« Yesssssssss !!! » Sur la scène de l’Olympia, Valérie Plante exulte devant les partisans de Projet Montréal. Les bras en V victorieux, le sourire radieux, le rire fort et pleinement assumé : en ce 7 novembre 2021, elle vient d’écrire une autre page de l’histoire de Montréal. Et plus largement, de la vie politique québécoise.
Valérie Plante a mis K.-O. son adversaire par 15 points, elle qui tirait de l’arrière d’autant dans les sondages le printemps dernier. C’est la seconde fois qu’elle envoie Denis Coderre au tapis — et fait mentir les chroniqueurs qui déchirent leur chemise à la moindre de ses interventions.
« Je savoure », a lancé une Valérie Plante euphorique au début de son discours de victoire. Parce qu’en conservant le pouvoir avec son équipe, elle confirme que l’élection d’il y a quatre ans n’était « pas un accident de parcours, mais le début d’une nouvelle ère et d’une façon de gouverner différente ».
Il y avait dans ces résultats électoraux une réussite personnelle pour la mairesse : la confirmation que ses idées et sa manière de faire plaisent, malgré un premier mandat pas toujours facile. Mais plus globalement, c’est aussi la vision de l’action politique municipale que porte Projet Montréal qui a été validée.
Il n’y a pas si longtemps, ce parti passait pour radical parce qu’il remettait en question le tout-à-l’auto et coupait des places de stationnement sur le Plateau-Mont-Royal. Derrière les cris effrayés de certains, d’autres tendaient toutefois l’oreille avec intérêt.
Depuis 2005, la formation augmente ainsi la taille de son caucus lors de chaque élection. Les racines grandissent. Et cette année, l’influence de Projet Montréal a franchi les ponts pour se propager ailleurs au Québec, où plusieurs partis politiques qui pensent la vie municipale en dehors de la stricte intendance des déchets à ramasser ou des trottoirs à déneiger ont été élus. La nouvelle mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, attribue à l’avènement de Projet Montréal « le souffle de ce renouveau » municipal.
Valérie Plante a eu « extrêmement peur » de se buter cette année à la « malédiction » qui fait que de nombreuses politiciennes ne sont pas réélues après avoir défoncé un des fameux plafonds de verre.
Valérie Plante note la volonté, un peu partout, d’avoir des villes à échelle humaine. « On prend soin de la vie de quartier, on favorise la transition écologique, on réfléchit à l’habitation et au transport, dit-elle en entretien. Je trouve ça intéressant de voir que des éléments qu’on porte comme parti depuis longtemps se retrouvent dans d’autres villes, avec le même langage. »
À Sherbrooke, la nouvelle mairesse Évelyne Beaudin fait aussi valoir que Projet Montréal a contribué à transformer le rôle des partis politiques municipaux. « C’étaient souvent des machines électorales qui n’existaient que pour se rassembler autour d’une personne. Et ça devient des partis d’idées, des partis militants. »
Au soir de la réélection de Valérie Plante, un constat a également émergé : la présence d’une femme à la tête de Montréal depuis quatre ans a eu un effet d’entraînement ailleurs. Non seulement des mairesses ont été élues dans 5 des 10 plus grandes villes du Québec le 7 novembre, mais aussi dans 45 % des villes de plus de 50 000 habitants. À l’échelle de la province, 38,5 % des postes de conseillers municipaux sont maintenant occupés par des femmes, une progression de quatre points depuis 2017.
Ce n’est pas encore la parité partout, mais c’est une avancée qui réjouit Valérie Plante. Cette question de la participation des femmes en politique est au cœur de son engagement. Quand elle s’est lancée dans la course à la chefferie de Projet Montréal, en 2016, c’était notamment pour éviter qu’il n’y ait que des hommes qui se présentent. Première mairesse de la vaste histoire de Montréal, elle a ajouté cette année une pierre à l’édifice en désignant Dominique Ollivier présidente du comité exécutif. Deux femmes dirigent donc la Ville.
Ce n’était pas gagné d’avance. La native de Rouyn-Noranda admet qu’elle a eu « extrêmement peur » de se buter cette année à la « malédiction » qui fait que de nombreuses politiciennes ne sont pas réélues après avoir défoncé un des fameux plafonds de verre. Au Canada, aucune des 12 femmes qui ont été première ministre quelque part depuis 1991 n’a pu obtenir un deuxième mandat. « Je me suis dit que c’était possible que les gens ne veuillent plus de moi après un mandat », confie Valérie Plante.
Celle-ci a au contraire quatre ans de plus devant elle pour laisser sa marque. Et elle entend bien le faire à sa manière. Car « oui, on peut diriger la Ville de Montréal avec le sourire », comme elle s’est chargée de le rappeler le 7 novembre 2021.
Cet article a été publié dans le numéro de janvier-février 2022 de L’actualité.