
Est-ce que les examens que vous passez, les traitements que vous recevez et les médicaments que vous prenez sont toujours utiles? Sans doute pas. Pourquoi? Parce qu’ils ne sont pas toujours «choisis avec soin», et qu’ils n’aident peut-être pas à maintenir ou à améliorer votre état de santé.
En fait, plus d’un million de tests et de traitements au Canada ne devraient probablement pas être effectués, ne répondant pas aux critères de la pertinence, c’est-à-dire qu’ils n’allongent pas votre vie ou n’améliorent pas votre qualité de vie. C’est énorme.
Mais est-ce vraiment surprenant? Pas tellement, parce qu’avec l’explosion des technologies, des interventions et des médicaments dans le monde de la santé, il est de plus en plus difficile de «choisir avec soin» ce qui fonctionne bien ou ce qui ne fonctionne probablement pas.
De plus, le médecin – ou l’infirmière ou autres professionnels de la santé – peut éprouver de la difficulté à voir si son patient, c’est-à-dire vous, pourra vraiment bénéficier d’une approche qui a été démontrée efficace ailleurs, pour d’autres patients.
Enfin, comme le choix du traitement résulte – ou devrait résulter – d’un dialogue entre le médecin et son patient, le patient influence aussi les choix, pas toujours à son propre avantage, comme c’est souvent le cas avec les antibiotiques.
Choisir avec soin
Au fait, vous ne connaissez peut-être pas cette formidable campagne intitulée «Choisir avec soin», une version francophone de la campagne «Choosing Wisely Canada», qui prend de l’ampleur depuis plusieurs années un peu partout dans le monde.
Découlant d’une initiative de la fondation ABIM (American Board of Internal Medicine), ce vaste mouvement vise à diffuser une information de qualité touchant l’application inappropriée de certaines approches médicales non validées.
Un rapport de l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) publié cette semaine démontre que jusqu’à 30 % de certains examens, traitements ou interventions effectuées au Canada ne sont probablement pas nécessaires. C’est énorme! Imaginez les ressources perdues… Et le rapport n’évalue qu’une petite partie des nombreuses recommandations visant à diminuer les soins.

«Plus» n’est pas toujours mieux
On pense parfois que réaliser plus de tests et effectuer plus de traitements est toujours bon pour le patient, et que c’est seulement pour des raisons de restriction budgétaire que nos dirigeants souhaitent limiter l’accès. Mais c’est tout à fait faux. L’effet est bien plus large et peut affecter négativement la santé des gens.
En réalité, plus de tests et, surtout, plus de traitements n’améliorent pas toujours la santé, et peut même l’aggraver. On n’a qu’à penser aux risques liés à l’exposition aux rayons X, qui augmentent le risque de tumeur, ou à la prise inappropriée d’antibiotiques, dont j’ai déjà parlé, qui peuvent non seulement causer des allergies graves, mais également des complications comme le C. difficile ou encore augmenter la résistance.
Or, si on ne peut démontrer un avantage clair, le seul effet sur le patient est d’augmenter son risque à court ou à long terme. Un tel raisonnement s’applique (ou devrait s’appliquer) à une foule d’examens et de traitements en médecine, surtout lorsque des données validées permettant de faire la part des choses entre risques et avantages sont disponibles – ce qui n’est pas toujours le cas, malheureusement.
C’est un peu le travail du mouvement «Choisir avec soin», dont l’action repose sur la cueillette puis la diffusion à grande échelle des données disponibles pour les différentes pratiques et spécialités. L’approche est collaborative: il s’agit de dégager les consensus de la science, d’impliquer les soignants et les soignés et d’accorder la priorité aux situations méritant le plus d’attention ou susceptibles d’avoir le plus impact, puis de proposer des changements et d’en mesurer les impacts. Vaste tâche, mais essentielle!
Évaluer les écarts entre les recommandations et la pratique, c’est un peu ce qu’a réalisé l’ICIS dans son récent rapport. Il se penchait sur huit approches de soins non soutenues par la science afin d’en mesurer le degré d’application dans la vie réelle. Et les résultats sont étonnants, voire décevants.
Des tests et des soins inutiles
En voici quelques exemples. Vous souffrez de maux de dos? Vous souhaitez passer une radiographie, un SCAN ou une résonnance magnétique pour mieux évaluer le problème? Il faut savoir qu’il existe des indications cliniques claires, mais qui ne sont souvent pas respectées. Ainsi, 30 % des examens d’imagerie pour les maux de dos sans complications sont pratiqués inutilement au Canada.
