Douter raisonnablement

En matière de science, le doute est toujours permis, mais lorsqu’on ne peut juger de la validité des théories proposées, il vaut mieux s’en remettre au savoir des experts.

Photo : Daphné Caron

Je suis parfois étonné de la surprise des gens lorsqu’ils constatent que les opinions contraires à la science peuvent aussi facilement remettre en question le discours officiel portant, par exemple, sur les vaccins ou le réchauffement climatique.

Le consensus en ces matières est pourtant solide, largement partagé par les scientifiques concernés et appuyé par les organisations internationales. Malgré tout, des arguments plus ou moins loufoques pullulent, jusqu’à compromettre les efforts de sensibilisation. Faut-il vraiment s’en surprendre ? Sûrement pas, pour des raisons évidentes.

D’abord, l’idée de doute est inscrite au cœur même de la science, qui pousse à proposer des hypothèses aptes à renverser les théories acceptées dans le but de poursuivre la saine construction des savoirs. Il faut même souhaiter que les théories scientifiques puissent être mises à l’épreuve, voire invalidées de temps en temps, sans quoi elles ne sauraient être tenues pour vraies, le philosophe des sciences Karl Popper nous ayant appris que pour être valide, une théorie doit être réfutable.

Mais au risque de plonger dans la perplexité les plus rationnels d’entre nous, il faut convenir qu’une large part de notre compréhension individuelle du monde repose non pas sur les connaissances scientifiques, mais bien sur une évaluation primitive des faits, qui suscite — irréfutablement — notre adhésion en s’appuyant sur la croyance et l’intuition. Qui parmi vous révise en effet la complexe science physico-chimique de la cuisson avant de mettre au four un gâteau au chocolat ? Pas moi en tout cas — qui suis par ailleurs nul en cuisine, mais bon.

Notre savoir ordinaire est fondé sur l’immersion dans l’univers familial, les échanges quotidiens à l’école et les discussions avec l’entourage plutôt que sur la lecture attentive de la revue Science, le croiriez-vous ? Il s’appuie en effet sur notre incroyable capacité de trier l’information, une méthode empirique qui nous a jadis permis de fuir les lions sans prendre le temps de consulter un traité de comportement animal.

Côtoyant nombre de scientifiques, je peux vous confier que dans la vie courante ces cerveaux superlatifs acceptent comme vraies des propositions subjectives, non validées et parfois même erronées, qui mènent à certaines décisions douteuses basées uniquement sur l’intuition. Il leur arrive aussi — imaginez ! — de douter, non pas de la science, mais des données objectives qui contredisent leurs perceptions souveraines.

Avec toute la modestie souhaitable, il faut bien s’avouer que pour la vaste majorité d’entre nous, ce n’est pas tant la science qui nous convainc que les personnes en position d’autorité qui la traduisent — avec aussi peu de distorsion possible, peut-on espérer — et en transmettent les conclusions, notamment par l’intermédiaire des médias.

Certes, quand on parle de vaccins, je me débrouille assez bien pour analyser une étude portant sur leur efficacité, même si je suis loin de connaître toutes les recherches en ce domaine — qui le pourrait ! — ou d’évaluer adéquatement l’ensemble des biais pouvant miner la validité des résultats. Je dois donc, comme vous, me fier aux meilleurs experts en la matière.

L’exemple des changements climatiques est encore plus clair : comme il s’agit de modèles plus complexes que ceux des vaccins, basés sur des projections qu’on ne peut tester en conditions réelles, il m’est impossible de juger de la validité des théories proposées. Je me fie donc aux scientifiques compétents, bien plus doués que moi en la matière, et aux organisations qu’ils représentent.

Pour ces questions qui touchent des réalités difficiles à se représenter, où nous rencontrons aisément les limites de notre compréhension, il est inévitable de s’en remettre à ces autorités dites compétentes. Leur reconnaissant un tel ascendant, il faut croiser les doigts et espérer qu’elles ne sont pas sous influence.

Malgré la science réelle sur laquelle s’appuient ces savoirs, nous entretenons ainsi avec eux une relation qui implique une part de confiance — donc de croyance —, peut-être pas aveugle, mais du moins passablement myope, même pour les plus perspicaces d’entre nous.

En reconnaissant qu’il s’agit là d’une approche distincte de la démarche scientifique elle-même, on ne devrait pas se surprendre qu’une posture aussi imparfaitement critique suscite aisément ce doute qui se transforme parfois en méfiance. Parce que si nous n’avions jamais douté, nous en serions encore à notre préhistoire. Encore faut-il qu’un tel doute ne soit jamais déraisonnable. Sinon, nous sommes cuits.

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En fait l’activité scientifique obéit aux règles de la division du travail qui de nos jours est de plus en plus accentuée. Douter du travail d’un (e) scientifique reviendrait à douter de la baguette de pain du boulanger ou du diagnostic d’un médecin…à moins qu’il y ait quelque motif à la faire ( argent…idéologie…).

Selon Karl Popper : la psychanalyse, l’épistémologie et la plupart des sciences humaines — nous pourrions penser à l’économie…, – toutes ces choses-là ne relèvent pas de la science. Car… aucune expérience ne peut infirmer ou confirmer la prédictibilité de la dite expérience.

