Washington, l’école du marketing politique

Alec Castonguay rencontre les maîtres de la techno électorale américaine.

(Ce texte est un complément de notre dossier Les partis politiques vous espionnent.)

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Le Capitole des États-Unis, à Washington. (Photo : D.R. Washington)

Au huitième étage d’un immeuble discret de Washington, des dizaines de conférenciers et près de 200 organisateurs politiques de toutes les tendances sont réunis, en ce 21 avril qui sent bon l’été, pour réfléchir à la manière de repousser les frontières technologiques en démocratie. Une vingtaine d’entreprises spécialisées en big data — ces banques de données colossales qui permettent le profilage des électeurs — sont aussi présentes pour promouvoir leur expertise. Parmi les participants se trouvent, assis à une table située tout près de la scène, trois représentants de la Coalition Avenir Québec (CAQ). Dont Brigitte Legault, conseillère spéciale du chef.

Elle en est à sa deuxième présence à la conférence Campaign Tech East. « On parle à des gens qui ont testé des méthodes. On va être prêts quand ça va arriver chez nous, parce qu’on est toujours quelques années en retard », dit-elle à L’actualité entre deux conférences.

Sur l’estrade principale et dans les couloirs du congrès, les conversations tournent autour de l’utilisation des réseaux sociaux pour alimenter les bases de données. Comment profiter à plein de ce que les électeurs diffusent sur Facebook, Twitter, LinkedIn et autres Instagram pour mieux connaître leurs champs d’intérêt.

Un exemple parmi d’autres : un parti diffuse sur un réseau social une publicité sur un sujet. Grâce aux cookies, ces petits mouchards numériques, il sera en mesure de savoir qui a cliqué sur l’annonce, mais également quels sont les sites Internet visités ensuite (voyage ? ligue de garage de hockey ? vêtements ?), et pourra ainsi dégager le profil de l’électeur qui s’intéresse à cet enjeu. Le nom de l’internaute n’est pas connu du parti — le réseau social protège cette information —, mais la masse d’utilisateurs qui cliquent sur le lien permet de tracer un profil sociodémographique de l’électeur, que la formation politique peut ensuite cibler plus facilement.

Les partis canadiens n’en sont pas encore là, précise Andrew Brewin, du NPD. « C’est trop cher et on n’a pas le temps de faire ça, car nos campagnes sont plus courtes, dit-il. Les démocrates et les républicains dépensent dans un seul État américain l’argent que l’on dépense pendant toute une campagne électorale au Canada ! »

Deux représentants du Parti conservateur du Canada et un du Parti conservateur ontarien étaient aussi présents à Washington pour assister à ce congrès.

Le mouvement conservateur a une tradition d’innovation en matière de technologie politique. Le premier ministre John Diefenbaker a été le premier, en 1957, à intégrer des publicitaires dans son équipe restreinte de stratégie — une pratique courante aujourd’hui. Au début des années 1970, les conservateurs de Bill Davis, en Ontario, ont senti la montée de la société de consommation et ont sondé les électeurs sur autre chose que les intentions de vote, cherchant des mesures précises et populaires à intégrer à leur plateforme électorale.

Depuis l’élection de 2011, libéraux et néo-démocrates ont investi des sommes importantes pour tenter de rattraper les conservateurs de Stephen Harper en matière de profilage des électeurs et de gestion de bases de données. Le PC demeure le chef de file au pays avec sa base de données CIMS (Constituent Information Management System), mise en marche dès 2004.