Ça vous tente d’aller au bal ? Je parle d’un bal masqué, une activité qui n’est pas dans nos mœurs ni de notre époque. Le temps est venu de relancer pour de bon cette tradition qui remonte à la Renaissance et même avant.
Mais ce n’est pas pour s’amuser, c’est pour sauver des vies. Parce que les données récentes appuient le port du masque (ou du couvre-visage si vous préférez) comme outil pertinent dans la lutte contre la COVID.
Je n’insisterai pas sur la communication hésitante au début de la pandémie sur la question du masque, qui a sans doute contribué à fragiliser l’image du masque dans l’esprit de la population.
Ni sur l’occasion perdue au pic de la pandémie, alors qu’il aurait été plus facile de changer les habitudes que maintenant, quand tout va (pour l’instant) mieux et que les courbes de cas, de décès, d’hospitalisation et de séjour aux soins intensifs continuent de s’abaisser.
Le nombre de personnes hospitalisées en raison de la COVID-19 continue à diminuer de façon constante. 28 personnes de moins par rapport à hier (-224 vs 1 semaine, soir -25%). Aux soins intensifs aussi la baisse se poursuit. pic.twitter.com/FKDMTX2ofY
— Pa Normandin (@PaNormandin) June 17, 2020
Porter le masque est efficace
On le comprend de mieux en mieux, le port du masque par la population contribue à atténuer la propagation de la COVID, donc à limiter l’ampleur des vagues de contagion, celle qui se termine ou la prochaine.
Récemment, trois nouvelles études en appui ont été publiées. D’abord, cette analyse des données de 194 pays montrant que le port du masque présente une forte corrélation avec un faible taux d’incidence de la COVID. La causalité n’est pas établie avec certitude, mais la force du lien impressionne.
Une autre étude a confirmé l’usage du masque comme mesure efficace pour le grand public, alors qu’une troisième a démontré son efficacité pour réduire l’émission de gouttelettes chez les personnes sans symptômes mais affectées par la virus.
Quand on sait que les personnes infectées mais présymptomatiques ou asymptomatiques (qu’on ne peut distinguer) peuvent aussi transmettre le virus, une hypothèse apparue assez tôt en pandémie mais qui était restée mal appuyée, on comprend aussi mieux l’importance du masque.
En bloquant l’émission de gouttelettes, facteur principal de propagation du nouveau coronavirus, on protège les autres, ce qui fait du port du masque un geste altruiste, même si ce n’est pas toujours bien compris.
Le masque protège aussi son porteur, mais à un degré moindre, quand il croise des personnes malades. Et quand tout le monde le porte, la protection est maximale, une idée illustrée par ce genre d’images :

Pour être efficace, il faut toutefois que majorité des gens se masque quand c’est requis, lorsque la distanciation est difficile ou dans les espaces clos. Un seuil d’adhésion au port du masque par 70 à 80 % des gens apparaît suffisant pour bloquer de manière substantielle la transmission.
Et ça tombe bien, parce que près de 70 % des gens pensent qu’il faut le rendre obligatoire.
Comment je le sais ? J’ai fait un sondage sur Twitter, qui vaut ce qu’il vaut. Je ne prétends pas que c’est scientifique, puisque l’échantillon n’est pas aléatoire et que plusieurs trolls en sont nécessairement exclus, mais avec 4 207 réponses en 24 heures, c’est au moins intéressant.
J’y découvre que 66 % — les deux tiers ! — des répondants sont en faveur d’obliger le port du masque.
Petit sondage non scientifique sur une bonne idée de @Gamami. RT et répondre dans les 24 heures SVP.
La question: croyez-vous que dans les endroits clos ou bien quand on ne peut garder la distance de 2 mètres, le couvre-visage ou masque devrait être:
— Alain Vadeboncoeur (@Vadeboncoeur_Al) June 15, 2020
Une question posée par un médecin un peu gossant, qui porte un masque sur son avatar de Monsieur Net, à des gens qui ont la faiblesse de le suivre, ça ne pèse pas lourd, sauf que…
Sauf que la même journée, paraissait un « vrai », sondage commandé lui par le journal The Gazette, repaire du journaliste Aaron Derfel, avec qui j’ai eu parfois des échanges tendus, mais qui fait généralement du bon travail. Or, on y arrive à la même conclusion : 60 % des sondés pensent que le masque devrait être obligatoire dans les situations décrites !
Obliger le port du masque
Le 11 juin, un groupe de professionnels de divers horizons dont je fais partie a donc demandé, dans une lettre ouverte au gouvernement, de rendre le port du masque obligatoire dans les lieux clos (les commerces, par exemple) et les endroits où on ne peut respecter la distanciation (les manifestations, pour donner un exemple au hasard). En voici un extrait :
« À cette fin, nous invitons le gouvernement du Québec à rendre le port du masque obligatoire pour les plus de 12 ans dans les lieux publics fermés et dans tout espace public extérieur où la distanciation physique est difficile ou impossible à réaliser.
