Trouver des solutions pour atténuer les effets négatifs de la pandémie sur les enfants. C’est l’ambitieuse mission que s’est donnée Sylvana Côté, qui est aussi professeure titulaire à l’École de santé publique de l’Université de Montréal et chercheuse au CHU Sainte-Justine. Pour ce faire, elle devra d’abord mesurer les conséquences en question. Son équipe a obtenu cinq millions de dollars du Fonds de recherche du Québec — Société et culture pour réaliser un grand mandat déployé en quatre axes majeurs : éducation, santé mentale et bien-être, infection et immunité ainsi que saines habitudes de vie.
Voici ce qu’elle avait à nous dire à ce sujet.
Quelles pourraient être les conséquences de la pandémie sur le développement des enfants ?
Il faut d’abord tenir compte du fait que la pandémie a mené à différentes situations : confinement, perturbations économiques, perturbations scolaires, absence d’activités parascolaires, temps plus long passé en famille, exposition prolongée aux écrans…
En ce moment, il manque cruellement de données au Québec et dans l’ensemble du Canada sur ce qui se passe chez les enfants pendant la pandémie. Il y a eu beaucoup de sondages Web pour comprendre la situation chez les adolescents [par exemple, l’étude sur la santé psychologique des jeunes de 12 à 25 ans réalisée par l’Université de Sherbrooke ], mais pas chez les enfants du primaire. Ceux-ci n’ont pas de voix à moins qu’on en donne une à leurs parents et à leurs enseignants.
On manque de données, car les gens étaient en confinement. Cela demande du temps de mettre en place des collectes de données au sujet des enfants. Si l’on regarde la littérature internationale, les résultats préliminaires montrent notamment des retards scolaires chez les enfants vivant dans des milieux défavorisés. Cela peut varier énormément d’un enfant à l’autre. Si ça s’est bien déroulé à l’intérieur du nœud familial pendant le confinement, c’est souvent le cas aussi pour les enfants. Mais quand il y a du stress socio-économique et que l’apprentissage à l’école est compromis, c’est là qu’il peut y avoir des effets plus ou moins importants. Certaines écoles ont eu plusieurs éclosions et d’autres, très peu. Ce sera intéressant de voir comment ces effets varient en fonction des fermetures, des quartiers, du statut socio-économique de l’école, etc. C’est ce que l’on souhaite établir et quantifier chez les enfants québécois.
Comment ces données sont-elles collectées ?
On collabore avec l’Institut de la statistique du Québec, qui a produit en 2017 l’Enquête québécoise sur le développement des enfants à la maternelle. Cette étude longitudinale est réalisée tous les cinq ans auprès des élèves de la maternelle. Les enseignants évaluent les enfants sur leur développement global et leur maturité scolaire. Il est possible, à partir de ces résultats, de reconnaître l’enfant qui présente des vulnérabilités dans les sphères cognitives, sociales, émotives et physiques. Cette enquête est importante pour obtenir un portrait de la situation [les résultats seront dévoilés dans l’édition de 2023].
De plus, en 2021, l’équipe de l’Observatoire a interrogé les enseignants des enfants ayant participé à l’étude en 2017 pour savoir comment ils allaient sur le plan de leur santé mentale et psychosociale [l’enfant a-t-il des problèmes de langage, pleure-t-il facilement, est-il distrait ?].
Avec l’aide du ministère de l’Éducation, sur une base volontaire, les enseignants ont également fait passer en juin dernier une épreuve ministérielle en lecture à ces enfants maintenant en 4e année. On espère obtenir les analyses vers la fin de l’automne. Qu’observera-t-on ? Toutes les hypothèses sont possibles. Chose certaine, le milieu de l’éducation s’est adapté aux enfants et au contexte en misant sur les savoirs essentiels et en ajustant le curriculum scolaire.
Des approches ont-elles pu aider les enfants pendant le confinement ?
Le ministère de l’Éducation a mis en place un programme de tutorat [pour les élèves vulnérables]. C’est une bonne idée, car il y a des évidences solides faisant ressortir que le tutorat permet de compenser les apprentissages ayant été perdus en raison du moindre temps passé en classe.
De plus, au Québec, il y a eu au total 40 jours de fermeture complète des écoles. C’est excellent si l’on compare avec le reste du monde et les autres provinces canadiennes. Par exemple, l’Ontario a fermé ses écoles pendant 80 jours. On est parmi les territoires avec le plus faible nombre de jours manqués. Ça a été la mesure privilégiée de garder autant que possible les écoles ouvertes. Je pense qu’on peut en être très fiers.