D’où vient la chenille spongieuse qui attaque le sud du Québec ?

La chenille Lymantria dispar, importée dans les années 1880 pour lancer l’industrie de la soie en Amérique du Nord, a dévoré 17 000 kilomètres carrés d’arbres depuis les années 1980.

Photo : Chris MacQuarrie

L’auteur est professeur adjoint à la Faculté d’architecture, de paysagement et de design John H. Daniels et au Département d’études supérieures en foresterie de l’Université de Toronto.

Une chenille très vorace s’attaque actuellement aux feuilles des arbres dans le sud de l’Ontario et du Québec, et du Michigan au Vermont. À Montréal, les arbres du mont Royal sont particulièrement affectés.

Depuis les années 1980, la chenille du Lymantria dispar, un papillon nocturne, a provoqué plusieurs grandes infestations, souvent pluriannuelles. Au Canada, cette chenille a endommagé 17 000 kilomètres carrés de forêt et les efforts pour la contrôler ont coûté des milliards de dollars tant au Canada qu’aux États-Unis.

Cette espèce de papillon nocturne, « bombyx disparate », est mieux connue pour sa chenille appelée « spongieuse ». Comme il existe d’autres noms comme « le disparate » ou « le zigzag », j’emploierai son nom latin, L. dispar, pour simplifier.

Son origine remonte une tentative infructueuse d’implanter l’industrie de la soie en Amérique du Nord. Bien que cantonnée à quelques provinces et États du nord-est du continent, cette espèce ravageuse pourrait se propager davantage avec le réchauffement climatique.

Échec commercial, mais invasion réussie

C’est un Français, Étienne Léopold Trouvelot, à la fois artiste, astronome et entomologiste, qui eut l’idée de créer une colonie de vers à soie dans les arbres près de sa maison de Medford, au Massachusetts. Mais sa première tentative, avec un papillon nocturne indigène, fut un échec. Ses chenilles, élevées en grand nombre, auraient contracté des maladies virales et les oiseaux ne cessaient de s’y attaquer.

La solution de Trouvelot fut d’importer une chenille européenne, L. dispar, pour la croiser avec des espèces nord-américaines pour créer un hybride résistant aux maladies et qui n’intéresserait pas les oiseaux.

Malheureusement, les jeunes chenilles s’échappèrent de son laboratoire improvisé vers 1868 ou 1869. En 1879, les habitants de Medford ont commencé à se plaindre d’une espèce de chenille encore inconnue qui commençait à pulluler.

Un voisin a écrit :

Les chenilles ont envahi tout notre jardin et dépouillé tous nos arbres fruitiers, en commençant par les pommiers, puis les poiriers. Les chenilles ont aussi dévoré toutes les feuilles du bel érable dans la rue, devant la maison voisine. Elles sont descendues au sol avant de se déplacer sur la maison. La façade était noire de chenilles, qui entraient dans la maison malgré toutes les précautions, et nous les trouvions jusque sur les vêtements dans les placards.

Les premiers efforts d’éradication de cette chenille ont nécessité beaucoup d’efforts. Avant l’invention des insecticides chimiques, il fallait grimper aux arbres pour éliminer l’insecte. Ces premiers efforts n’ont pas suffi et l’insecte s’est frayé un chemin dans le sud du Québec et de l’Ontario à la fin des années 1960.

Gloutonnerie et crottes de chenilles

L’Ontario a connu trois infestations depuis les années 1980. Dans les années 1990, 350 000 hectares de forêt avaient été atteints. Et puis en 2020, L. dispar en a endommagé 585 000 hectares, une superficie équivalente à celle de l’Île-du-Prince-Édouard.

Le problème vient de la voracité de cette chenille, qui peut consommer un mètre carré de feuilles au cours de sa croissance (une surface de la taille d’une serviette de bain). Multipliez ce chiffre par des millions ou des milliards de chenilles qui dévorent tout et une forêt sera défoliée très vite.

