3. L’accès adapté, pour un accès rapide à son médecin!


Ce qu’on appelle « l’accès adapté » (parfois appelé aussi « accès avancé) représente probablement le défi conceptuel et pratique le plus intéressant de la médecine de première ligne.

De quoi s’agit-il? De transformer sa pratique de « médecine de suivi » (dont je vous parlais hier) en « médecine selon le besoin ». C’est-à-dire d’ajuster la pratique médicale pour répondre le mieux possible aux besoins des patients.

C’est un modèle qui commence à faire des adeptes, bien qu’il suppose des changements organisationnels majeurs dans une clinique médicale. Plusieurs grandes organisations médicales, dont la FMOQ et l’AMQ, s’y intéressent et tentent de former les médecins pour répandre cette pratique.

En simplifiant, il s’agit de ne réserver qu’une petite proportion des rendez-vous aux « suivis » (qui sont toujours requis dans certains cas, celui des maladies chroniques par exemple), pour faire en sorte que la plupart des patients sont vus « quand ils en ont besoin ». Un excellent exemple est celui de la clinique du docteur Robitaille, à Beauport, que je présente dans mon Privé de soins:

Le Dr Michel Robitaille, de la Clinique médicale des Promenades de Beauport, a introduit de nouvelles méthodes de prise de rendez-vous rapide, qu’ont adoptées ensuite cinq de ses collègues. (…) La clientèle (…0 jouit de la même qualité d’accès dans le réseau public : le patient qui le désire obtient un rendez-vous dans les 24 heures. La méthode porte même un nom, « l’accès avancé ». Elle permet en gros de rencontrer les patients quand ils en ont besoin et non quand ça fait l’affaire du médecin. Il s’agit donc d’inverser les ratios habituels : la majorité des rendez-vous sont fixés moins de 24 à 48 heures à l’avance, pour répondre aux vrais besoins, alors que trois rendez-vous par jour sont consacrés aux suivis. Comme le faisait mon grand-père. Le Dr Robitaille met à contribution d’autres professionnels en déléguant beaucoup de responsabilités aux infirmières, particulièrement quand survient un débordement de clientèle. Le principe est de ne jamais reporter un rendez-vous trop loin. »

Apparemment, cela réduirait le nombre de tests et d’examens complémentaires. Mais bien sûr, c’est une tout autre philosophie de soins, qui peut être d’ailleurs assez exigeante pour le médecin : quand on est habitué de ne voir que des suivis, surtout si on ne fait pas d’urgence ou de sans-rendez-vous, enligner les patients présentant des symptômes plus ou moins aigus demande beaucoup plus au médecin, qui peut se retrouver en dehors de sa zone de confort.

Le travail collaboratif avec les infirmières, notamment, prend ici tout son sens, ce qui suppose de développer des modèles de type GMF ou autre pour s’assurer de mettre en place, non pas des médecins oeuvrant en solo, mais de réelles équipes interdisciplinaires de soins comparables à celles retrouvées dans un hôpital. C’est un vaste défi.

Et vous, aimeriez-vous que votre médecin « adapte » sa pratique?

Ceci dit, l’accès est important, mais il faut aussi que les soins soient pertinents.

*

Les citations sont tirées de mon ouvrage Privé de soins.

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Plus un patient attend longtemps pour avoir un rendez-vous, plus il a des demandes. Les compagnies d’assurance qui paient vite ont compris cela. Je crois que les médecins sont prêts à s’adapter mais ils vont rester en « contemplation » si ils ne sont pas seuls à emboiter le pas.

Un md seul qui teavaille dans une clinique avec d’autres medecins, doit travailler en concertation avec kes autres mds , les infirmieres du gmf, des inf. Praticienes , les pharmaciens d’officine etc. Pour etablir un vrai acces avancé.

