Même si le SRAS-CoV-2 semble reprendre de la vigueur en Europe et dans certaines régions d’Asie, on a entamé une nouvelle phase de notre vie avec ce virus, croit le Dr Howard Njoo, qui a joué un rôle de premier plan dans la gestion de la pandémie au gouvernement fédéral, en tant que bras droit de la Dre Theresa Tam, administratrice en chef de la santé publique du Canada.
Entré au gouvernement fédéral en 1996, le médecin d’origine indonésienne, né en Allemagne et marié avec une native du Lac-Saint-Jean, a un long parcours en épidémiologie et en santé communautaire, qu’il a étudiées à l’Université de Toronto. Le Dr Njoo a notamment été impliqué dans la gestion de la crise du SRAS, en 2003, et a aussi été envoyé en Haïti après le tremblement de terre de 2010 et en Guinée lors de l’épidémie d’Ebola. « Nous sommes en train de sortir de la phase de crise de la COVID-19, mais le travail n’est pas fini, car on doit maintenant définir une nouvelle manière de gérer le virus de façon à en minimiser les effets », explique le médecin, dont l’équipe publiera d’ici quelques semaines un document d’orientation à ce sujet, destiné aux autorités publiques provinciales.
Quelles grandes leçons la pandémie vous a-t-elle apprises jusqu’à présent ?
Il y a tellement de choses ! C’est le bon moment pour entreprendre un bilan. Si on veut s’en tenir aux points les plus importants, je dirais qu’elle a mis en évidence trois grandes forces et trois faiblesses. Du côté des forces, on se doit de commencer par la science : c’est incroyable, tout ce que la recherche a permis de découvrir en deux ans, même si ça continue d’évoluer. Pensons juste au mode de transmission du virus : au début, tout le monde, moi y compris, croyait qu’il se comporterait comme les autres virus respiratoires [NDLR : diffusés par des gouttelettes], alors que maintenant, on sait qu’il se diffuse plutôt comme la fumée de cigarette. Cela nous a permis de nous rendre compte que la ventilation et la gestion des contacts étroits dans les lieux clos et bondés sont cruciales.
La deuxième force, ce sont évidemment les vaccins, qui ont été très rapidement mis au point puis distribués, au Canada, à une très grande majorité de la population. Là aussi, il reste du travail à faire pour consolider la confiance et accélérer la distribution ailleurs dans le monde, mais on peine à imaginer l’ampleur du drame qu’on vivrait sans les vaccins !
Et la troisième force, c’est l’entraide dont les Canadiens ont fait preuve face à cet ennemi. On a vu beaucoup de gens prêts à aider, faire l’épicerie pour d’autres et accepter de suivre des consignes pour se protéger, mais aussi protéger les autres.
Et du côté des points faibles, à quoi faut-il s’attaquer ?
D’abord, aux inégalités dans notre société, qui ont fait que bien des gens ont été beaucoup plus affectés que les autres par la COVID-19 : les populations marginalisées, racialisées, les gens qui ne peuvent pas télétravailler, les travailleurs essentiels, ceux qui n’ont pas de congés de maladie… On doit faire mieux pour protéger tout le monde, et aussi réfléchir à la valeur qu’on accorde aux aînés dans notre société.
Ensuite, la COVID-19 a révélé la fragilité de nos systèmes de soins de santé et de santé publique. Il faut mieux se préparer, mieux exploiter les technologies, mais surtout tout faire pour éviter d’avoir du personnel brûlé.
Enfin, la désinformation est un énorme défi, qui reste très inquiétant.
La manière de gérer la COVID-19 a commencé à changer sous l’influence conjuguée de la fatigue pandémique, de la disponibilité des tests rapides et de la virulence moindre du virus pour les personnes protégées par les vaccins ou par des infections passées. Comment tout cela redéfinit-il le rôle de la santé publique ?
On passe d’une stratégie de détection de tous les cas et leurs contacts à une stratégie de surveillance, pour suivre plus globalement la circulation du virus et les variants qui pourraient apparaître, en combinant plusieurs outils. Les tests PCR vont rester nécessaires, mais pas pour tout le monde. On doit les réserver aux gens plus vulnérables, par exemple aux personnes âgées en résidence et aux immunosupprimés, ainsi qu’aux travailleurs de la santé. On peut aussi les déployer localement, dans certaines communautés qui vont servir de sentinelles pour la surveillance, et aux frontières, pour échantillonner les virus qui pourraient être rapportés par des voyageurs. L’analyse des eaux usées est pertinente pour détecter une recrudescence de la circulation du virus, tout comme la surveillance de l’absentéisme dans les écoles. Enfin, le nombre d’hospitalisations doit rester un indicateur clé, puisque même si elles n’augmentent que de deux à trois semaines après le début d’une vague, ce sont elles qui permettent de jauger la virulence du virus. Les tests rapides vont demeurer un outil très important en cas de symptômes et pour pouvoir avertir ses contacts. Mais nous devons continuer de bien expliquer quand et comment les utiliser, surtout que cela pourrait changer en fonction de la circulation du virus.