La chenille du L. dispar n’est pas capricieuse. Elle préfère les feuilles de chêne, mais elle se servira dans les érables, les bouleaux et les trembles, et d’autres plantes encore.

En mangeant, les chenilles produisent des excréments, de petites qui tombent sur le sol de la forêt — ou sur les pique-niqueurs assis dessous. La plupart des arbres peuvent tolérer cette défoliation, si bien que l’insecte tue rarement les arbres sur-le-champ. Mais des infestations répétées vont les rendre plus vulnérables. Une étude récente a révélé une diminution du nombre de jeunes chênes dans les forêts américaines ayant subi plusieurs infestations.

Certains conifères comme le pin blanc et le sapin baumier sont particulièrement fragiles en cas d’attaque, car contrairement aux arbres à feuilles caduques, leurs aiguilles ne repoussent pas.

Pièges à chenilles en toile de jute

Le contrôle de cette chenille peut être difficile. Certaines municipalités utilisent un insecticide biologique appelé Btk qui cible spécifiquement les chenilles. Les campagnes de pulvérisation ont lieu au début de l’été, quand les chenilles sont petites et plus sensibles à l’insecticide.

Les particuliers peuvent également appliquer du Btk, mais une autre approche consiste à enrouler une bande de toile de jute autour du tronc de l’arbre pour attraper les chenilles lorsqu’elles montent et descendent de l’arbre pendant la journée. Ce piège simple permet de capturer les chenilles, pour ensuite en disposer dans un seau d’eau savonneuse.

À la fin de l’été et à l’automne, les masses d’œufs spongieux peuvent également être grattées et jetées. Cette tactique est également utile pour en prévenir la propagation, car les masses d’œufs peuvent être transportées sur les véhicules et les équipements extérieurs.

Merci, les épizooties

Quand cela s’arrêtera-t-il ? Les infestations de L. dispar durent de trois à cinq ans et se terminent généralement d’elles-mêmes. Les insectes sont sensibles à un virus et à un champignon qui provoquent des « épizooties », terme qui désigne une « pandémie » affectant une espèce animale.

Ce sont donc les prédateurs et les épizooties, grâce à un virus et un champignon, qui permettent de maintenir les populations à un faible niveau. Ce même virus expliquerait peut-être les intervalles réguliers de cinq à dix ans entre les infestations.

L’aire de répartition de l’insecte est actuellement limitée à l’Ontario, au Québec et aux Maritimes, mais on s’attend à ce que les changements climatiques augmentent la zone au Canada. D’ici 2050, L. dispar pourrait rejoindre le sud de l’Alberta et la Nouvelle-Écosse. Les montagnes escarpées de la Colombie-Britannique et leur climat alpin devraient y empêcher sa propagation.

Les espèces envahissantes constituent une menace persistante pour les forêts du continent, même si on en parle moins que les feux de forêt et les changements climatiques. Toutefois, les humains ont le pouvoir d’agir pour empêcher sa propagation, et celles d’autres espèces envahissantes, ne serait-ce qu’en évitant de déplacer le bois de chauffage d’une région à l’autre.

L. dispar est là pour de bon, mais nous pouvons tous agir pour éviter de l’encourager !La Conversation

La version originale de cet article a été publiée sur La Conversation.

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Bonjour, je tiens à dire que le titre de cet article est complètement ridicule, pour un contenu aussi important !!
Je dois vous avouer que je me sens insultée..parce que je suis une personne qui lit rarement les nouvelles .. car elle sont généralement remplies de mauvaises informations et inutiles .. et la je constate que ce que les gens devraient vraiment savoir n’est pas publié en priorité . Vous savez quoi faire pour qu’une nouvelle soit partout notre planète ne va pas bien. NOUS MANQUONS DE TEMPS ET PERSONNE NE FAIS RIEN . Surtout qu’une des choses qui pourrait sauver notre planète, notre maison.. serait des plantations d’arbres massive..
Les scientifiques l’ont dit. Ils ont donné l’alarme… lave, vous entendus ?