L’UPAC a beau faire des perquisitions, les arrestations ne viennent pas

Les Québécois sont en droit de connaître le dénouement du vaste chantier entrepris au Québec, à partir de 2009, pour assainir les mœurs dans la construction et le financement politique. 

Photo: Mario Beauregard/La Presse Canadienne
Photo: Mario Beauregard/La Presse Canadienne

Est-ce qu’il y a une police politique au Québec? Les journalistes d’enquête et des observateurs aguerris de la chose policière et judiciaire se posent sérieusement la question depuis quelques années.

On a beau fouiller dans les archives, on ne trouve qu’une seule affaire impliquant un politicien provincial. En 2011, l’ex-député libéral Tony Tomassi a été accusé de fraude envers le gouvernement, pour avoir utilisé une carte de crédit payée par la firme BCIA. Il a reconnu sa culpabilité en 2014, écopant de 240 heures de travaux communautaires. Depuis? Rien.

L’Unité permanente anticorruption (UPAC) a multiplié les enquêtes sur les réseaux de financement occulte du Parti libéral du Québec (PLQ). Elle a effectué des dizaines de perquisitions à la permanence du parti et au sein d’entreprises réputées proches de celui-ci. Les arrestations ne viennent pas.

Aujourd’hui, La Presse révèle que l’UPAC s’impatiente et s’inquiète des délais. Six dossiers d’enquête ont été remis au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), dont deux portent sur le financement du PLQ. Le DPCP ne bouge pas, même s’il a toute la preuve sur son bureau pour décider de porter des accusations ou non. Faudra-t-il maintenant parler de l’existence d’une «poursuite politique» au Québec? Des procureurs claqueraient-ils des dents et hésiteraient-ils à porter des accusations contre des membres de la classe politique provinciale?

Les sources qui ont murmuré dans les oreilles alertes de Denis Lessard affirment des choses troublantes. À titre d’exemple, une opération policière d’envergure avait été préparée pour le Jeudi saint, l’an dernier, afin d’arrêter «un acteur important». L’UPAC avait même prévu faire travailler des heures supplémentaires à des policiers pour procéder à l’arrestation. Sans aucune explication, le DPCP a fait marche arrière.

Le DPCP a formulé des commentaires empreints de prudence dans la journée. La poursuite «ne saurait bâcler son analyse juridique du fait de quelques pressions que ce soit et au détriment de la présomption d’innocence», a rappelé l’organisme par voie de communiqué.

Avant de porter des accusations, le DPCP doit avoir la certitude morale qu’il pourra prouver la culpabilité des accusés hors de tout doute raisonnable. Ce n’est pas une mince affaire, surtout que les activités criminelles sont «de plus en plus complexes et diversifiées».

Soit que le DPCP décide de faire le procès du financement illégal du PLQ par les entrepreneurs et les ingénieurs, sous la gouverne de Jean Charest, soit qu’il jette l’éponge. Les Québécois sont en droit de connaître le dénouement du vaste chantier entrepris au Québec, à partir de 2009, pour assainir les mœurs dans la construction et le financement politique. Le statu quo ne fera qu’alimenter le cynisme de la population et la crise de confiance que traversent des institutions publiques.

Il y a plusieurs raisons d’être inquiet de la tournure des événements. La commission Charbonneau s’est privée d’entendre certains témoins qui auraient pu faire un lien entre l’octroi des contrats du gouvernement et le financement du PLQ (à ce sujet, relire mon texte du 15 septembre 2014 dans Le Devoir). La commission a choisi d’entendre à huis clos l’argentier bénévole du parti et administrateur de Schokbéton, Marc Bibeau, qui est visé par l’enquête de l’UPAC.

La commission voulait éviter de nuire aux enquêtes de l’UPAC. Si le DPCP ne donne aucune suite aux enquêtes de la police, le dossier du financement occulte du PLQ pourrait bien être classé sans suite dans notre mémoire collective.

Il ne s’agirait pas d’une première. En 2008 et 2009, le volet 2 de l’opération Diligence, portant sur l’infiltration du crime organisé à la FTQ-Construction, a été compromis en raison de fuites. Les policiers étaient à deux doigts de faire au moins une arrestation parmi les élus provinciaux à l’époque.

Le DPCP, Louis Dionne, et le responsable du Bureau de la lutte contre les produits de la criminalité, Yves Paradis, n’avaient pas voulu aller de l’avant avec ce dossier qui aurait éclaboussé le Fonds de solidarité FTQ. Ils n’ont jamais expliqué pourquoi et ils ne feront jamais en raison du devoir de réserve que leur imposent leurs fonctions actuelles de juges.

La société civile attend des résultats, ou des explications. Et vite.

 

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On dirait que tout ce «fling-flang» s’est arrêté au niveau municipal, que la vague corruptrice qui a frappé les rivages de la démocratie s’est retirée, rassasiée par ce qu’elle a pu ramasser dans son ressac après avoir copieusement arrosé les municipalités. Tant mieux si les brise-lames ont fonctionné au niveau supérieur. Tant mieux si les digues anti-corruption des niveaux supérieurs ont mieux fonctionné que les digues de la Nouvelle-Orléans lors de Katrina. Les ingénieurs anti-inondations seraient donc du calibre de ceux qui ont conçu les digues néerlandaises plutôt que du niveau de ceux qui se sont occupésd e la Nouvelle-Orléans. YÉ!!! Ne vaudrait-il pas mieux s’en féliciter, leur décerner des prix aux Mercuriades, plutôt que de chercher des poux à l’ineffable DPCP? Il devrait y avoir des limites au scepticisme et à la suspicion, non?

Non mais avez-vous bien lu l’article ? Les faits sont pourtant probants de velléité!

Vos jeux mots sont pas mal tout ce qui devrait nous laisser sceptiques…
Et effectivement, le tout s’est arrêté au niveau municipal et au niveau entrepreuneurial, tout cela comme par hasard… un certain palier gouvernemental s’en tire pourtant indemne, comme par hasard la même clique qui est visée par ces enquêtes est présentement au pouvoir.

La question n’est pas de savoir si ils sont corrompus ou non, malheureusement ils le sont car on vit dans une société où le pouvoir mène à l’argent et vice-versa, tout cela dans le but de favoriser sa propre personne ou les siens, c’est rendu un secret de polichinelle (je ne dis pas pour autant que tous les politiciens sont corruompus). La commission Charbonneau a démontré clairement une culture interne de la collusion, culture largement répandue et entretenue paisiblement pendant plusieurs années comme si de rien n’était.

Le pire c’est que la commission relatait des faits qui avaient eu lieu avant la commission (même bien avant), alors rien n’empêche (voire qu’il serait logique de prétendre) que pendant et depuis tout cela se poursuit toujours comme si de rien n’était, avec des méthodes encore plus discrètes et des liens avec le pouvoir encore mieux tissés.

Il devrait y avoir des limites à jouer au larbin et surtout pas s’en féliciter, voyons!!!

Ouf! Décidément, je devrai revoir ma méthode. Je «sarcasmais» pourtant à pleins tuyaux. Vrai que si, au lieu de devoir l’écrire, je l’avais verbalisé, vous auriez fort probablement mieux saisi toute l’ironie du propos. Bref, nous sommes finalement sur la même longueur d’ondes même si mon propos vous a semblé suffisamment vague pour que vous l’interprétiez ainsi.

Comme nous l’avons vu avec les Hells, faire des perquisitions est une chose mais préparer un solide dossier pour un procès en est une autre.