
Dans les rangs du Bloc québécois, de plus en plus de militants souhaitent repousser la course au leadership prévu cet automne par les instances du parti.
«On doit prendre notre temps, réfléchir à ce qui s’est passé le 2 mai et restructurer le parti avant de penser avoir un chef qui sera là pendant quatre ans», souligne à L’actualité un ancien député bloquiste qui préfère garder l’anonymat pour l’instant.
Le Bloc réunira son conseil national le 17 septembre à Drummondville. Les 75 présidents de circonscriptions, accompagnés d’un délégué, seront présents. En plus des quatre députés et des 71 candidats défaits le 2 mai. En tout, près de 225 personnes fixeront les paramètres de la course au leadership.
La date du 18 septembre a été choisie par le bureau national du parti, qui regroupe une douzaine de personnes, pour lancer la campagne à la chefferie. L’élection du nouveau chef est prévue le 11 décembre. Mais ce calendrier pourrait encore changer.
Karine Sauvé, attachée de presse du Bloc québécois, confirme que l’adoption d’une résolution au conseil national pourrait peut-être repousser la course au leadership. «C’est techniquement faisable de renverser une décision du bureau national, mais ça ne s’est jamais vu au Bloc encore», dit-elle, ajoutant que c’est «purement hypothétique pour l’instant». «Il faut attendre le 17 septembre», dit-elle.
La présidente du parti, Vivian Barbot, commence une tournée du Québec pour consulter les militants, notamment au sujet de la course au leadership.
L’ancien député Pierre Paquette, 56 ans, a fait de même en juin et juillet. Au lendemain du 2 mai, M. Paquette avait dit être intéressé au poste de chef, mais vouloir d’abord y réfléchir et consulter des militants de partout au Québec.
Vendredi, Le Devoir a confirmé les informations obtenues jeudi par L’actualité, à savoir qu’il ne se lancerait finalement pas dans la course. Or, selon nos sources, il s’est fait dire par plusieurs présidents de circonscriptions que la priorité ne devrait pas être de dénicher un nouveau chef, mais de faire le bilan de la tempête qui a frappé le parti.
L’ex-député de Joliette, qui a perdu son père récemment, a soutenu au Devoir qu’il partageait l’avis de plusieurs militants. «Je ne sens aucun appétit pour une course cet automne ou même cet hiver, a-t-il dit. Les gens veulent amorcer une réflexion sur les causes du résultat du 2 mai avant de se retrouver à débattre de qui pourrait prendre la succession.»
D’abord partisan d’une course au leadership rapide ce printemps, il dit avoir changé d’idée. «Ce serait une erreur de faire la course dès maintenant, et je ne veux pas faire partie d’une erreur.»
Pourrait-il faire le saut si le conseil national décide de repousser la campagne au leadership. Possible, a-t-il dit. «J’ai besoin d’un recul après 25 ans de vie publique. C’est vraiment une question de timing pour moi, et parce que je ne sens aucune volonté des membres d’aller de l’avant tout de suite.»
Si la course est repoussée et que Pierre Paquette décide de sauter, il devra être considéré comme ayant une longueur d’avance, notamment grâce à son amitié avec l’ancien chef de cabinet de Gilles Duceppe à Ottawa, François Leblanc, qui a la mainmise sur l’organisation du parti.
M. Leblanc, qui travaille encore au Bloc, s’est vu confier la supervision de la course au leadership au sein du parti. À l’interne, on affirme que cette proximité entre Pierre Paquette et l’organisateur de la course n’a pas soulevé de plaintes.
L’autre prétendant non déclaré à la succession de Gilles Duceppe, le jeune député recrue Jean-François Fortin, avoue poursuivre sa réflexion. En entrevue avec L’actualité, il ne cache pas son désir de brasser la cage s’il se lance dans la course. Le Bloc québécois doit prendre acte de la débâcle électorale du 2 mai dernier et se choisir un nouveau chef qui prend tous les moyens afin de moderniser le parti, estime-t-il.
Le député de 37 ans (38 ans le 12 septembre prochain), élu dans Haute-Gaspésie-La Mitis-Matane-Matapédia, pense sérieusement à plonger. «Je ne suis pas du genre à y aller de demi-mesures, alors je dois bien soupeser les avantages et les inconvénients», dit-il.
Père de trois enfants et ancien professeur de science politique au CEGEP de Rimouski, Jean-François Fortin a fait sa marque de 2006 à 2009 en tant que maire de Sainte-Flavie, aux portes de la Gaspésie.
M. Fortin sait ce qu’il pourrait amener à la tête du Bloc québécois. Il voudrait moderniser le parti, le rendre plus efficace, plus près des jeunes et le rapprocher des citoyens, «dans une approche participative», dit-il. «Il faut changer notre manière de faire de la politique.» Un discours aussi en vogue chez les cousins du Parti québécois.
«Il faut que le prochain chef qui sera choisi tienne compte de la réalité. La situation a changé», dit-il, citant les moyens financiers réduits du parti, la faible députation à Ottawa et le contexte politique du Québec, avec la force du NPD.
Durant la dernière campagne fédérale, Jean-François Fortin a insisté pour adapter les messages du Bloc à sa réalité régionale. Il a créé des bureaux ambulants pour aller à la rencontre des électeurs dans chaque municipalité, et même jusque dans leur demeure. Grâce à un nouveau logiciel, il peut suivre la progression de tous les dossiers de ses commettants, et ensuite recevoir leurs commentaires sur la qualité des services reçus. Il a financé un comité indépendant de citoyens pour orienter les élus et a mené de nombreuses tournées consultatives, offrant aux gens la chance « de se réapproprier la politique. »
Est-ce que sa jeunesse et le fait qu’il soit un nouveau venu pourraient nuire à une éventuelle candidature à la chefferie? «Pas du tout», tranche M. Fortin. «La décision va appartenir aux membres, en fonction de ce qui leur sera présenté.»
Jean-François Fortin affirme que beaucoup de gens, à l’intérieur et à l’extérieur du Bloc québécois, l’ont approché pour qu’il pose sa candidature. «Une annonce serait prématurée, mais il y a de l’intérêt», confirme-t-il.
L’ancien chef du Bloc québécois lui a d’ailleurs facilité l’entrée dans la vie politique. Lorsque Gilles Duceppe a libéré son appartement à Gatineau, à la suite de sa défaite au scrutin général du 2 mai, il a donné les clefs à Jean-François Fortin. Un geste symbolique que pourrait utiliser le jeune député lors d’une course au leadership.
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Avec la collaboration de Daniel Leblanc