Agrandir le ciel

Dans un intervalle équivalant à une fraction de seconde à l’échelle géologique, notre connaissance de l’Univers est passée d’un concept à quatre sphères à celui de milliards de galaxies. Gageons que nous ne sommes pas au bout de nos surprises. 

Photo : Antoine Bordeleau pour L’actualité

Comment expliquer l’Univers ? Cette question fait travailler les méninges d’Homo sapiens depuis toujours. 

En Grèce antique puis dans l’Empire romain, les hypothèses sur la nature de la Terre et du ciel ont évolué, mais elles sont restées primitives. Les pythagoriciens, cinq siècles avant l’ère moderne, croyaient que la Terre était ronde, mais n’en avaient aucune preuve. Un siècle et demi plus tard, le philosophe Aristote décrivait le monde comme une série de sphères concentriques composées de quatre éléments fondamentaux : dans l’ordre, la terre, l’eau, l’air et finalement le feu. Le mouvement des corps, selon Aristote, s’expliquait par le principe que tout corps veut rejoindre sa sphère.

Vous lancez un caillou et qu’arrive-t-il ? Il monte vers le ciel… mais il veut rejoindre sa sphère, alors il retombe vers le sol. Vous déposez ce même caillou à la surface de l’eau et que se passe-t-il ? Il veut rejoindre sa sphère, alors il coule jusqu’à la terre. Vous nagez sous l’eau et expirez de l’air de vos poumons. Vers où les bulles se dirigent-elles ? Vers la surface, car la sphère de l’air se situe au-dessus de la sphère de l’eau. Sur la rive, vous allumez un feu. Dans quelle direction semblent aller les flammes ? Vous l’avez deviné : vers le ciel, car la sphère du feu est au-delà de la sphère de l’air.

Tout cela est incroyablement intuitif et logique. Et, bien sûr, complètement faux.

Nous sommes passés des sphères des quatre éléments à un monde héliocentrique en 2 000 ans, puis du premier télescope à la découverte des galaxies en trois siècles.

Depuis, nous avons élucidé la plupart des mystères terrestres et nous nous sommes attaqués à ceux du cosmos. Jadis le domaine mystérieux des dieux et des déesses, le « ciel » de l’astronome Ptolémée (IIe siècle de l’ère moderne) s’arrêtait quelque part au-delà de Saturne, la dernière planète visible à l’œil nu. Quatorze siècles plus tard, Nicolas Copernic plaça la Terre en orbite autour du Soleil, ce qui le força à imaginer un espace beaucoup plus vaste. 

Si la distance entre la Terre et le Soleil n’était pas encore connue à l’époque, Copernic savait tout de même qu’elle était immense. En postulant que la Terre pouvait effectuer un si grand parcours en une année, il s’est dit alors qu’il pourrait mesurer la distance des étoiles les plus rapprochées par le principe de la parallaxe. (Pour le comprendre : étendez votre bras devant vous et soulevez le pouce. Fixez-le en fermant l’œil gauche, puis en fermant l’œil droit. Vous remarquerez que votre pouce semble avoir bougé par rapport à votre champ de vision.) En regardant les étoiles en janvier, puis à nouveau en juillet, nous les voyons donc de deux points de vue séparés de plusieurs centaines de millions de kilomètres, alors nous devrions pouvoir observer la parallaxe.

Copernic tenta en vain de mesurer la parallaxe des étoiles, car celles-ci sont si lointaines que la parallaxe des plus rapprochées se révèle de minuscules fractions de degré, ce qui est impossible à calculer sans télescope. Il faudra un autre siècle avant que Galilée en pointe un vers le ciel et démontre que le raisonnement tenait la route. 

Tout cela nous mène à il y a à peine un siècle, dans les années 1920. Un débat fait rage dans la communauté scientifique : d’un côté, Harlow Shapley publie ses recherches qui laissent supposer un Univers contenant une seule mégagalaxie (la nôtre) ; de l’autre, Heber Curtis argumente que les « grandes nébuleuses spirales » que nous observons au télescope seraient en fait d’immenses galaxies, séparées et indépendantes de notre Voie lactée. Deux visions opposées du monde s’affrontent : alors que l’Univers de Shapley est « monogalactique » et plutôt restreint en volume, celui de Curtis est de taille exponentiellement plus imposante que nous ne pouvions l’imaginer et contiendrait d’innombrables galaxies. Andromède, notre galaxie voisine, se trouverait à elle seule à une distance de 20 ou 25 fois le diamètre de la Voie lactée, selon Curtis ! C’est beaucoup d’espace vide et de néant.

Un siècle de progrès scientifique plus tard, la profondeur du ciel est telle que nous estimons le nombre de galaxies dans l’Univers à… deux mille milliards. Et une galaxie de taille moyenne comme la Voie lactée contient de 100 à 400 milliards d’étoiles. Pour chaque étoile, on peut imaginer de 5 à 15 planètes en moyenne. Amusez-vous à faire le calcul, c’est étourdissant.

Nous sommes donc passés des sphères des quatre éléments à un monde héliocentrique en 2 000 ans, puis du premier télescope à la découverte des galaxies en trois siècles. Et en moins d’un siècle, notre estimation du nombre de galaxies est passée d’une seule à des billions. Gageons que l’aventure que constitue la mesure de la richesse et de la profondeur du ciel est loin d’être terminée.

Les commentaires sont fermés.

Selon la théorie du ¨Big-Bang¨, tout ce beau monde là était contenu dans un petit noyeau de matière excessivement dense. Et dire que le ¨Bang¨ qui a fait éclater cette boule de matière donne ce qu’on commence à peine à découvrir ! Que penser alors s’il y avait eu (et qu’il y a encore) des milliards de ces boules dans toutes les directions et qui explosent continuellement. L’éternité pourrait alors se définir comme étant le temps qu’il faut pour visiter, à la vitesse lumière, l’infinité de tous les univers infinis. Profond hein ?

Merci monsieur Fournier pour ce texte qui aide à réfléchir.
Comme dirait l’autre, la réponse est l’univers, il s’agit de savoir poser la bonne question.

Bonjour Monsieur Fournier.
Vous parlez de l’univers.
L’univers est situé dans l’infini non?
Alors, pourquoi je n’ai jamais lu quelque texte que ce soit suggérant qu’un univers comme le nôtre pourrait ne pas être le seul.
Ne pourrait-il pas y avoir des milliards de milliards d’univers comme le nôtre dans cet infini ?
Notez que je ne suis pas un astrophysicien mais simplement un technicien en électronique retraité et curieux.
Avez-vous une opinion à ce sujet ?
Une réponse de votre part serait appréciée.
Merci.
Gilles Viau

les astronomes extra terrestres d un lointain, lointain futur n auront plus accès à l information d un univers en expansion, donc, de la notion d un big bang.. l univers se limitant à leur galaxie, de part l expansion exponentielle de l espace, plus vite que la lumière.
retour à la vision d une univers statique et immuable…
angoissant..
et qui sait que notre propre cosmologie n est pas déficiente d informations déjà perdues, dans un si lointain passé…