Sous le couvert de la réélection d’un gouvernement libéral minoritaire presque identique au précédent, le scrutin du 20 septembre a néanmoins modifié la donne Ottawa-Québec.
Contrairement aux apparences, ce n’est pas seulement parce que le premier ministre François Legault a gaspillé du « capital politique » pour aider en vain les conservateurs à déloger Justin Trudeau du pouvoir que son rapport de force a diminué.
À compter de cet automne, les rôles sont inversés. L’équipe de François Legault a entamé la dernière année de son mandat. Celle de Justin Trudeau n’a pas à se soucier du calendrier électoral dans un avenir prévisible.
S’il y a une leçon que tous les partis ont tirée du scrutin de septembre, c’est que les électeurs ne sont pas d’humeur à se laisser impressionner par les effets de toge des uns et des autres. Les libéraux ne sont pas les seuls à avoir été sanctionnés dans l’urne.
En politique, le présent n’est jamais garant de l’avenir. Personne ne serait étonné pour autant de voir le gouvernement libéral minoritaire réélu durer trois ou même quatre ans.
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Comme c’était le cas dans le Parlement précédent, le gouvernement libéral minoritaire a suffisamment d’atomes crochus avec l’un ou l’autre des partis d’opposition pour exécuter ses projets phares.
Rien dans le résultat du 20 septembre n’est susceptible d’inciter le premier ministre Trudeau à modérer ses transports, y compris sur le front, de plus en plus chaud entre Ottawa et Québec, du rôle du fédéral en santé.
Surtout que bien des libéraux et des observateurs croient que Justin Trudeau a mené sa dernière campagne. Il n’est pas question ici d’un mouvement pour pousser le chef libéral vers la sortie, mais plutôt d’un sentiment largement partagé selon lequel, au terme de trois mandats, il ne serait pas surprenant qu’il décide d’accrocher ses patins.
Avant la campagne électorale, la tenue d’élections anticipées était à la clé de tous les calculs du gouvernement Trudeau. Dans la foulée du récent scrutin, c’est le parachèvement de l’héritage du premier ministre qui pourrait devenir sa priorité absolue.
Et comme le temps lui est tout de même compté, Justin Trudeau — dans tous les scénarios — a intérêt à battre le fer pendant qu’il est encore chaud.
Dans ce contexte, l’idée que se fait François Legault d’un Québec qui demeure une donnée incontournable dans l’équation d’une majorité gouvernementale à Ottawa n’est pas fausse, mais elle est sans doute périmée.
La quête d’un mandat majoritaire pour le Parti libéral pourrait bien faire davantage partie des défis de l’éventuel successeur de Justin Trudeau que des préoccupations postélectorales de ce dernier.
En rétrospective, l’héritage de son père ainsi que ceux de Brian Mulroney et de Jean Chrétien occupent bien plus de place dans les livres d’histoire que la situation électorale précaire dans laquelle ils ont laissé leurs partis.
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Parmi les projets que Justin Trudeau a défendus envers et contre les objections de François Legault, il y a tout le dossier du financement de la santé et de l’instauration de normes nationales en matière de soins de longue durée.
Les astres pourraient s’aligner favorablement pour le gouvernement libéral. Aux Communes, il peut compter sur l’appui des néo-démocrates. À ce sujet, les deux partis — honnis pour cela par François Legault — sont sur la même longueur d’onde.
Les alliés conservateurs du premier ministre du Québec risquent d’être trop pris par une guerre intestine au sujet du leadership d’Erin O’Toole pour lui être d’une grande utilité. Quant au front commun des provinces, il est de plus en plus friable.
En Ontario, l’idée que le fédéral joue un rôle plus interventionniste en santé est plutôt bien reçue par l’électorat. Doug Ford se lancera en campagne au printemps. Il vient de voir les électeurs du grand Toronto dont dépend sa réélection voter pour Justin Trudeau. Il n’aura pas nécessairement le cœur à mener une croisade aux côtés de François Legault contre les visées d’Ottawa en santé.
En temps normal, le premier ministre conservateur de l’Alberta, Jason Kenney, serait le plus susceptible de faire cause commune avec le Québec. Mais sa crédibilité est en chute libre. Si son parti ne le force pas à quitter son poste, les électeurs albertains pourraient s’en charger au prochain scrutin. Pour Justin Trudeau, le retour au pouvoir à Edmonton des néo-démocrates de Rachel Notley serait providentiel.
Cette chronique a été publiée dans le numéro de novembre 2021 de L’actualité.