« quand on est habitué de ne voir que des suivis, surtout si on ne fait pas d’urgence ou de sans-rendez-vous, enligner les patients présentant des symptômes plus ou moins aigus demande beaucoup plus au médecin, qui peut se retrouver en dehors de sa zone de confort. »

Il faudrait faire attention à ne pas regarder de trop haut vos collègues qui font du bureau plutôt que de l’urgence. Vous suggérez que le « suivi » de patients qui n’ont aucune maladie chronique occupe la majorité du temps pour les médecins qui font du bureau. Ça me paraît complètement farfelu. Essentiellement, les patients suivis sont ceux qui ont des maladies chroniques et ceux qui présentent des problèmes psychatriques et musculosqueletiques (dans ce dernier cas, généralement avec un arrêt de travail associé). Ce n’est pas forcément plus confortable de faire ce type de suivis que de faire du sans rendez-vous. Les patients en santé (ou avec une mono-maladie simple du genre hypertension artérielle) se retrouvent sur des listes d’attente interminables quand ils demandent un rendez-vous pour examen périodique (étant effectivement moins prioritaires). Par ailleurs, voir un patient pour examen périodique, c’est aussi répondre à une demande, alors à moins que le médecin impose à sa clientèle en santé des suivis annuels systématiques, je ne vois pas ce qu’il fait de mal à rendre ce service-là. Bref, je trouve que le portrait que vous faites de la pratique en médecine de famille est trompeur. D’ailleurs, les médecins qui vont du suivi font généralement du sans rendez-vous, non? Je travaille en région – c’est peut-être différent à Montréal???
Autre sujet: sur l’accès adapté, je n’ai pas fait de grandes formations là-dessus, mais je suis jusqu’à maintenant plutôt sceptique. Les évidences avancées sont du type: la clinique Mayo a réduit ses temps d’attente de 3 semaines à 2 jours pour les consultations. Fort bien. Quand le temps d’attente de départ est fixe à 3 semaines, je peux comprendre qu’un changement dans la façon de prendre les rendez-vous peut raccourcir les délais. Par contre, quand la liste d’attente est de 1½ an et s’allonge tout le temps, c’est simplement que le médecin ne fournit pas, et à mon avis c’est de rêver en couleur que de croire qu’en changeant une procédure, on va ramener ça à deux jours sans que le médecin ne voit plus de patients. Évidemment, c’est très improductif de travailler avec de telles listes, alors que les gens qui sont dessus ont même oublié pourquoi ils avaient pris rendez-vous initialement. Quand ils finissent par être appelés, ils prennent quand même le rendez-vous parce qu’ils ont cumulé quelques questions et ne veulent pas attendre encore 1½ an. C’est un cercle vicieux.
Solution? Sûrement augmenter l’offre en première ligne (ajout de médecins, d’infirmières, ce qui coûte bien sûr de l’argent aux contribuables). Du côté des professionnels, éviter de générer de la demande en revoyant des clients pour rien. Accès adapté? Peut-être, mais je ne vois pas de miracle là.

Je suis médecin de famille. Aussi bien le préciser puisque le jupon dépasse pas mal de toute façon.

@ PH Brassard. Merci pour le commentaire et désolé si mon texte laisse cette impression, mais il ne s’agit pas de regarder de haut quiconque. Je serais personnellement bien en mal de suivre des patients au long cours en bureau, une tâche difficile qui demande beaucoup de connaissances et de dévouement et que je respecte beaucoup. (Et quand je dis urgence, j’inclus la clinique SRV). Mais la situation mentionnée m’a été décrite pas un médecin très bien au fait du développement de la pratique en accès adapté, qui me mentionnait que l’une des principales source de résistance (ce n’est pas un jugement, simplement un constat que je trouve assez crédible) : si un médecin voit essentiellement des gens sans symptômes aigus dans sa pratique (ce qui peut comprendre des malades chroniques en situation stable), il sera moins à l’aise avec l’évaluation des mêmes patients en condition aiguë. Comme je le suis moins avec le suivi des malades chroniques. Par ailleurs, l’accès adapté semble bien fonctionner dans notre système, et produire des résultats. J’avais trouvé par exemple très intéressant l’exemple de la clinique du docteur Robitaille, de Beauport, que j’ai citée dans mon livre Privé de soins. http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/sante/201204/21/01-4517719-medecin-de-famille-un-rendez-vous-en-moins-de-24-heures.php

Moi je veux bien mais je n’arrive pas à trouver un médecin de famille. je me suis mise sur une liste au CSSC mais il parait que même les gens de 70 ans attendent toujours.

Cette semaine on m’envoie un papier pour me rappeler de passer une mammographie. La dernière que j’ai eu remonte à 12 ans, On indique sur le papier : prenez rendez-vous en mentionnant le nom de votre médecin… mais je n’en n’ai pas. Cercle vicieux! Il faut que j’attende d’être vraiment malade pour avoir droit à du dépistage. Et je continue à payer mes impôts et ma taxe santé chaque année…