Autre exemple: vous avez souffert d’un traumatisme crânien mineur (un coup à la tête sans conséquence clinique) et que vous vous êtes présenté dans une urgence? Le médecin a peut-être réalisé un scan cérébral pour déceler des complications, essentiellement des saignements intracrâniens.
Or, dans le tiers des cas, pour des patients comme vous, un scan inutile a été réalisé, vous exposant à des radiations, sans parler des coûts. Cet examen est un bon exemple, parce qu’il est aisément disponible, 24 heures par jour, dans la vaste majorité des urgences, de sorte qu’il est toujours facile de l’obtenir, mais pas toujours approprié.
Ah, vous vous dites peut-être: oui, mais s’il y avait eu des complications, mieux vaut les déceler, non? En fait, il existe des critères cliniques simples permettant de déceler les patients qui vont bénéficier d’un scan, alors que pour les autres, ne répondant pas aux critères, ce même scan sera inutile, ne changera ni le plan de traitement ni l’évolution à long terme du patient. Autrement dit, le scan ne sert à rien.

Un autre exemple touche l’utilisation des benzodiazépines (comme l’Ativan ou le Serax) pour traiter l’insomnie chez les personnes âgées. On sait que ces médicaments sont non seulement peu efficaces, mais que leur usage est associé à des complications sérieuses, comme des risques de confusion et de chute.
L’ICIS a montré que, malgré les recommandations contre l’usage de ces médicaments, ils sont encore très largement utilisés par une personne âgée sur dix au Canada. Voilà une mauvaise utilisation d’un médicament dont l’usage devrait plutôt tendre à diminuer.
On a aussi évalué que 18 à 35 % des gens subissent des examens préopératoires pour des chirurgies à faible risque, pour lesquelles de telles évaluations sont inutiles et coûteuses. On peut aussi parler des mammographies pour les femmes de 40 à 49 ans, qui ne sont recommandées qu’en cas de risque spécifique, mais qui chez une femme sur 5 ont été réalisées au Canada sans indication, selon l’ICIS. Ou encore, 10 % des transfusions sont inutiles pour certaines chirurgies.
Améliorer la pertinence des soins
Ce sont là quelques exemples de soins inappropriés, dont il faudrait diminuer le nombre même s’il est toujours difficile de modifier les habitudes ou d’éviter d’offrir des soins peu appropriés lorsque les patients le souhaitent.
C’est en partageant l’information pertinente, comme le fait la campagne «Choisir avec soin», en formant mieux les soignants – surtout les médecins –, en informant mieux la population et en favorisant un dialogue ouvert avec les patients qu’on parviendra à diminuer ces pratiques, dont les avantages ne sont pas démontrés par la science. L’ICIS, dans son rapport, offre également des pistes de solutions simples pour y arriver.

Au fond, le concept de base, c’est celui de la pertinence des soins, un champ de connaissance que nous intégrons encore mal dans notre pratique. Il faut donc mieux réfléchir et évaluer les gestes que nous posons chaque jour, comme médecins et comme soignants.
Au fait, comment définir simplement la pertinence? Comme je l’ai mentionné au début de ce texte: c’est ce qui permet – vraiment – d’accroître la durée de la vie, ou bien d’améliorer la qualité de cette vie.
Parce que ce qui n’allonge pas la vie ou n’améliore pas la qualité de vie ne devrait pas être «choisi» pour vous – ni par vous. Et que «choisir avec soin», ça veut dire simplement choisir ce qui fonctionne et vous aidera. Et de laisser tomber le reste.
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Bonjour Dr Vadeboncœur,
Valérie Borde dans un article de L’Actualité a écrit sur le surdiagnostic en… 2014! Petit extrait:
«Le surdiagnostic a pris des proportions épidémiques, constatent les spécialistes. Il a englouti entre 158 et 226 milliards de dollars aux États-Unis en 2011, selon une étude publiée dans le Journal of the American Medical Association. « Au Québec, cela pourrait correspondre à cinq milliards de dollars dépensés chaque année pour des examens et traitements qui n’apportent rien », estime le Dr Laurent Marcoux, président de l’Association médicale du Québec (AMQ)»
Lien de l’article:
http://lactualite.com/sante-et-science/2014/09/12/halte-au-surdiagnostic-2/
J’ai beaucoup de respect pour la profession et pour ceux qui la pratiquent mais il faut reconnaitre que dans les sociétés modernes le principal (et hélas souvent le seul) facteur déterminant est la rentabilité de toute opération (pun intended). Un patient, avec ou sans la complicité d’un médecin, est d’abord et avant tout un consommateur de l’industrie de la médecine, notamment pour les profits faramineux de l’industrie pharmaceutique. En bout de ligne, le médecin se retrouve « représentant des ventes » de cette même industrie.