Notre Premier Ministre si enclin à s’excuser pourrait peut-être penser aux Premières Nations et leur permettre de devenir des personnes à part entière. Avoir des normes en santé auprès de ces nations dont l’accès à l’eau potable serait le minimum du minimum. Ces peuples n’ont pas été conquis par la Couronne, il y a encore beaucoup à régler. Passer sur le corps des ententes, des traités semble une règle du gouvernement fédéral. La seule population dont il a vraiment la responsabilité, il s’en désintéresse. Vient un temps où le charme des excuses ne fonctionne plus… Si le passé est garant de l’avenir, moi qui serai bientôt à la porte des CHSLD, j’éprouve des craintes certaines si le fédéral s’en mêle…
Bien d’accord que le fédéral devrait s’occuper de ses affaires mais la situation du système de santé au Québec est telle que la province a perdu toute crédibilité et nous, en tant que citoyens qui devrions bénéficier de l’assurance-maladie, avons besoin de renforts. C’est là où le fédéral peut aider une situation désespérée et où la province a laissé la situation se détériorer pendant des décennies. Quand plus de 1 millions et demie de Québécois n’ont ni accès à un médecin de famille, ni accès à des soins de santé préventifs, il y a quelque chose de pourri au royaume du Québec!
Si le passé est garant de l’avenir, moi qui serai bientôt à la porte des CHSLD, j’éprouve des craintes certaines si le fédéral s’en mêle pas…
Le paysage politique actuel ne prédispose pas aux parties de « bras de fer », la perspective s’inscrit plutôt en un cadre collaboratif et coopératif dans lequel les champs de compétences respectifs débouchent sur des ententes « gagnant-gagnant » qui préservent les egos de ceux qui se trouvent assumer la charge suprême dans leurs gouvernements respectifs.
Reste évidemment à savoir quels seront les coûts associés à cette sorte de « Realpolitik » nationale. Bref, l’heure est plutôt de laisser aller la diplomatie, plutôt que de faire aller les rapports de force qui causent plus de dommages collatéraux que cela ne fait réellement progresser les nations.
Le président Biden avait d’ailleurs adressé récemment au Congrès ce genre de considérations. Cela s’adresse aussi à nous les Canadiens dans le souhait, le choix, la conduite, d’une bonne et paisible gestion des affaires publiques.
Tout à fait d’accord! Les parties de » bras de fer » mènent rarement à quelques chose de constructif, mais… Mais allez donc faire comprendre cela à des » politiciens « !
C’est très loin de la réalité et un peu naïf. Le gouvernement Legault est rendu devant les tribunaux avec tambours et trompettes pour contester la loi C-92 qui permet aux nations autochtones de reprendre le contrôle exclusif de la protection de leurs enfants avec le prétexte que la protection de la jeunesse est de compétence provinciale.
Pendant ce temps, les nations autochtones ailleurs au pays utilisent cette loi pour reconstruire et restaurer leur contrôle social fondé sur leurs cultures et leurs traditions envers leurs enfants au lieu des services d’aide à l’enfance des gouvernements coloniaux. Mais, grâce à Legault, les Autochtones du Québec sont privés de cette avenue jusqu’à ce que les tribunaux se prononcent.
Beau «bras de fer» de Québec contre le fédéral sur le dos des enfants autochtones.
@ Cher monsieur NPierre,
Mes propos s’inscrivaient dans un cadre général et non dans un cadre particulier et spécifique en l’occurrence celui du PL-92.
J’aimerais attirer votre attention à ce sujet sur cet article publié dans Le Devoir le 31 janvier 2020, rédigé par Ghislain Otis (Professeur, section de droit civil, Université d’Ottawa). Voir lien ci-dessous :
https://www.ledevoir.com/opinion/idees/571960/loi-c-92-une-loi-qui-ne-peut-tenir-les-promesses-faites-aux-autochtones
À vous de voir si vraiment cette loi donne tout pouvoir aux autochtones pour restaurer le contrôle exclusif et la protection de leurs enfants, comme vous l’écriviez prestement.
Naïf moi ? Vous me flattez vraiment !
L’alignement de François Legault avec les conservateurs de O`Toole relève peut-être d’une stratégie en vue des élections de novembre 2022.
En effet, décrédibiliser le PMJT, en faire un sorte d’ennemi commun pour différentes raisons (PCU, soi-disant ingérences, Loi 21, immigration, …) et ainsi encourager l’unité derrière son parti.
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