COVID-19 : une 4e dose de vaccin, maintenant ou plus tard ?

Les Québécois âgés de moins de 60 ans peuvent maintenant recevoir une nouvelle dose de rappel du vaccin contre la COVID-19. Mais pour la plupart des gens, mieux vaudrait probablement attendre. Voici pourquoi.

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Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) du Québec a annoncé début mai que toutes les personnes de moins de 60 ans peuvent désormais recevoir une seconde dose de rappel d’un vaccin à ARN contre la COVID-19 (Pfizer ou Moderna) si elles le désirent, s’il s’est écoulé plus de trois mois après leur premier rappel. Pourtant, le Dr Luc Boileau, directeur national de santé publique par intérim, a bien expliqué que cette dose de rappel n’est pas recommandée aux 60 ans et moins. Une position qui fait écho au plus récent avis à ce sujet du Comité sur l’immunisation du Québec (CIQ), qui avait recommandé au gouvernement de ne pas proposer de nouvelle dose à ce groupe de la population avant septembre ou octobre. « Le CIQ s’en tient à cette recommandation et ne prévoit pas produire de nouvel avis à court terme », précise la Dre Caroline Quach-Thanh, membre du comité. Le comité de l’immunisation fédéral ne conseille pas, lui non plus, un nouveau rappel aux moins de 60 ans. Alors que faire ? Voici ce qu’il faut savoir.

Pourquoi ce rappel n’est pas recommandé

Trois éléments justifient la décision des comités. 

D’abord, les preuves que ce rappel est vraiment bénéfique pour diminuer les risques de maladie grave et de mortalité sont inexistantes pour ce groupe de la population. La seule étude publiée jusqu’à présent, en avril, a été réalisée en Israël auprès d’environ 200 travailleurs de la santé (c’est peu !) ayant reçu une quatrième dose de Moderna pour la moitié d’entre eux, et de Pfizer pour les autres. Les chercheurs n’ont pas évalué la protection contre les formes graves de la maladie qui provoquent les hospitalisations et les décès — puisqu’on n’en a décelé chez aucune des personnes à l’étude, qu’elles aient eu trois ou quatre doses. 

Au cours de cette étude, menée en pleine vague Omicron, 25 % des gens ayant eu leur premier rappel il y a plus de quatre mois ont été infectés, contre 20,7 % dans le groupe ayant reçu un second rappel de Moderna et 18,3 % pour ceux ayant eu celui de Pfizer. On s’entend que cela ne fait pas une énorme différence.

Ensuite, comme le montre d’ailleurs bien l’étude, il faut aussi se souvenir qu’une personne de moins de 60 ans sans immunodéficience est très peu susceptible d’être gravement malade dans les six mois suivant sa première dose de rappel, souligne l’immunologiste Alain Lamarre, de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS). 

Finalement, vouloir améliorer rapidement sa protection contre les simples infections n’est guère utile à un moment où le virus est peu présent. Or, le nombre de nouvelles hospitalisations liées à la COVID durant la sixième vague, un bon indicateur de la circulation du virus, a atteint un sommet il y a un mois et devrait redescendre sous peu à son niveau de la fin du printemps 2021. Même si on s’apprête à enlever les masques à l’intérieur, sauf dans les hôpitaux et les transports collectifs, il est peu probable que nous assistions à une recrudescence de l’épidémie.

Qui pourrait quand même — peut-être — en bénéficier

La décision du MSSS vise à donner le choix à chaque personne de moins de 60 ans en fonction de sa situation, quand bien même le bénéfice ne serait pas clairement démontré ou important. Selon les experts, ceux qui pourraient le plus profiter de ce nouveau rappel sont :

  • les proches des personnes immunosupprimées ;
  • les personnes qui ont reçu leur premier rappel il y a plus de six mois et qui prévoient voyager dans un pays où le virus est plus actif, comme l’Australie, puisqu’une infection même légère à l’étranger pourrait forcer à retarder le retour ;
  • les personnes qui, sans être immunodéprimées, sont en très mauvaise santé et pourraient avoir un risque accru d’être fortement malades avec le virus, par exemple celles souffrant d’obésité morbide et atteintes de graves problèmes pulmonaires.

Dans tous les cas, il faut cependant bien comprendre que cette quatrième injection ne dispensera pas automatiquement d’une nouvelle dose à l’automne. On ne sait pas non plus si elle change quelque chose au risque de développer une COVID de longue durée après une infection.

Qui en bénéficie à coup sûr ?

En mars et avril, les deux comités ont fortement conseillé un second rappel pour les personnes présentant un risque beaucoup plus élevé d’hospitalisation ou de décès à cause de la COVID, et qui sont aussi plus susceptibles d’être protégées moins longtemps par une dose de vaccin à cause de l’immunosénescence, le phénomène de vieillissement du système immunitaire. Ces personnes peuvent déjà recevoir une seconde dose de rappel depuis plusieurs semaines, et celle-ci vaut toujours la peine pour elles. Il s’agit :

  • des résidants de milieux de vie collectifs qui hébergent une forte proportion de personnes âgées et vulnérables, comme les CHSLD et les résidences privées pour aînés ;
  • de toutes les personnes de plus de 80 ans ;
  • des personnes souffrant d’une immunodéficience grave ou modérée ;
  • des personnes vulnérables vivant dans les communautés éloignées ou isolées. 

Trop de doses, est-ce risqué ? 