Nous le demandons, car nous croyons que tout ce qui est en nos moyens doit être mis en œuvre pour éviter une deuxième vague potentiellement meurtrière pour la population et éprouvante pour le milieu de la santé. Le port du masque généralisé est une mesure peu coûteuse, sans risque et qui peut réduire grandement le risque de contamination lors de contacts contagieux.
En effet, en attendant l’élaboration d’un vaccin, le masque est maintenant reconnu comme un outil essentiel pour retrouver un peu de normalité dans nos vies et de renouer avec les gens et les activités qu’on aime. »
Pourquoi le rendre obligatoire ? Tout simplement parce que sans obligation, il nous apparaît que le port du masque, bien loin de nos habitudes, ne s’imposera pas de lui-même. J’ai même peur qu’il ne soit aujourd’hui en régression.
En tout cas, il suscite des débats tendus qui nuisent déjà à son acceptation. On semble même voir émerger des cas de #maskbashing… dont celui de ma fille, qui s’est fait éternuer au visage par une femme qui ne semblait pas aimer son masque, et j’ai reçu pas moins d’un vingtaine de témoignages similaires.
Jeune F de 24 ans monte dans le métro ce soir, masquée. En laisse passer une autre, dans la cinquantaine, en gardant sa distance. L'autre s'approche à 1 cm de la JF et éternue bruyamment dans sa face
Madame, t'es chanceuse que j'étais pas là.
La jeune femme, c'est ma fille 🤬.
— Alain Vadeboncoeur (@Vadeboncoeur_Al) June 18, 2020
En demandant au gouvernement d’agir, on peut aussi l’aider à choisir une orientation qui pourrait rencontrer un peu de résistance parmi certains groupes dans la population. Parce que porter un masque n’est pas dans notre culture et que ça prend du temps pour en changer.
Au fait, nul besoin de donner dans la coercition dès le début. Les policiers pourraient distribuer des masques aux « contrevenants » durant les premières semaines, ou tout l’été, question de sensibiliser et non de punir.
Et en septembre, si les cas recommencent à augmenter (ou avant), il sera temps de rendre les conséquences plus concrètes afin de convaincre tout le monde que c’est une affaire sérieuse.
Comment porter le masque
Pour que les comportements changent, il faut savoir pourquoi changer (on sait, maintenant), vouloir (il faut travailler ça) et pouvoir (disposer de masques ou de couvre-visages en quantité suffisante et les fournir à qui ne peut s’en procurer). Sans oublier de rester distanciés et de se laver les mains.
Pour mieux savoir, pourquoi pas cette petite vidéo permettant de se rappeler les principes et la manière ? Je l’ai tournée avec mon cellulaire dans ma cuisine, avec l’aide de ma fille. Vidéo qui, par la magie de la réalisation et de l’édition, est devenue un message de santé publique.
Malgré la profondeur artistique de cette vidéo, je note (et on me le rapporte abondamment) que le masque n’est pas si souvent porté dans les endroits où il est pourtant « fortement recommandé ».
J’ai donc fait un autre petit sondage sur le sujet, ça vaut ce que ça vaut, qui montre que 60 % de 3 660 répondants (sur Twitter) portent le masque dans les circonstances où il est recommandé.
2e sondage non-scientifique 🤓 mais éclairant de la semaine pour mon billet 🖖 en préparation. Allez-y franchement et gaiement 😄. Merci de RT+ !
-> Lorsque je ne peux maintenir la distanciation hors de chez moi, je porte le masque ou le couvre-visage 😷:
— Alain Vadeboncoeur (@Vadeboncoeur_Al) June 17, 2020
Encore un peu n’importe quoi, ce sondage, non ? Pourtant, dans le même sondage Léger / The Gazette, on arrive au chiffre suivant : 60 % (!) des Québécois le portent en allant faire des courses !
Je vais finir pas trouver que mes sondages biaisés s’en tirent assez bien ! Notez qu’il s’agit du second plus haut résultat au Canada, juste derrière l’Ontario à 61 %.
Faire comme tout le monde
Nous sommes encore en pandémie, ne l’oublions pas. Les décès, les hospitalisations et les séjours en soins intensifs diminuent… mais il y a encore des personnes hospitalisées, parfois aux soins intensifs, et qui en meurent. Dans plusieurs endroits du monde, les cas augmentent de nouveau.
Si le port du masque est une mesure efficace, appuyée par des données de plus en plus claires, recommandée par plusieurs organisations, pourquoi ne pas le rendre obligatoire ? Surtout que 119 pays dans le monde le font, dont plusieurs ont bien moins de cas et de morts que nous ?
Imaginez si on pouvait sauver des vies ou même simplement une semaine de confinement en le portant, est-ce que n’en vaudrait pas la peine ?
Qui va mettre la musique ? Qui va ouvrir le bal ?
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« J’ai même peur qu’il ne soit aujourd’hui en régression. »
Voire en agressions… N’est-ce pas ?
De fait, le contexte se serait avéré éminemment plus propice au printemps, lorsqu’il y avait plus significative transmission qu’actuellement, qu’avec l’arrivée de l’été de surcroît ce soir même… ;-), assortie d’atténuation sensible de propagation.
