Une stratégie qui a des couilles

Le défi des débuts de campagne, c’est justement de faire sa place et de gagner rapidement une légitimité dans la course. C’est ce que vient d’accomplir Projet Montréal, selon Stéphane Mailhiot.

La chef de Projet Montréal, Valérie Plante, a marqué un grand coup : la campagne n’est pas encore lancée qu’elle s’est déjà fait un nom. Quand on affronte un candidat établi comme Denis Coderre, en poste et profitant d’une notoriété presque partout, on doit prendre des risques. Celui de Valérie Plante pourrait bien être payant.

La fonction de l’affiche, c’est de présenter le candidat. C’est lui donner un visage. Créer une proximité. Quand on fait de la politique depuis 30 ans, on peut parfois s’en passer. Par contre, quand on est relativement nouvelle dans la médiasphère, on a besoin de cette carte de visite.

Une stratégie distinctive est souvent payante. La majorité des pancartes électorales sont d’une insignifiance telle qu’on peut à peine les différencier. En 2015, l’électeur canadien avait le choix entre « Changer ensemble » et « Ensemble pour le changement ». Cette année, l’électeur français a plutôt eu droit à « Ensemble La France » ou « Choisir la France ».

Mais parfois, les partis innovent. L’originalité attire l’attention, tant sur le plan des slogans que du côté visuel. La campagne colorée du Oui, lors du référendum de 1995 au Québec, en est un bon exemple. Le Bloc québécois a aussi réussi à imposer le thème de l’éthique avec son « Un parti propre au Québec » (2004).

À l’inverse, la CAQ avait plutôt attiré l’attention sur l’absence de thème fort avec son douteux « On se donne Legault » (2014). Sans oublier que le slogan ne fait pas la campagne : John Kerry a perdu en 2004 avec son « Let America Be America Again », tandis que Trump est entré à la Maison-Blanche avec « Let’s Make America Great Again ».

Dans le cas de Valérie Plante, la ligne « L’homme de la situation » dérange. Les commentaires, dont certains offusqués, ont plu sur les médias sociaux. Mais le défi des débuts de campagne, c’est justement de faire sa place et de gagner rapidement une légitimité dans la course. C’est ce que vient d’accomplir Projet Montréal. La pancarte préélectorale arrive avant toutes les autres et nous donne une fenêtre sur les intentions de la candidate.

La stratégie n’est pas sans rappeler celle de Mélanie Joly, dont l’affiche se démarquait avec son fond noir et la pose particulière. En plus de son célèbre « Je suis majeure et vaccinée » répété jusqu’à plus soif, sa communication adoptait un ton singulier. Il est difficile de promouvoir le « vrai changement » en utilisant les stratégies consacrées.

À la fin, la candidate avait perdu l’élection de peu, mais elle avait gagné la guerre des pancartes, en plus de mener la meilleure campagne de communication. Si bien que l’actuelle ministre du Patrimoine a pu se lancer en politique fédérale avec l’étiquette de « candidate-vedette ».

L’affiche de Projet Montréal annonce son intention de faire campagne sur l’idée que sa chef, une femme, peut incarner un nouveau style de leadership par son énergie et sa vigueur. En raison de la notoriété de son adversaire, elle est forcée de faire une campagne comparative, s’inscrivant en opposition face à Denis Coderre.

Avec sa phrase-choc (qui n’est pas son slogan de campagne), elle marque les esprits, assure que la question de genre sera à l’ordre du jour, et amorce ses efforts de positionnement. Son équipe de communications vient de proposer une nouvelle direction, sans faire un sempiternel slogan sur le changement.

Le coup d’éclat rappelle aussi avec force qu’être une femme est encore un désavantage dans une élection. Valérie Plante fait le pari que l’inconfort ressenti par bon nombre par rapport à son slogan laissera une envie de changer les choses. Que le malaise sera dirigé vers son adversaire. Elle a trouvé une façon politiquement correcte de décrier le boy’s club et de s’offrir en solution.

Pour Valérie Plante, la révolution ne pourra se limiter au fait d’être une femme. L’appel à briser le plafond de verre et son slogan #ImWithHer n’a pas suffi à Hillary Clinton — pas plus que « La France Présidente » (2007) n’a ouvert les portes de l’Élysée à Ségolène Royal.

Rien ne garantit que la pancarte officielle de Valérie Plante ne succombera pas à la tentation des clichés édulcorés. Par contre, son équipe semble avoir déjà compris qu’elle ne peut l’emporter avec une campagne conservatrice. Elle devrait maintenir son approche à contre-courant si elle aspire à devenir la « femme de la situation ».

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Stéphane Mailhiot est vice-président de la stratégie à Havas Montréal et chroniqueur médias et marques à Radio-Canada.

Les commentaires sont fermés.

Bien Mal pris à Montréal entre un petit caporal égocentrique et une militante plus gauche que ça n’existe pas……………..

La pancarte ne me plait pas : « La femme de la situation » aurait été un terme plus percutant, moins racoleur.
Mais ce qui me choque davantage, c’est de trouver dans mon magazine favori l’expression « des couilles », qui est du niveau très familier, sinon vulgaire. Je comprends le lien « homme de la situation » et « des couilles », mais je pense que nous sommes suffisamment exposés à de la vulgarité. Est-il vraiment nécessaire d’en rajouter ?
« Une stratégie audacieuse » comme titre de l’article n’aurait-elle pas mieux convenu ?