Il y a de grandes chances qu’une nouvelle dose de vaccin soit conseillée cet automne même aux personnes qui en recevraient une maintenant, puisque, si on se fie aux années précédentes, le virus pourrait circuler plus intensément à la fin des beaux jours, et encore plus en hiver, et que la protection contre les maladies graves finit par décroître au bout d’un temps.

« En théorie, des doses rapprochées et répétées d’un même vaccin pourraient à la longue diminuer la réponse immunitaire qu’il suscite », explique Alain Lamarre. C’est d’ailleurs le principe à la base de la désensibilisation pour les allergies, qui consiste à stimuler à répétition le système immunitaire avec de petites doses d’allergène pour l’amener progressivement à moins réagir. « Mais avec les vaccins contre la COVID, on continue de voir une bonne montée des anticorps après quatre ou même cinq doses, donc il n’y a pas lieu de s’en inquiéter pour l’instant », estime l’immunologiste.

Une nouvelle vague avant l’automne ?

Recevoir une nouvelle dose de vaccin maintenant pourrait être justifié si on craignait qu’une nouvelle vague déferle d’ici quelques semaines. En Afrique du Sud, les cas sont à la hausse, sous l’influence des nouveaux sous-variants BA.4 et BA.5, qui seraient un peu plus contagieux que BA.2, mais pas plus graves, selon ce qu’on en sait jusqu’à présent. 

Ces nouvelles souches pourraient-elles, comme lors de la vague Omicron, engendrer bientôt une autre vague en Europe qu’on verrait ensuite arriver ici ? Peu probable, selon le Dr Gaston De Serres, épidémiologiste à l’INSPQ, à cause du nombre élevé d’infections récentes par Omicron et BA.2 au Québec, ce qui a augmenté l’immunité populationnelle, et de l’arrivée des beaux jours, moins propices aux contagions. « L’Afrique du Sud entre dans l’hiver, et contrairement à l’Europe et au Canada, elle n’a pas eu de vague BA.2 récente qui protégerait bien contre ces nouveaux variants », ajoute Caroline Quach-Thanh. « Il faut quand même surveiller attentivement ce qui se passe en Europe et dans l’évolution du virus, car on peut encore avoir des surprises », croit pour sa part Alain Lamarre. 

Si un variant radicalement nouveau devait sortir d’on ne sait où bientôt, ce qu’on ne peut pas complètement exclure, rien ne dit cependant qu’une quatrième dose du vaccin actuel changerait quelque chose à la situation d’une personne de moins de 60 ans déjà triplement vaccinée. 

Quel vaccin à l’automne ?

Bien malin celui qui pourrait dire maintenant quel variant circulera cet automne, s’il provoquera une nouvelle vague d’importance, quels seront les vaccins offerts à ce moment-là et qui aura besoin d’une autre dose de rappel. « On va donner de nouvelles recommandations au gouvernement juste avant l’été, puis s’adapter en fonction de l’évolution de la situation. Chose certaine, il faudra pouvoir être très réactif autant dans nos recommandations que dans le déploiement de la vaccination sur le terrain », prévient Gaston De Serres.

Dès qu’Omicron est apparu, Pfizer et Moderna ont annoncé le début d’essais d’un vaccin visant Omicron, mais ce n’est peut-être pas celui qu’elles privilégieront. Il est possible en effet qu’un vaccin dirigé contre ce seul variant induise, par la sélection naturelle, le retour des anciens variants plus virulents (comme Alpha ou Delta) qui continuent de circuler imperceptiblement. Et on ne veut pas ça ! 

Les deux sociétés pharmaceutiques ont donc aussi entrepris de tester un vaccin dit « bivalent », comprenant à la fois l’ARN qui code pour la protéine de surface de la souche originale, comme les vaccins actuels, et l’ARN propre à Omicron. Elles sont très discrètes sur leurs avancées. Cette nouvelle formule sera-t-elle prête avant l’automne ? La dernière déclaration publique d’Albert Bourla, PDG de Pfizer, laissait entendre que ce n’est pas sûr du tout.

Outre l’efficacité contre tel ou tel variant, la durée de l’immunité risque également de devenir un critère de choix majeur pour les prochains vaccins, car les campagnes d’immunisation coûtent très cher et l’adhésion de la population diminue à chaque nouvelle dose. Il est possible qu’une dose d’un vaccin différent, comme ceux de Medicago ou d’AstraZeneca, administrée après des doses de vaccins à ARN, élargisse la protection et allonge sa durée, mais ce n’est pas prouvé et il y a peu de chances que ce le soit avant cet été. 

Évidemment, du point de vue des industriels, il est préférable de prendre le plus de doses possible. Mais au final, ce sont les comités sur l’immunisation et les gouvernements qui décideront, et la pression est forte sur les entreprises pharmaceutiques pour qu’elles offrent les doses de rappel qui combineront le mieux efficacité et durée de protection. La concurrence entre elles est plus vive que jamais.

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Chère Madame Borde,

J’en étais venu aux mêmes conclusions, mais votre article bien documenté me conforte dans ma décision.

Merci de tenir le fort et/ou le phare en cette accalmie d’une pandémie qui n’est pas terminée. La bonne information scientifique est nécessaire.

Bravo aux scientifiques qui ont produit des vaccins imparfaits mais au demeurant très efficaces!

Scientifiquement vôtre

Claude COULOMBE