Dominic Vallières a, pendant plus de 10 ans, occupé les postes d’attaché de presse, de porte-parole, de rédacteur de discours et de directeur des communications auprès d’élus de l’Assemblée nationale et des Communes (Parti québécois, Bloc québécois, Coalition Avenir Québec). Il est directeur chez TACT et s’exprime quotidiennement comme analyste politique à QUB radio.
Alors que le gouvernement s’attaque au déconfinement, l’opposition officielle, elle, parle de Jean Charest. Et forcée de prendre position sur le legs de celui qui fut premier ministre de 2003 à 2012 et chef du Parti libéral du Québec — parce qu’il veut revenir en politique active —, Dominique Anglade se retrouve devant une réalité qu’a connue Philippe Couillard. Même à mots couverts, on ne s’en prend pas au chef historique. Sinon…
Si l’on se fie au bruit qui court, le caucus libéral a trouvé un peu molle la défense de Jean Charest par Anglade mardi (quand elle a essentiellement détourné toutes les questions des journalistes à ce sujet), on aurait souhaité qu’elle y mette un peu plus de vigueur. C’est finalement l’ancienne ministre Lise Thériault qui a mené la charge mercredi.
La situation est particulière pour Dominique Anglade. À quelques mois des élections, elle ne peut se permettre de passer outre à la volonté de ses députés. Plusieurs d’entre eux vont annoncer sous peu leur départ. Et quand ils ramassent leurs souvenirs, ils ont nécessairement une pensée attendrie pour celui qui les a nommés ministres à de nombreuses occasions. Christine St-Pierre, Pierre Arcand, Francine Charbonneau et Kathleen Weil auront connu le privilège de la limousine pendant des années grâce à Jean Charest. Normal de croire que, dans un concours de popularité, leur allégeance se portera vers lui plutôt que vers une cheffe qui était présidente de la Coalition Avenir Québec sur les derniers milles du régime Charest.
Mais les problèmes de Dominique Anglade dépassent son caucus. Car Jean Charest est également encore adoré des militants libéraux.
Il suffit de voir chaque apparition de l’ancien chef dans les instances partisanes pour sentir que l’air est électrique quand il y est. Lui qui se souvenait des militants par leur prénom. Lui qui les faisait gagner. Lui qui pourfendait l’ennemi historique péquiste. Le bon vieux temps, quoi.
Vous me direz que c’est injuste pour Dominique Anglade et vous n’aurez pas tort. Elle est devenue cheffe en pandémie, à l’issue d’une course qui s’est terminée en queue de poisson. Elle n’a jamais pu faire une grande tournée pour rencontrer ses membres, contrairement aux chefs précédents. En politique comme ailleurs, l’amour, ça se développe au contact.
Elle a hérité d’un parti à l’abandon, avec un nombre d’élus historiquement bas et un caucus qui soit envisage la retraite, soit apprend son métier. Ce n’est pas facile.
Elle peut cependant se fier à l’histoire récente de son parti pour en tirer les conclusions qui s’imposent.
Quand Philippe Couillard, encore au gouvernement, a décidé de lâcher le ministre de la région de Québec Sam Hamad, dans la foulée d’accusations sur sa probité portées dans les médias, le ressac à son encontre dans le parti a été immédiat. Si on parle souvent de la belle victoire de la CAQ lors de la partielle dans Louis-Hébert, on oublie parfois le revers de la médaille : la difficulté pour les libéraux à mobiliser des électeurs qui aimaient Jean Charest et qui ne comprenaient pas pourquoi on sacrifiait un de ses fidèles lieutenants pour faire maison nette. L’arrivée de Geneviève Guilbault a été le premier domino qui a permis à la CAQ de faire tomber les autres.
Philippe Couillard avait d’énormes qualités, mais la réalité partisane comptait peu dans sa prise de décisions. Chef d’État, oui, chef de clan, non. Il a, lui aussi, souffert des comparaisons avec son prédécesseur.
Dominique Anglade, cheffe de l’opposition respectable, n’a plus beaucoup de temps pour apprendre à devenir cheffe libérale, sans quoi elle risque de jouer dans le même film.
Je ne sens pas d’atomes crochus entre elle et Jean Charest, et ce n’est probablement pas étranger à ses critiques virulentes à l’égard du PLQ lorsqu’elle était présidente de la CAQ. Si, cependant, elle veut enfiler les chaussures et le costume de ce dernier, elle doit accepter la part d’ombre qui l’accompagne.
Pour les partis traditionnels, le chemin vers la victoire passe par des militants galvanisés qui ne comptent pas leurs heures. Dominique Anglade apprend à la dure ces jours-ci que le chemin vers les militants galvanisés passe, lui, par chez Jean Charest.
On ne peut empêcher un cœur d’aimer.
La version originale de cet article a été modifiée, le 17 février 2022, pour retirer Hélène David de la liste de politiciens et politiciennes ayant été ministres sous Jean Charest.