Les trois quarts des jeunes Québécois passent plus de temps sur Internet depuis le début de la pandémie, confirme une enquête de l’Académie de la transformation numérique de l’Université Laval. Chez les 6 à 17 ans, 40 % surfent sur le Web plus de 10 heures par semaine. Une proportion qui bondit à 59 % dans le sous-groupe des 13 à 17 ans. Des statistiques quelque peu inquiétantes, mais qu’il faut remettre en contexte — pandémique ! —, selon Marie-Anne Sergerie, psychologue et autrice de l’essai Cyberdépendance : Quand l’usage des technologies devient un problème (Éditions La Presse). Car on a beau incriminer la prolifération des écrans, de la chambre à coucher au sac à dos, ceux-ci ont quand même permis à plusieurs travailleurs de continuer à exercer leur métier, et à des milliers de jeunes de poursuivre leurs apprentissages scolaires. Comme en toute chose, la modération a bien meilleur goût.
Nous nous sommes entretenus à ce sujet avec la psychologue Marie-Anne Sergerie.
Devrait-on fixer des limites selon l’âge de l’enfant ?
En bas âge, il est préférable de varier les sources de stimulations afin de permettre aux enfants de développer leurs habiletés sensorielles et motrices, par exemple marcher, sauter, jouer, ramper, courir, grimper, chanter, manipuler des objets, parler avec les autres membres de la famille, etc. Le temps d’écran doit donc être encadré dès les premiers moments où l’enfant est en contact avec cette technologie.
Pour les petits de deux et trois ans, on recommande de limiter le temps d’écran à une heure par jour. Le plus important, c’est d’être toujours présent comme parent pour choisir des productions éducatives et de qualité. On peut ainsi faire le pont entre ce qui est vu et le monde réel. Et si les enfants sont exposés aux écrans seulement après l’âge de trois ans, n’ayez aucune inquiétude : ils n’auront aucun retard dans leur apprentissage des technologies.
Pour les jeunes de six ans et plus, la recommandation est de deux heures par jour : ce n’est pas un objectif à atteindre, mais une balise à respecter. Encore là, le contenu est aussi important que le temps passé en ligne. Une supervision est nécessaire pour l’ajuster selon l’âge. Les parents doivent également s’assurer que les écrans n’interfèrent pas dans les différentes sphères de la vie de l’enfant : les études, le sommeil, les activités physiques, et les repas en famille.
Quels signes indiquent qu’un enfant est accro aux écrans ?
Plusieurs signaux sont perceptibles. L’usage excessif de certaines technologies est le premier indicateur, mais aussi la façon dont la personne va se sentir, et se comporter, si elle n’y a pas accès. Chez un enfant, ça peut se manifester par des crises de colère ou des mensonges sur sa consommation réelle. Est-ce qu’il s’agit de sa seule activité ? Préfère-t-il passer du temps devant les écrans plutôt qu’avec ses amis ? Refuse-t-il d’aller se coucher ?
Comment réagir dans ce genre de situation ?
Prendre conscience du problème est le point de départ. Ensuite, structurer et encadrer l’usage de la technologie. Ça signifie mettre des limites de temps, établir un horaire et des balises claires. Ça demande du temps et de l’énergie — pour les parents comme pour les enfants ! —, mais c’est important de le faire. Dans certains cas, on peut aussi accompagner l’enfant dans l’apprentissage de moyens pour s’autoréguler en lui donnant une banque d’heures hebdomadaire et en l’aidant à les répartir dans la semaine.
Ce qui compte, c’est la cohérence. Pas d’écran ou de téléphone à table ? Toute la famille doit adhérer à cette directive. Le parent envoie un curieux message s’il n’est pas capable de décrocher. Pour l’enfant, ça devient très difficile de respecter l’entente.
Les écrans sont là pour de bon… et c’est correct. Il faut apprendre à cohabiter avec ces technologies, même si elles évoluent un peu plus vite que notre faculté de nous adapter. L’époque où il n’y avait qu’un seul téléviseur dans une maison est révolue. Les jeunes des 20 dernières années sont tous nés avec Internet. La pandémie nous aura au moins enseigné à retrouver un certain équilibre, à revenir à la lenteur, à renouer avec l’ennui. Cet ennui qui nous permet de nous brancher sur nos besoins et de trouver des choses qui ont du sens pour nous.
Est-ce que l’augmentation du temps d’écran vous inquiète, particulièrement chez les jeunes ?
Avec la pandémie, c’est évident qu’il y a eu une hausse, et si elle est importante ici, elle l’est davantage aux États-Unis : près de la moitié des enfants américains ont passé au moins six heures par jour en ligne… Par contre, il faut établir une distinction entre le temps consacré aux études ou au travail et le temps de divertissement. Et au plus fort de la pandémie, le nombre d’activités sociales, sportives et culturelles était passablement réduit. On doit tenir compte de tout cela, et reconnaître que l’on manque encore de recul pour bien analyser le phénomène.
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