Je suis ‘globalement’ d’accord avec votre point de vue. Quoique je le sois aussi avec celui du PM, du Doc, de la Mairesse, ainsi que du dg de la STM, que j’ai tou.te.s félicité.e.s pour n’avoir PAS décrété obligatoire le port de couvre-visage…
La Santé, c’est Quelque Chose, oui; la liberté n’est pas « rien » non plus…
Les deux, c’est mieux.
Je conviens d’emblée, par contre, qu’eu égard aux transports en commun, on voit mal comment il pourrait être possible de ressusciter — (c’est le cas de le dire) — confiance en ce mode de déplacement, d’y ramener tout son monde ou d’en accroître même idéalement la fréquentation (Environnement); tant que subsistera cette appréhension de pouvoir y ‘recevoir cadeau’ de virus (pouvant d’ailleurs être autre que covidixneuf). Car ça n’augure en rien prometteur, à court-moyen terme, côté Santé-Sécurité, là où faut être collé.e.s collé.e.s collé.e.s, comme ce l’est typiquement en métrobus. Si bien qu’en fait, c’est à peu près la seule aire où considérerais-je pertinent ou s’imposant même, probablement, de contraindre à la chose – port de CV (Couvre-Visage). Avec réserves ou sous conditions suivantes.
Considérant, en effet, qu’il s’en trouve NE pouvant PAS porter ‘ça’ — (e.g. pour question santé tel asthme) —, à fin d’éviter tout indu exclusionnisme injustifiable a priori, il faudrait qu’elles/eux, au moins, le cas échéant, en soient expressément dispensé.e.s. Sous peine d’aménager/réserver un wagon de métro, au moins (bis), pour sans CV.
Enfin, concernant l’agressivité manifestée et les agressions prodiguées à l’endroit de masqué.e.s, il y en aurait l o n g à dire!… C’est suprêmement inconvenant, va de soi. Le monde « à l’envers ». Tu te fais invectiver parce que tu fais (le) bien… Assez renversant et troublant, merci. Mais ce n’aura pas été la première fois…
Pas la première fois que quelqu’un.e portant quelque chose au plus haut-du-corps se fait « varloper ». On a ‘vu’ « ça ». Et on le voit encore, quoiqu’un peu moins en ce moment. Des femmes, surtout, se faisant crier après, mépriser, dénigrer, discriminer, parce que portant quelque chose non pas sur bas visage mais au-dessus, sur tête même.
Cc Mairesse, dg STM, PM/Q
Si la loi m’y oblige je le porterai quand obligatoire. Si je vais a un endroit ou il y a des personnes âgées ou dans les hôpitaux je peux comprendre et je me plierais alors a leurs directives. Je travaille et j’ai travaillé pendant le soi-disant pic de la soi-disante pandémie dans le transport en commun, sans masque et souvent sans gants. sur nos plus ou moins 10500 employés, nous avons eu 135 cas positifs, incluant même ceux qui étaient en télétravail ou en retrait préventif. Ils ont tous passé au travers. L’OMS a dit l’autre jour que les asymptomatiques ne transmette pas le virus, parce que le virus est transmit par gouttelettes… Je ne porterai pas un masque qui nuit a ma respiration seulement pour « partir » une nouvelle mode!
Ce matin, le point de vue d’un prof, assez critique et pointilleux, merci, d’habitude.
https://www.ledevoir.com/opinion/idees/581243/se-masquer-ou-ne-pas-se-masquer
Faudrait pas que cette « affaire » en devienne une émotionnelle, passionnelle, plutôt que rationnelle. Quoiqu’elle n’en puisse pas moins pour autant demeurer, en partie, intuitive aussi. La chose pouvant aller dans les deux sens.
En effet, LA Décision e.g. de réouvrir les écoles, à l’extérieur de Montréal, plus tôt que ne le faisait l’entièreté du reste de l’Amérique (N); en était une qui, quoiqu’allant à « contre-courant », et se ‘méritant’ des « Bonne chance ! » du PM de la province voisine…; s’en sera révélée une, rétrospectivement, on ne peut plus judicieuse et de bon aloi, n’est-ce pas? Quoique (bis), donc, oui, basée en partie sur du flair. Mais illustrant, surtout, que ce n’est pas parce que « les autres » — (et de « GRANDS »!) — telles New-York, Paris, « le font »; que ce devrait être là LA Voie à suivre, à imiter, inexorablement. Le mieux, pour soi, pouvant se situer, parfois, hors ce que font « les autres », justement, ou ce que recommande ou réclame une ou la multitude.
Cc Doc Arruda, Yves Gingras, PM/Q
J’ai été un peu étonné de la lettre au Devoir de Yves Gingras, pour tout vous dire, bien que j’apprécie habituellement son esprit critique. Il s’attaque à la prise de position publique des médecins sans amener d’argument pour ou contre le port du masque, qui est pourtant le fond de la question. Si le fond est assez solide, la prise de position publique est justifiée. Si le fond ne l’est pas, elle l’est moins. Il existe pourtant des fondements scientifiques qui, sans être parfaits, appuient bien une telle position. J’ignore si monsieur Gingras les a consultées. Bonne journée.