Je m’en souviens comme si c’était hier. Une grande brune, assez costaude, généreuse dans ses formes, qui ondulait mollement lorsque je la chevauchais et qui laissait entendre un grondement rassurant dans les moments plus intenses.
Mais elle buvait de plus en plus, était aussi de moins en moins fiable et elle laissait sa marque un peu partout. Elle était devenue la honte du quartier. Mais elle ne se laissait pas démonter : c’était une fonceuse.
Un jour, elle ne voulut plus reculer. Alors, il a fallu me rendre à l’évidence : nos chemins allaient devoir se séparer. Je l’ai laissée avec un pincement au cœur.
Cette énorme Malibu brune nous venait du grand-père de ma conjointe. Comme avec mes autres voitures, j’avais développé avec elle une complexe amitié, appréciant ses larges banquettes mollasses. Sa garde basse me permettait d’ouvrir l’entrée quand je revenais de l’urgence au milieu de la nuit, et j’avais la sympathique impression de voguer sur un bateau, moi qui aime tellement la mer.
Je me souviens aussi de ma toute première voiture : une vieille Mazda familiale achetée à ma sœur, qui laissait voir la route défiler à travers les trous dans la porte arrière. Ou encore, celle que mon cousin m’avait refilée ensuite, dont la fenêtre gauche tombait régulièrement dans la porte. Je remplaçais parfois les essuie-glaces par des bas de sport blancs. Cliniquement morte durant une tempête de neige au beau milieu du pont Champlain, à minuit — comme changée en citrouille —, elle avait failli me coûter la vie.
Malgré une évidente sensibilité relationnelle envers les voitures (même les plus amochées), je ne suis pas ce qu’on appelle un gars de «char». De plus, avec l’arrivée des enfants, je me suis tourné vers des véhicules pépères sans trop de personnalité, mais qui roulaient décemment et permettait d’assurer un niveau décent de sécurité.
Non, vraiment, les voitures, ça ne m’intéresse pas. Une voiture, ça sert à aller du point A au point B, voilà tout. Au point où j’ai acheté mes deux dernières voitures par courriel, sans les essayer, au grand étonnement du vendeur pour qui c’était la première expérience virtuelle. Rien ne m’ennuie plus que le baratin des vendeurs et les négociations pour ajouter un toit ouvrant.
Rouler électrique
Mais ces jours-ci, alors que ma familiale tombe en déchéance, je suis en train de penser à l’achat électrique. L’événement Branchez-vous 2014, qui a eu lieu au circuit Gilles-Villeneuve, a suscité mon intérêt. J’ai donc demandé à l’équipe de L’actualité de me trouver un accès de presse. Comme blogueur, ça devrait aller.
Vous lirez ici le résultat. Profitez-en, je ne ferai pas souvent des chroniques de «char» !
Mais comme je m’y connais fort peu en «chars», j’ai amené mon fils avec moi, un vrai connaisseur qui peut vous défiler les caractéristiques de tout bolide sur quatre roues. Vous en doutez ? Je l’ai déjà entendu s’obstiner longuement avec le cinéaste Bernard Émond à propos du moteur de la Corvette 1972. Pouces cubes, etc. Ah bon, vous ne saviez pas ? Le sévère cinéaste est un grand lecteur de la mythique revue Road and Track. Ben oui, je vous le jure.
Quoi qu’il en soit, nous nous sommes rendus au célèbre circuit, avec l’idée de pouvoir tester la quinzaine de modèles branchables qui sont offerts sur le marché. Lui souhaitait surtout conduire une Tesla, le nec plus ultra de ces voitures qui roulent sur les électrons plutôt que le carbone.
Le sympathique événement, qui se déroulait sur deux jours, visait certains objectifs — notamment battre le record Guinness du plus grand nombre de voitures électriques rassemblées en un même lieu. Pari réussi, avec 431 voitures électriques branchables ! Je pourrai dire à mes petits-enfants que j’étais là.
C’était aussi l’occasion de faire le point sur les plus récentes innovations en matière de voitures électriques au Québec. Au cours de la conférence de presse, plusieurs acteurs importants de l’électrification des véhicules sont intervenus sous la supervision d’un Jacques Duval récemment converti à l’électrique, après avoir si longtemps vanté les cylindrées. Il conduit dorénavant une Tesla, tandis que sa femme est au volant d’une autre, une Chevrolet Volt.