Peut-on encore hausser les taux de vaccination ?
On n’arrivera jamais à 100 %, mais il faut poursuivre nos efforts. Toutefois, les moyens doivent changer. L’heure n’est plus tellement aux grands messages publicitaires à la télévision. Il faut concentrer nos efforts sur les sous-groupes de la population qui ont une couverture vaccinale moindre. Travailler davantage avec des leaders, dans des communautés racialisées ou même religieuses, et mettre au point de nouveaux outils destinés aux jeunes, sur TikTok notamment. Aussi, le gouvernement veut soutenir l’innovation, par exemple provenant de professionnels de la santé, pour une meilleure communication à propos des vaccins. Ce sera un grand défi de convaincre la population de rester à jour dans ses vaccins, on le voit déjà avec la troisième dose, que beaucoup trop de gens ont boudée.
Et du côté des mesures sanitaires, qu’est-ce qui nous attend ?
Plusieurs autorités ont aboli l’obligation de porter un masque à l’intérieur, ou s’apprêtent à le faire. Mais c’est très important de renforcer le message que les masques vont continuer d’avoir leur utilité, par exemple si vous avez été en contact avec une personne infectée, si vous avez besoin d’être plus protégé parce que vous êtes immunosupprimé ou que vous vous retrouvez dans un lieu clos bondé, ou encore dans les hôpitaux. Vous devriez conserver l’habitude de porter un masque pour aller faire l’épicerie, par exemple, quand vous êtes un peu malade, même si vous n’avez pas la COVID. On doit laisser aux gens qui se sentent plus à l’aise avec un masque la possibilité de le garder, et renforcer aussi l’idée que les masques permettent de se protéger et de protéger les autres. Comme autorité de santé publique, on doit également apprendre à mieux comprendre et gérer les attentes de la population, pour prévoir les problèmes qui pourraient survenir si on devait réinstaurer des mesures sanitaires à l’arrivée d’une nouvelle vague.
Depuis deux ans, on a beaucoup compté sur la santé publique pour nous dire quoi faire. Qu’attendez-vous de la population maintenant ?
Pour que le virus n’entraîne plus de lourdes conséquences pour la société, chacun doit y mettre du sien et apprendre à gérer le risque pour soi et pour les autres. On a encore beaucoup d’éducation à faire sur ce plan. Ce qu’il faudrait, c’est que chacun acquière le réflexe de passer en revue un genre de « check-list » COVID avant d’envisager un voyage ou une activité quelconque, pour évaluer ce risque. Ça passe par cinq questions :
1) Suis-je à jour dans ma vaccination par rapport à ce qui est recommandé ?
2) Quel est mon risque personnel de contracter la COVID, en fonction de mon âge et de mon état de santé, et le risque pour les personnes que je côtoie ?
3) Quelle est la situation épidémiologique actuelle, est-ce qu’on est dans une période avec beaucoup de cas et un nouveau variant par exemple, ou plutôt dans une phase tranquille ?
4) Quel est le risque associé à l’activité que je veux entreprendre — par exemple, si je veux voyager, serai-je en pleine nature ou plutôt désireux de profiter de la vie nocturne en ville ?
5) Quelles sont les règles ou coutumes de santé publique en vigueur là où je veux me rendre — est-ce que je m’expose à des problèmes si je porte un masque, arriverai-je à me distancier autant que je le souhaite ?
Est-ce que les décideurs et la population vont continuer de vous écouter ?
Je crois que oui, même si ça reste toujours difficile de démontrer les succès de l’approche préventive de la santé publique. La modélisation, en particulier, nous a aidés à faire comprendre le bénéfice des mesures qu’on peut prendre pour éviter des cas. J’ai le sentiment aussi que les décideurs et la population saisissent mieux ce qu’est la santé publique. Je suis optimiste, car on a tous beaucoup appris, et on a réussi à s’ajuster. Mais il ne faut pas oublier nos grands défis, particulièrement les populations vulnérables qu’on a tous le devoir de protéger.
Très intéressant merci beaucoup
Un peu plus sur la science la prochaine fois!
On se rend bien conte que la covid était beaucoup plus que une grosse grippe on comprends que rien n est terminé pour le moment c est a nous d etre tres prévoyante continuer de ce protégé et surtout ce tenir au courant des messages de nos médecins qui nous renseignes si bien et de les écoutés Merci et Bravo pour votre beau travail.