Cinq priorités en santé pour l’automne

Après la fin des vacances arrivent le retour des travaux parlementaires et l’accélération des chantiers de certains ministères. Voici une liste de cinq priorités en santé pour le ministre Gaétan Barrette.

Photo: Pixabay
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On peut bien critiquer le ministre Gaétan Barrette, ses réformes et ses méthodes, mais comme il risque fort de terminer son mandat en continuant d’imposer le rythme endiablé qu’on lui connaît, tentons de baliser un peu sa trajectoire plutôt que de regarder le train passer — un TGV dans son cas, qu’on soit d’accord ou non avec lui.

Plus précisément, du point de vue des patients et des utilisateurs, que devrait-on se souhaiter pour l’automne 2016 dans le réseau de la santé? Je risquerais ceci: plus de prévention, un meilleur accès, plus d’argent, couvrir l’imagerie, régler les frais accessoires et mobiliser les gens.

1. Une vraie politique de prévention

Comme le disait récemment sur son blogue le spécialiste en gestion Henry Mintzberg, nous n’avons pas de système de santé, mais bien un système de maladie. Il faut donc plus de prévention. Or, ce n’est pas un vœu pieux, puisqu’une politique globale de prévention a bien été élaborée ces dernières années; il est temps qu’elle soit rendue publique. Mais on en attend toujours l’annonce.

Une telle politique globale ne concerne pas seulement le ministère de la Santé, mais aussi plusieurs autres — on me dit que sept ministères sont impliqués —, dont les activités affectent plus ou moins directement la santé des gens, comme l’Éducation, l’Industrie, les Transports, etc.

Si on a déjà bien encadré la question du tabac avec la récente loi, il y aurait des gains à obtenir en s’attaquant par exemple aux boissons sucrées, à la malbouffe ou au faible niveau d’activité physique. Bien entendu, cela demande une vision à long terme, dont les politiciens semblent parfois dépourvus. Pourtant, le fruit est mûr.

2. Un meilleur accès aux soins

On a pu constater en 2016 une amélioration des cibles de l’inscription aux médecins de famille, même si tout est loin d’être joué. Plusieurs doutent de la capacité d’atteindre la cible de 85 % des patients inscrits à un médecin de famille pour le 13 décembre 2017, martelée par le ministre Barrette.

Mais si la cible de 85 % semble toujours de mise pour fin 2017, il faut surtout améliorer l’accès aux soins, notamment à la première ligne, aux équipes de soins et aux médecins de famille.

C’est que l’accès à la première ligne est toujours un problème au Québec, par rapport à des systèmes de santé comparables, disposant de moins de médecins de famille au total, comme ceux des autres provinces canadiennes, sans parler bien entendu de l’Europe.

Parce qu’il ne s’agit pas seulement d’avoir un médecin de famille. Encore faut-il avoir accès aux soins, ce qui passe par cette transformation des pratiques appelée «accès adapté», principe avec lequel tout le monde est d’accord, mais qui tarde à être mis en pratique malgré la volonté manifeste du ministre de la Santé et de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

Comme le règne de Gaétan Barrette sera jugé sur l’amélioration (ou non) de l’accès à la première ligne, remportera-t-il son pari? Il faut comprendre que les moyens musclés déployés par le ministre, comme la loi 20, ont abouti après d’énormes tensions à des ententes avec les deux fédérations, définissant des cibles d’accès, d’inscription et de suivi.

Débattre est une chose, mais reste à voir si le ministre réussira ensuite à mobiliser les médecins puis à fournir les ressources requises pour transformer les pratiques, par exemple en finançant adéquatement l’ajout de personnel dans les groupes de médecine de famille afin de favoriser la pratique en équipe.

3. Plus d’argent

Les négociations pour renouveler les ententes du Transfert canadien en matière de programmes sociaux, qui comprend les subsides pour la santé, débutent, même si elles paraissent houleuses. Rappelons que Stephen Harper avait décrété une diminution du financement fédéral de la santé, ramenant la hausse annuelle de 6 % depuis 2004 à celle de l’inflation, avec un plancher de 3 %, ce qui avait soulevé un tollé.

Le premier ministre Justin Trudeau, de son côté, a plutôt affirmé souhaiter relancer le dialogue avec les provinces, mais on peut se demander si l’argent va suivre, compte tenu de la situation économique. Déjà, le ministre Gaétan Barrette a indiqué qu’il n’accepterait pas de conditions pour l’argent octroyé. L’ouverture initialement manifestée semble donc avoir de la difficulté à se concrétiser.

Un rapport récent de l’Institut du Québec montre pourtant que l’état actuel des finances publiques permettrait d’appliquer sans problème une hausse de 4,2 % par année des dépenses en santé, notamment afin de couvrir l’augmentation des coûts du système — accroissement de la population, vieillissement, rémunération des professionnels, fournitures, etc. C’est un minimum.

4. La couverture de l’imagerie

Même si l’équité est au cœur des principes qui fondent notre système de santé, sur le terrain, on semble s’en éloigner de plus en plus depuis quelques décennies, entre autres pour ce qui est de l’accès à l’imagerie.

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On pourrait simplement demander au gouvernement provincial de remplir une de ses promesses de la campagne de 2014, réitérée depuis pour l’échographie: celle de couvrir publiquement toute l’imagerie réalisée hors hôpital afin de mettre fin à cette source d’iniquité.

Parce qu’actuellement, s’il est très facile de passer une résonance magnétique au privé dans les 48 heures en déboursant suffisamment d’argent, les listes d’attente sont souvent bien plus longues dans le public.

Le ministre Barrette s’est en effet entendu avec la Fédération des médecins spécialistes du Québec quant à une couverture de l’échographie hors hôpital sous peu, mais il semble y avoir du sable dans l’engrenage.