Des propriétaires électrifiants
L’attrait principal de Branchez-vous, ce sont les essais avec les propriétaires de toutes ces voitures rassemblées là où, dans quelques semaines, on entendra plutôt les vrombissements ahurissants des pétroleuses F1 lancées sur le bitume — un autre produit pétrolier.
Parler à des vendeurs, vous conviendrez que c’est beaucoup moins intéressant. Mais à de vrais passionnés, souvent des pionniers — j’ai pu rouler avec le premier propriétaire québécois d’une C-MAX hybride rechargeable —, c’est une meilleure manière de s’éveiller à l’électrique.
On pouvait donc essayer la plupart des modèles offerts au Québec autour du circuit, mais lentement et prudemment, en respectant les cyclistes présents. Cela semble être le mode de conduite de la plupart des chauffeurs de voitures électriques, pour qui le vrai défi est de franchir plus de kilomètres avec chaque kilowatt plutôt que de faire crisser les pneus.
Les voitures électriques contribueront à diminuer l’utilisation des carburants fossiles, mais elles règleront aussi la rage au volant, un comportement plus difficile à susciter dans le silence électrique de la conduite écologique qu’au volant d’un gros V8.
Dans l’épingle, située au bout de la piste, on pouvait tout de même appuyer sur le champignon, ce qui permettait de réaliser que plusieurs de ces modèles électriques ont une bonne réserve d’intensité — notamment la Chevrolet Volt, la Nissan Leaf et la récente et surprenante sous-compacte Chevrolet Spark, qui n’est pas encore en vente au Québec.
Plusieurs ne sont d’ailleurs pas encore offertes au Québec, en raison de l’absence d’une loi «Zéro émission» qui oblige, dans certains États américains, les constructeurs à offrir tous leurs modèles en version électrique. C’est ce que nous a rappelé Steven Guilbault, d’Équiterre, venu prendre la parole pour appuyer l’événement. Une pétition en faveur d’une telle loi a été mise en place par l’organisme Roulez électrique.
Performance et autonomie
Quelques exemplaires du modèle Tesla, qu’on pouvait trouver sur place, ont permis à mon fils de réaliser son rêve : en pousser une à fond dans la section rapide de la piste, tandis que j’étais bien cramponné à l’arrière. Bon, j’en conviens : ça déménage en diable et c’est une belle voiture, mais il faut avoir du temps (les délais de livraison sont de plusieurs mois) et surtout de l’argent, le modèle essayé se détaillant plus de 100 000 dollars.
Côté autonomie, la Tesla est dans une classe à part parmi les voitures électriques : près de 400 km. Sylvain Juteau, très impliqué dans la promotion de l’électrique au Québec (et présent à la conférence de presse), a déjà réalisé un trajet Montréal-Floride tout électrique d’une distance de 2 750 km en quelques 30 heures en profitant de la série de bornes de recharge Tesla installées un peu partout aux États-Unis. Leur nombre devrait d’ailleurs croître rapidement l’an prochain. Détail intéressant : la recharge est gratuite pour les conducteurs de la marque.
De manière générale, l’autonomie des véhicules purement électriques est beaucoup plus limitée et varie d’une marque à l’autre. Pour les voitures électriques abordables (tout de même des milliers de dollars plus chères que leurs consœurs à essence), les distances que permet de franchir une pleine charge varient entre 60 et 150 km — un chiffre très dépendant de la saison. En hiver, on coupe de moitié la portée en raison du chauffage et de la moindre performance des batteries.
Par contre, pour ce qui est de l’hiver, les utilisateurs rencontrés sont formels : aucun problème de démarrage, de batterie et de tenue de route (ou d’autres «joies» hivernales…) avec tous ces modèles. Bien au contraire, la plupart vous diront que les versions à essence souffrent plus de nos grands froids que leurs semblables électriques.
Par contre, il faut faire un choix : soit on s’habille bien et on économise l’énergie, soit on chauffe l’habitacle en bouffant des kilomètres, soit on se les gèle.
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À lire demain sur mon blogue, suite et fin de mon compte-rendu sur l’événement Branchez-vous : «Auto électrique : de la conversion au militantisme».
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À propos d’Alain Vadeboncœur
Le docteur Alain Vadeboncoeur est urgentologue et chef du service de médecine d’urgence de l’Institut de cardiologie de Montréal. Professeur agrégé de clinique à l’Université de Montréal, il enseigne l’administration de la santé et participe régulièrement à des recherches sur le système de santé. On peut le suivre sur Facebook et sur Twitter : @Vadeboncoeur_Al.
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