Madame Havrankova, je ne suis pas du tout d’accord avec vous. L’expression « avoir des couilles » est peut-être d’un niveau familier, certes, mais ça ne la rend pas vulgaire pour autant. Je suis plutôt heureux que mon magazine (favori à moi aussi) ose utiliser un langage coloré et vivant, voire familier ou populaire, qui a ici une résonance beaucoup plus intense et claire que votre proposition, ironiquement beaucoup moins « audacieuse ». Par contre, c’est une belle occasion pour relever le caractère sexiste de cette expression. Est-on nécessairement plus audacieux ou courageux si on a des couilles? Notre façon de nous exprimer reflète beaucoup notre façon de penser… mais elle la conditionne peut-être aussi un peu, ce qui nous oblige à être vigilants…

À première vue, j’aime bien cette affiche, mais je comprends que ça peut déplaire à certains. Je ne dis pas que la course à la mairie est jouée à l’avance, mais c’est un canddat vedette qui pourrait défaire Coderre. Ce dernier a beau avoir déplu à bien des gens qui ont voté pour lui il y a quatre ans il n’en reste pas moins qu’une forte proportion de la population votera de nouveau pour lui parce qu’il est plus connu que les autres. La campagne est avant tout une course où le fait d’être connu prime sur tout le reste. Il en faudra beaucoup pour inverser cette tendance et Coderre le sait très bien. Mériterait-on un(e) autre maire ? Personnellement, je donnerais volontiers la chance à un aure coureur. Surtout que je n’ai pas voté Coderre la dernière fois. Ne perdons pas de vue qu’il est de la famille libérale et que celle-ci n’est pas vierge en matière de pratiques douteuses. Il n’échappe pas à la règle.

Pour sortir Coderre de là, ça va prendre une campagne très innovante et des propositions vraiment emballantes. Par contre, de ce côté, ce ne sont pas les idées qui manquent. Il y a tant à faire afin d’améliorer le sort des gens et des Montréalais en particulier. Juste une politique concrète de désengorgement du trafic serait me plaire tellement la situation est devenue pathétique.

Bonne chance aux partis d’opposition.

Ce serait tellement bon d’avoir une femme à la mairie de Montréal plutôt que l’auto-suffisant roitelet actuel, qui semble se prendre pour un empereur romain. Elle serait probablement plus sensible aux doléances de Saint-Lambert en ce qui concerne le bruit du Parc Jean Drapeau et elle ne ferait pas gaspiller l’argent des contribuables de Montréal et de Saint-Lambert. Mr Coderre lui, a eu besoin de quémander l’argent d’un ami quand il fut poursuivi lorsque ministre des sports à Ottawa mais dès lors qu’il s’agit de l’argent des contribuables, le robinet est grand ouvert. Plutôt les avocats qu’un terrain d’entente entre adultes qui se parlent.

Valérie Plante a raison et je lui souhaite bonne chance. Coderre devra prendre une pause pour mieux prendre la pose. En passant, il y a confusion pause/pose dans le texte (au sujet de l’affiche de Mélanie Joly). À corriger…

J’aime bien ce slogan, il sous-entend sa capacité de gérer comme n’importe quel homme tout en étant une femme. Oui, il est difficile de percer dans cet univers de mâlitude et je dis cela sans agressivité, elle ( et ou son équipe) a donc choisi cette phrase pour faire la différence et c’est bien réussi. Maintenant, il me reste à m’informer sur son programme pour constater sa réelle capacité à gérer une ville comme Montréal …J’ai confiance, à suivre alors !!

Son plus gros problème c’est d’avoir Ferrandez dans sa cour. Ça va lui coûter plusieurs votes…

Il est vrai que Ferrandez déplaît à plusieurs et j’en suis. Ceci dit, il a des supporteurs dans son arrondissement et je comprends très bien pourquoi ils votent pour lui. Ils ne voient surtout que le bon côté de Ferrandez. Ce qui est vraiment dommage car ce maire d’arrondissement se fout royalement des arrondissements voisins. Il gère comme s’il était seul et son détournement de la circulation nuit aux autres. On finit par ne plus vouloir passer sur le Plateau sauf en cas de nécessité absolue. En bout de ligne, ce sont les commerces qui en souffrent.

Bref, je veux bien qu’on se débarasse de Coderre, mais on ne veut surtout pas d’un Plateau à la grandeur de Montréal. On a besoin d’une vision nouvelle, mais pas d’une vision qui empirerait les énormes problèmes de circulation que Montréal vit déjà. Et ce n’est qu’un exemple.

@ Marc:

Exactement et si j’étais Coderre, j’exploiterais cette faiblesse à fond lors des élections de novembre.

Z’avez vu le petit-fils de Parizeau (personne de gauche et séparatiste) se joindre à son équipe? Ça en dit long sur l’effet de la nouvelle pancarte…

Sans parler de l’ineffable François Croteau, maire de Rosemont-Petite Patrie et du même parti que Ferandez. Plus anti voiture que ça tu meurs! Des routes parmi les pires de toutes les arrondissements de Montréal, mais 3,5 millions de dollars pour installer 400 nouveaux dos d’âne @ 8000$ la « bosse »…une parmi ses nombreuses mesures « d’appaisement » (sic) de la circulation. À bannir lors des prochaines élections.

« Rien ne garantit que la pancarte officielle de Valérie Plante ne succombera pas à la tentation des clichés édulcorés. »

Pourtant, cela saute aux yeux qu’avec un slogan pareil, cette pancarte va succomber aux vandalismes, c’est nettement tentant d’aller lui dessiner des moustaches et de la barbe. Je suis étonné que ces publicitaires n’aient pas pensé au sort qui pourrait être réservé à cette affiche surtout pendant une campagne électorale.

Sa pancarte ne semble pas avoir l’effet escompté: le petit-fils de Jacques Parizeau (gauchiste et séparatiste!) vient de se joindre à l’Équipe Coderre…

Elle a peut être de couilles mais elle a surtout une voix, une voix qui fait qu’à chaque vois que je l’entend je change de poste.