Or, il ne suffit pas de l’annoncer, il faut aussi le réaliser. Et on est encore loin du compte, l’imagerie ne se résumant pas à l’échographie, bien que les délais d’accès à l’échographie soient les plus importants.

5. La fin des frais accessoires

Parlant d’équité, après avoir voulu «encadrer» les frais accessoires, glissés dans la loi 20, le ministre a changé d’avis et plutôt annoncé qu’ils seraient désormais intégrés dans la couverture de l’assurance maladie, comme il se doit.

Il y a fort à parier que la poursuite engagée par Me Jean-Pierre Ménard au nom de la Fédération de l’âge d’or du Québec contre la ministre fédérale de la santé, poursuite visant à interdire de tels frais, a facilité la réflexion de Gaétan Barrette à cet égard.


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La réaction du fédéral demeure pourtant incertaine: il pourrait réagir à cette loi, contraire aux principes d’accessibilité de la Loi canadienne sur la santé, en sabrant le financement, même s’il n’a pas emprunté cette voie depuis plusieurs années.

C’est à suivre, puisqu’en plus de la poursuite de Me Ménard, plusieurs acteurs importants du réseau de la santé ont demandé à la nouvelle ministre Jane Philpott d’intervenir.

Comme je l’ai souvent écrit, le ministre Gaétan Barrette et les fédérations médicales pourraient régler ce problème dès maintenant en prenant l’argent requis — de l’ordre de 50 millions de dollars, selon les évaluations du ministre — dans les enveloppes fédératives actuelles.

De toute manière, le ministre n’aura pas le choix: mon petit doigt, généralement bien informé, me dit que dans les prochaines semaines, le gouvernement fédéral, forcé d’appliquer les articles de la Loi canadienne sur la santé, passera à l’action. Tout est donc en place pour une résolution de ce problème qui traîne depuis des années et ça risque de brasser un peu.


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Pour conclure sur une bonne note, est-ce qu’on pourrait demander au ministre Gaétan Barrette d’améliorer un peu son attitude, afin qu’il soit moins «dirigeant» et un peu plus «leader»? Peut-il modifier quelque peu son style abrasif habituel? Pourrait-il essayer de faire mentir ses détracteurs, qui affirment qu’il est en train de détruire le système de santé et d’épuiser les professionnels ainsi que le personnel qui y travaille?

C’est qu’il lui faut mobiliser l’ensemble des gestionnaires, du personnel et des médecins s’il veut que ses vastes réformes conduisent vraiment aux effets bénéfiques qu’il défend, malgré l’absence de débat, de transparence et de preuves à cet effet. Le contexte est encore difficile, les structures ont été chambardées en profondeur et les compressions subsistent.

On pourrait enfin savoir si ce ministre particulièrement dynamique peut aussi dynamiser le réseau de la santé, et pas seulement le contraindre en imposant sa vision des choses. À cet égard, l’automne risque d’être une période aussi intense qu’instructive.

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Les commentaires sont fermés.

Bonjour M. Vadeboncoeur,
La solution pour les frais accessoires est possiblement encore plus simple que vous ne le croyez. Les suppléments des honoraires des médecins payés par le RAMQ pour couvrir les frais de cabinet, qui sont déjà payés à l’heure actuelle avec les ententes en vigueur, peuvent couvrir amplement les frais accessoires. Le problème est que ces suppléments ne se rendent pas dans les poches des propriétaires des cliniques médicales, ils sont versés aux médecins par la RAMQ. Les cliniques facturent un loyer aux médecins (15 à 22%) bien en dessous de ce que les médecins reçoivent en supplément pour couvrir les frais de cabinet (28 à 33%). Je vous invite à vérifier ces chiffres avec vos collègues qui pratiquent en cabinet et avec les fédérations médicales. Si les cliniques médicales recevaient la totalité des suppléments pour frais de cabinet payés par la RAMQ, pas un sou de plus, elles pourraient facilement offrir tous les services gratuitement, sans frais accessoires, à tous les québécois.

J’ai un médecin de famille que je ne peux voir… c pas fort (C’EST DU N’IMPORTE QUOI !!!). Je dois aller au sans rendez-vous et si il y a problème, il me verra selon la gravité trouvé. En plus, je n’ai aucun examen annuel et j’arrive à 50ans. Système de santé de MARDE financé à 45% de mes impôts grassement payés durant plus de 33 ans déjà ! Pays membre du G8 de banane grâce à une classe politique passé rivée sur sa propre génération.
Nous laissons les générations qui suivrons dans la merde pour le bons plaisir du passé… Je compte me payer le priver pour les années à venir car il s’agis de ma vie et qu’il n’est pas vrai qu’un système comme nous avons aura le pouvoir de jouer avec.
RÉFLEXION: Les centres de détention au Canada sont mieux traité que les centres de personnes âgées… des personnes âgées qui on mis en place le pays durant une époque TRÈS difficile….

D’accord avec vous. J’enrage contre ce système pourri à l’os moi aussi. Comme contribuable ça me coûte la peau des fesses mais je dois aller dans la privé pour soigner un bobo sans attendre des mois voire des années.

«Parce qu’actuellement, s’il est très facile de passer une résonance magnétique au privé dans les 48 heures en déboursant suffisamment d’argent, les listes d’attente sont souvent bien plus longues dans le public.»

Tu parles! A Valleyfield c’est 8 mois d’attente (sauf si vous êtes chum avec un des médecins qui y travaillent, là vous pouvez passer en trois jours…), aussi bien dire que le service est inexisant.

Il est temps de retirer au secteur public son monopole et permettre l’assurance privée pour les actes médicaux. Ce système est pourri jusqu’à lirréparable, on ne peut le réformer, la seule issue c’est de le remplacer.