La relation entre les deux plus grandes puissances asiatiques connaît des jours sombres. Un différend territorial pour le contrôle d’un minuscule groupe d’îles appelé Senkaku par le Japon et Diaoyu par la Chine prend depuis quelques mois une tournure dangereuse.
La guerre de mots s’intensifie, et avec une militarisation grandissante de la dispute, le risque d’incident ou de conflit armé limité augmente sensiblement.

Situées en Mer de Chine orientale et administrées par le Japon, ces îles inhabitées sont revendiquées par la Chine (et, dans une moindre mesure, par Taiwan), qui les considère comme une partie intégrale de son territoire depuis le 16e siècle. Les eaux entourant les îles Senkaku/Diaoyu sont convoitées notamment pour leur richesse en gaz naturel, en pétrole et en stocks de poissons.
Après des mois de fortes tensions durant lesquels des avions de chasse japonais furent fréquemment appelés à survoler les îles en réponse à des incursions d’appareils et de drones chinois dans le secteur, le Parti communiste chinois hausse maintenant la mise.
Le 23 novembre, Beijing annonçait l’établissement d’une zone d’identification de la défense aérienne comprenant les îles Senkaku/Diaoyu, qui étaient déjà incluses dans une zone d’identification japonaise.
Cette mesure oblige à communiquer les plans de vols et à fournir les détails de tout appareil pénétrant dans la zone. Beijing a déclaré qu’en cas de non-respect, l’armée prendrait des «mesures défensives d’urgence».
Beijing n’a pas fourni de détails quant aux actions qui pourraient être posées en cas de bris des nouvelles règles, mais selon certains experts en matière de défense, l’armée pourrait envoyer des avions de combat, ou même cibler directement des appareils étrangers. Un colonel chinois haut placé a également recommandé que les missiles anti-aériens soient placés en état d’alerte lorsqu’un avion pénètre dans le secteur.
L’inflexibilité du premier ministre japonais Shinzo Abe et du président chinois Xi Jingping n’augure rien de bon pour la suite des choses. Le premier ministre Abe refuse de reconnaître l’existence même d’un contentieux territorial et est déterminé à rester ferme face aux récriminations chinoises.
Du côté chinois, certains hauts placés parlent des îles Senkaku/Diaoyu comme d’une question «d’intérêt central». Cette expression est habituellement réservée aux questions de Taiwan et du Tibet, des enjeux concernant lesquels tout compromis est exclu.
Ce choix stratégique du Parti communiste chinois démontre sa volonté de modifier le statu quo et s’inscrit dans le cadre d’une politique de plus en plus audacieuse en mer de Chine méridionale et en mer de Chine orientale.
Dans le climat actuel, les actions prises par Beijing pour s’opposer au contrôle des îles par Tokyo forcent les puissances régionales à répliquer, provoquant une escalade de la tension et une hausse des risques d’accrochage.
Déjà, Washington a défié la Chine en envoyant deux bombardiers le 25 novembre dernier dans la zone d’identification, suivis ensuite par des appareils militaires japonais et sud-coréens. Trois jours après, Beijing envoyait en réponse des avions de chasse pour patrouiller la zone.
L’hostilité entre la Chine et le Japon n’est pas près de s’atténuer, avec des conséquences néfastes sur la stabilité et la coopération régionales. Il y a lieu de se demander jusqu’où les puissances régionales seront prêtes à aller avant que la diplomatie ne reprenne le dessus.
Chercheur associé, Observatoire de géopolitique
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