’air du temps.

Évidemment avec l’arrivée en avant-scène de Pierre Poilievre, tout cela requière certaines adaptations du discours et du langage ; tout particulièrement en ce qui concerne l’inflation, la hausse quasi fulgurante du taux de base de la Banque du Canada, tout comme d’autres sujets qui se sont invités en 2022 comme le conflit ukrainien.

Peut-on parler pour autant d’un nouveau paradigme dans le fait que les libéraux doivent changer de stratégie, passer de la stratégie du bouclier à celle de l’épée comme l’énonce Chantal Hébert dans cette chronique ? Ne devrait-on pas de façon plus factuelle, plus triviale, tout grossièrement parler : d’opportunisme politique, d’attentisme politique, de la tactique politique qui consiste à se déterminer en fonction des circonstances ?

Pour l’homme politique Français social-démocrate qu’était Jean Jaurès (1859-1914), il fallait faire montre de courage et de détermination pour en finir avec ces querelles stériles que sont l’opportunisme et le radicalisme pour se tourner vers ce qui concrètement fait vraiment la différence pour les gens.

En ce qui me concerne c’est ce genre de leadership que j’attendrais plutôt de la part de notre gouvernement.

L’opportunisme des libéraux est sans bornes alors qu’une crise climatique est prévue depuis au moins un demi siècle, leur chef a acheté un oléoduc avec notre argent… pour développer encore plus les sables bitumineux de l’Alberta, un des pétroles (le dilbit) les plus sales sur la planète (mais récolté avec un processus soi-disant éthique, qui paie bien ses minions).

Je dirais même plus, cet opportunisme est accouplé avec une hypocrisie assez prodigieuse quand on voit les libéraux intégrer la Déclaration des NU sur les droits des peuples autochtones dans les lois canadiennes et, en même temps, à la demande de son sidekick néodémocrate de Colombie-Britannique, il envoie l’unité paramilitaire de sa police fédérale contre les chefs traditionnels des Wet’suwet’en dans une démonstration de force spectaculaire (blindés, francs-tireurs et hélicoptères contre des gens sans armes) qui a fait réagir la presse internationale, et pas seulement une seule fois, pour protéger la gazière Coastal GasLink et son gazoduc. Au lieu de consulter les chefs traditionnels comme le veut la Déclaration, il leur envoie les paramilitaires!

Chez les Autochtones on disait souvent que le Blanc avait la langue fourchue et les libéraux de Trudeau en sont un exemple éloquent! Pendant ce temps, beaucoup de Canadiens voient leurs maisons détruites par le feu ou l’eau ou encore, les gens de l’Arctique voient leurs infrastructures s’enfoncer dans le sol alors que le pergélisol est en train de fondre, des villages devant être déplacés, avec le relâchement de méthane qui y est associé.

On dit qu’au royaume des aveugles, les borgnes sont rois et les libéraux autant que les conservateurs et le NPD en sont les exemples les plus frappants. Tant que la majorité peut vivre confortablement dans son coin avec son VUS ou son pickup, sa maison trop grande pour sa famille et sa piscine, pas de problème, tout va très bien madame la marquise. Alors que notre planète est en train de nous dire «assez, c’est assez», nous continuons à élire des dinosaures de 4 ans en 4 ans sans nous rendre compte qu’on contribue à notre propre extinction.

Nous sommes comme les lemmings qui courent vers la falaise et le suicide collectif et les libéraux autant que les conservateurs pourront se vanter d’être nos guides.