Bonjour Dr Vadeboncoeur, Vous évoquez le dialogue entre le médecin et son patient pour faire les meilleurs choix d’examens et de soins. J’en suis ravie. Le dialogue suppose que chacune des personnes impliquée respecte l’autre et considère ses opinions, n’est-ce pas? Est-ce possible entre un médecin et « son patient », a-t-il du respect pour lui, même s’il est patient? Et merci pour ce texte qui suscite une grande réflexion.
Quand j’étais plus jeune, j’ai 72 ans, après un échange sur la cause de ma visite, le médecin m’auscultait de la tête aux pieds. Maintenant cela ne se fait plus, je ne souvient plus de la dernière fois que cela s’est produit.
Pourquoi les médecins n’ausculte-t-il plus?
Pour voir plus de patient? Pour se protéger d’erreur? De rassurer le patient?
Chose certaine, c’est moins long de prescrire un éco, un scan, un IRM, des prises de sang, de référer à un spécialiste que d’ausculter?
Et même le spécialistes pratique rarement l’auscultation selon mon expérience.
Merci
Je suis radiologiste. On se fait souvent accuser de faire trop d’examens donc trop de sous mais quand nous tentons d’éduquer les médecins prescripteurs ou les patients sur les examens que nous jugeons inutiles, on reçoit parfois des insultes ou on se fait dire que le médecin veut l’examen qui doit donc être utile et requis…
À la demande d’un patient, certains médecins vont acquiescer et prescrire des radiologies qui ne sont pas nécessaires … juste pour le rassurer.
Dr Alain Vadeboncoeur,
Merci d’éclairer nos lanternes de patients à la rechercher d’un mieux être. Votre expérience des urgences et de médecin généraliste vous font toujours honneur.
Maurice 90 printemps heureux de vous lire et de pouvoir encore en apprendre.
L’article auquel fait référence M. Bellefleur faisait état de la conscientisation que l’AMQ a commencé à faire il y a cinq ans, en se prononçant sur les effets négatifs du surdiagnostic, de la surmédicalisation et du surtraitement. Le chiffre de 30 % relaté dans le rapport de l’ICIS rejoint l’estimation faite par l’AMQ en 2013 et qui se situait entre 18 % et 35 %.
Trois ans plus tard, après plusieurs actions de sensibilisation et de formation auprès des médecins, de même qu’avec son engagement à promouvoir le volet francophone du programme Choosing Wisely Canada, l’AMQ constate que le Québec a pris un retard considérable sur les autres provinces canadiennes dans les dernières années, entres autres en refusant de participer et de fournir ses données sur la question de la pertinence clinique.
L’absence de données probantes en provenance du Québec dans le rapport de l’ICIS démontre bien le fossé qu’il reste à franchir. De plus en plus de médecins québécois emboîtent le pas au programme. Mais force est de constater qu’au-delà de la population et du corps médical, il manque un acteur important dans la lutte au surdiagnostic : le gouvernement du Québec. Le gouvernement doit se saisir de l’enjeu et rendre publiques les données qu’il possède. C’est la seule façon de faire réellement bouger les choses.
Dre Yun Jen, présidente de l’AMQ
Pourquoi peu de médecin prescrivent des produits naturelle alors qu’il y a peu, voir pas du tout d’effet secondaire? Ail est un antibiotique naturel et anti-cancer … bien connu et utilisé depuis 5000 ans. Le gingembre et le curcuma ont aussi beaucoup de propriété reconnu.
Pour l’insomnie il y a Mélisse, Passiflore et Valériane, 100% naturelle et efficace et ce sont aussi des sédatifs naturel.
Pour augmenter la sérotonine dans le corps. … 5-HTP Griffonia, Rhodiola, Maca … oh aussi c’est vrai, manger des pommes de terre, banane et amande.
Ça me désole de voir autant de médecin prescrire des antidépresseurs, antipsychotique chimique alors qu’il y en existe dans le naturel. À voir leur nombre d’effet secondaire qu’il y a… Je comprend juste pas pourquoi ils en prescrivent encore.
Si les médecins ne croient pas aux produit naturel, car ils croient qu’il ne fonctionne pas. Est ce qu’ils sont aussi entrain de nous dire qu’ils ne croient pas aux vitamines, aux antioxydant et à une alimentation saine?
Mon expérience et celle de quelques personnes de mon entourage, me font croire que c’est très difficile de remettre en question la prescription du médecin. Malgré une discussion éclairée (j’ai une formation scientifique et je lis beaucoup), la plupart des médecins insistent sur l’urgence de prendre tel médicament et dénigrent les nouvelles découvertes ou les approches alternatives, même celles prouvées efficaces scientifiquement.