C’est dans cette prédictibilité de l’expérience que réside toute forme possible de réfutation.

Sous l’aune de cette conception que dire du « doute métaphysique » de René Descartes qui entendit prouver que Dieu existait bel et bien ? Ce qui ne fait l’objet d’aucun doute dans l’esprit de ceux qui pratiquent cette science humaine qu’est la théologie. Inutile donc de tester Dieu.

Ainsi sans chercher à réfuter quoique ce soit — je suis d’ailleurs assez convaincu que les changements climatiques sont bel et bien là -, j’ai quelque doute parfois quant aux experts – ou soi-disant tels – auxquels je dois en tout cécité… (À moins qu’il ne s’agisse de quelque forme d’amblyopie)… me vouer.

Leur principal défaut selon moi est qu’ils savent usuellement monnayer à leur juste valeur cette expertise dont ils ou elles sont dépositaires tels ou mieux encore que ces grands inquisiteurs tout droit issus du vieux monde moyenâgeux, lesquels en leur temps savaient comment il faut s’y prendre pour faire la pluie et le beau temps.

Voila ce que je crois être un point de vue dont je n’ai pas la manière de m’exprimer. Ce qui me porte à dire que, si je suis bien votre idée, s’il n’y a pas de doute, il y a reddition aveugle. Et personnellement, je ne me rends pas facilement.

@ C. d’Anjou

Nous pourrions certainement disserter longuement sur le sujet que nous soumet le docteur Vadeboncoeur. Si ce n’est que de ne pas douter de toutes choses, ne saurait correspondre à une reddition qui équivaudrait en quelques sortes à une capitulation. Ce qui induit toute forme de belligérance.

Devrais-je douter de ce que je sais ? Mais puis-je douter « quelquefois » de celles ou ceux qui savent tout pour moi ?

Si pour quelques-uns, « la vie est un combat », elle relève plutôt selon moi de l’expérience. Ainsi tous les combats sont-ils perdus d’avance. Les victoires (comme les succès) sont passagères et donc transitoire.

En ce qui concerne les changements climatiques, inutile de remettre la vie en jeu lorsqu’il est possible de vivre mieux tout en respectant notre environnement. Des solutions existent, cela fait plus d’un demi-siècle qu’on les a trouvées. La question pourrait être de savoir : de quelle nature sont les résistances qui font précisément qu’on ne les applique pas, ces solutions justement ? Faudrait-il estimer que « gâchis » et recherche constante de « profits » soient des synonymes ?

J’espère que vous n’crevez pas d’chaud, comme icite par cheu-nous….

M. Drouginsky, voila la bonne question à poser qu’est la vôtre: ¨ Devrais-je douter de ce que je sais ? Mais puis-je douter « quelquefois » de celles ou ceux qui savent tout pour moi ? ¨. Et cette autre question ¨ de quelle nature sont les résistances qui font précisément qu’on ne les applique pas, ces solutions justement ? ¨. Pour cette dernière, j’ai ma propre réponse qui est celle-ci : c’est la ¨scupidit騅 jeu de mot qui veut tout dire pour moi.
Je ne sais cependant pas de quel ordre seront les moyens pris par tous les peuples de cette planète quand le rouleau compresseur aura acculé tout le monde au bord du précipice, mais je crains fort que ce ne soit pas très beau alors, tout en priant pour le contraire.

Quant à la ¨chaudeur¨, ici aussi on la ressent assez, mais c’est moins pire qu’en ville.
Bonne semaine à vous.

Je pense qu’il faut commencer par ceux qui ont les instruments de mesure scientifiques dans les mains.

Comme vous dites, la science accepte les théories contraires mais dans un processus scientifique.
S’il y a un doute ou du scepticisme il faut avoir la même rigueur et exposer notre mesure et la comparer avec ceux qui ont d’autres variables.

Il est assez clair qu’on n’est plus dans un processus scientifique quand on s’attaque au messager qui s’opposent à votre théorie en lui criant des noms, en lui collant des étiquettes dans le front ou en clivant ceux qui sont de gauche ou de droite. Comme les pieds ça prend un pied gauche et un pied droit pour marcher en ligne droite.

Pendant que nous on bavarde sur les média il y a des scientifiques qui mesurent le climat et ce sont ces mesures que j’essaie de comprendre, le reste ce sont des opinions.

Mais le pire qu’il faut surveiller c’est la récupération, les interprétations et la manipulation des variables dans le but de tromper comme les pétrolières voir « Exxon; the road not taken », les mensonges de Volkswagen, les mensonges de Gaz Métro qui veut nous faire passer du gaz de fracturation pour du gaz qui vient des coeurs de pommes ou encore des rapports pseudo-scientifiques commandités par les pétrolières comme la TOTAL/CIRAIG qui nous a pondu un amoncèlement de demi-vérités obsolètes sur le cycle de vie du VE. Malgré qu’avec leurs mesures manipulées et obsolètes, le VE est encore plus écologique que le V thermique, mais c’est l’idée qui traîne derrière qui a été récupérée par les média et les marchands de doute pour éviter de parler du VE. Autrement dit de l’INFAUX qui retarde la transition.

Transition vers un modèle économique basé sur les énergies de flux qui sont renouvelables, gratuites et appartiennent à tout le monde (mer vent soleil géothermie) voir IRENA.ORG