Malgré les bienfaits solidement démontrés de l’exercice sur la santé, seulement un Canadien sur cinq se rend au bout des 150 minutes hebdomadaires d’activités recommandées. C’est tout de même paradoxal. Pourtant, la science ne laisse pas de place au doute : l’exercice régulier allonge notre vie et en améliore la qualité. Après l’arrêt du tabagisme, c’est même la prévention la plus universelle et la plus efficace.
Il ne faut pas se cacher la tête sous les coussins. La sédentarité, cet idéal trompeur venu mettre un baume sur le labeur excessif de nos ancêtres, est de toute évidence en train de gagner la partie, avec les conséquences que l’on sait. Assez tôt dans la vie, nous nous engageons sur les chemins risqués de la sédentarisation, voire de la sédimentation, les adolescents étant de moins en moins nombreux à s’activer. Après, c’est la chute libre sur le canapé de la sédentarité, qui ouvre la porte à l’obésité, au syndrome métabolique et au diabète de type 2, voies royales vers les maladies cardiovasculaires et même les cancers.
Spécialité d’abord nord-américaine, la sédentarité s’exporte maintenant aussi facilement que le Big Mac, Star Wars ou Britney Spears, en misant notamment sur le refus d’affronter les puissants ennemis de l’exercice que sont la télévision, les réseaux sociaux, les cellulaires et tout ce travail accompli assis devant nos chers ordinateurs, qui nous clouent à nos fauteuils. Ils nous condamnent ainsi à une vie assise, associée à des méfaits bien décrits par le physiothérapeute et vulgarisateur Denis Fortier, dont le dernier livre, que j’ai eu le plaisir de préfacer, arbore un titre en forme d’injonction qui en résume fort pertinemment le propos : Lève-toi et marche !
La sédentarité, cet idéal trompeur venu mettre un baume sur le labeur excessif de nos ancêtres, est de toute évidence en train de gagner la partie, avec les conséquences que l’on sait.
Pourtant, aucun groupe ne rage sa vie contre les vertus de l’exercice, ne dénonce le complot des centres d’entraînement ou ne vitupère contre les fabricants de ballons. En réalité, tout le monde reconnaît sans peine l’importance de l’exercice et l’absence de risques d’une pratique raisonnable. Ce n’est pas non plus une question de manque d’information, celle-ci étant aisément accessible partout sur le Web et dans les grands médias. Ni de manque de recommandations, puisque tous les organismes encouragent l’activité physique et proposent mille manières de l’intégrer dans notre mode de vie parfois un peu timbré.
La connaissance est donc visiblement insuffisante pour améliorer nos comportements en cette matière. Si nous acceptons aussi facilement notre immobilité (je m’inclus dans le groupe, étant quelque peu paresseux de nature), peut-être est-ce parce que nous manquons tout simplement d’imagination, malgré ce qu’on dit sur cette faculté mentale dont nous sommes censés jouir plus que n’importe quel animal. Ce n’est pas un reproche, mais un constat : il n’est pas évident de percevoir le lien entre l’exercice physique effectué aujourd’hui et notre état de santé dans 20, 30 ou même 40 ans.
L’exercice nous apporte tout de même certaines récompenses à court terme, comme le sentiment de bien-être qui suit l’effort, bien connu des sportifs. Mais c’est apparemment insatisfaisant pour la plupart des gens, peut-être parce qu’une petite souffrance précède inévitablement ce bonheur fragile et que personne n’aime avoir mal, après tout. Une réalité d’autant plus exigeante pour qui souffre de limitations affectant la mobilité ou qui résiste génétiquement aux bienfaits de l’exercice — ça existe pour de vrai —, comme d’autres ne répondent pas à certains médicaments.
Il demeure que, pour la majorité d’entre nous, la meilleure manière d’arriver à bouger un peu, c’est encore d’y être encouragé par le contexte social et le conditionnement en bas âge. D’où l’importance de l’éducation, des équipes sportives formées de compagnons d’école ou de travail, et surtout d’un environnement urbain favorable, où les lieux propices à l’exercice sont accessibles et où le transport actif (marche, vélo, autobus et métro) est davantage encouragé. Il s’agit bien là d’une véritable culture de l’exercice, si on veut nommer la chose.
L’individu n’y arrivant pas aisément, il faut manifester notre volonté collective d’investir dans cette culture de l’exercice si on veut être assuré d’en cueillir plus tard les fruits. Je rappelle que chaque dollar investi en prévention en rapporte sept à long terme. Mais ce long terme se chiffre en décennies, soit bien plus qu’un mandat électoral, ce qui explique sans doute une part de la frilosité de nos dirigeants.
Pourtant, il faudra bien finir par y penser plus sérieusement si on veut renverser les tendances actuelles. On commence quand à bouger ensemble ?
Cette chronique a été publiée dans le numéro d’avril 2018 de L’actualité.