Est-ce vraiment le stress qui vous donne si mal au ventre ?

Les enfants qui doivent faire une présentation orale vous le diront : le stress donne mal au ventre. Mais une longue exposition au stress peut-elle causer des maladies comme le syndrome du côlon irritable ou un ulcère d’estomac ? Voici la réponse.

MikeSaran / Getty Images ; montage : L’actualité

Le stress peut donner mal au ventre, pas de doute là-dessus. Il peut déranger sérieusement la digestion, en ralentissant le passage des aliments dans l’estomac ou en accélérant le vidage de l’intestin, ce qui entraîne de désagréables douleurs abdominales.

De là à penser qu’un stress continu pourrait provoquer des troubles gastro-intestinaux connus et douloureux comme l’ulcère d’estomac ou la gastrite chronique, il n’y a qu’un pas, que l’imaginaire collectif franchit allègrement. Il s’agit pourtant d’un mythe, assure le gastroentérologue Nicolas Benoit : « Le stress à lui seul ne cause pas une maladie gastro-intestinale. Il peut par contre en exacerber les symptômes. » Le stress engendre notamment une hypersensibilité du système digestif et augmente la perception de la douleur. 

Quels problèmes gastro-intestinaux peuvent être dus au stress ?

Dans son bureau de l’hôpital Pierre-Boucher, le Dr Benoit voit beaucoup de patients convaincus que c’est le stress qui leur donne des douleurs abdominales. Leur médecin de famille leur a dit que le problème était « dans leur tête ». Les patients qui viennent consulter le Dr Benoit pour des troubles intestinaux souffrent en fait, dans près de 30 % des cas, du syndrome du côlon irritable (SCI) — aussi appelé syndrome de l’intestin irritable (SII). Les maux d’estomac, quant à eux, s’expliquent à 75 % par une dyspepsie fonctionnelle, l’équivalent du SCI en version gastrique. Ces deux troubles encore mal compris sont souvent mal diagnostiqués en première ligne. Le stress ne les cause pas, mais il semble les rendre plus douloureux.

Même scénario pour l’ulcère d’estomac. Peut-être avez-vous déjà eu un patron hyper-angoissé qui attribuait son ulcère à toutes ses contrariétés… Un classique, explique le Dr Benoit : « On connaît très bien les causes de l’ulcère gastro-duodénal : c’est soit la bactérie Helicobacter pylori, soit certains anti-inflammatoires. Il n’est pas engendré par le stress, mais le stress empire certainement la perception des symptômes. »

Quel est le lien entre le stress et les douleurs abdominales ?

Si le stress ne cause pas à lui seul des maladies, il n’est pas innocent pour autant. « Les maladies du système digestif, c’est multifactoriel, rappelle le Dr Benoit. On sait que le stress a une place, mais il y a encore plusieurs recherches en cours pour isoler son rôle. »

Bonne nouvelle : une équipe multidisciplinaire de l’Université de Pennsylvanie vient de terminer une de ces recherches, publiée dans la revue Cell, qui améliore grandement notre compréhension de ce phénomène. Les scientifiques ont induit chez des souris un stress psychologique, par exemple en restreignant leur liberté de mouvement. Cela leur a permis de découvrir comment le signal de stress reçu par le cerveau fait augmenter l’inflammation dans l’intestin. Le signal est relayé aux glandes surrénales, c’est-à-dire situées au-dessus des reins, qui produisent alors des glucocorticoïdes, des hormones stéroïdiennes. Celles-ci font réagir les neurones et les cellules gliales qui se trouvent dans la paroi du système gastro-intestinal, ce qui déclenche de l’inflammation (vous avez bien lu, il y a des neurones dans l’intestin ; ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle le deuxième cerveau).

« Le paradoxe, explique le microbiologiste Christoph Thaiss, un des responsables de l’étude, c’est que ces hormones stéroïdiennes qui réduisent habituellement l’inflammation vont entraîner une inflammation plus forte dans le cas d’une exposition au stress à long terme. »

De là, les chercheurs ont pu observer que lorsqu’on ajoute un second déclencheur, l’inflammation devient exponentielle et, par le fait même, évidemment douloureuse. Chez l’humain atteint, par exemple, du SCI ou de dyspepsie, ce déclencheur pourrait être de l’alcool ou un aliment irritant.

Leur recherche a reçu un accueil enthousiaste, notamment parce qu’elle démontre ce que les cliniciens constatent depuis longtemps : le stress est intrinsèquement lié aux douleurs de leurs patients. Ce n’est qu’un début, souhaite Christoph Thaiss : « Nous espérons que nos résultats permettront d’optimiser les traitements ou, encore mieux, qu’ils aideront à concevoir de nouvelles approches thérapeutiques. »

La prochaine fois que vous aurez l’estomac noué à cause du stress, vous pourrez donc visualiser ce qui vous arrive. 

Quels symptômes devraient nous inciter à consulter rapidement ?

Pour des douleurs importantes et récurrentes lors de la digestion, des diarrhées ou de la constipation pendant plus de deux semaines, sans amélioration, cela vaut la peine de consulter un omnipraticien, qui déterminera si un suivi en gastroentérologie est nécessaire. Bien que la plupart des troubles gastro-intestinaux fonctionnels soient désagréables, ils ne sont pas dangereux.

Certaines manifestations physiques peuvent toutefois être des signaux d’alarme de maladies potentiellement graves, insiste le Dr Benoit, par exemple des symptômes qui apparaissent soudainement après 50 ans. Du sang dans les selles, des épisodes de douleur ou de mauvaise digestion assez intenses pour nous réveiller la nuit, une diarrhée persistante, une perte de poids rapide sans raison évidente devraient tous être mentionnés sans tarder à un médecin.

Une progression des symptômes nécessite aussi qu’on y porte attention. Habituellement, les troubles gastro-intestinaux bénins vont et viennent au fil des mois, mais se présentent toujours de la même manière. Les signes de maladies plus graves, de cancers par exemple, commenceront discrètement, puis iront en s’aggravant au fil du temps, sans périodes de pause.

Dans quels types de situations relaxer aide-t-il à faire disparaître les douleurs ?

Apprendre à composer avec le stress peut apporter une amélioration radicale, souligne le Dr Benoit : « Qui ne vit pas de stress au quotidien ? Je dis à mes patients que c’est la manière dont ils le gèrent qui va compter pour leur système digestif. »

Pour y arriver, chacun doit trouver la voie qui lui convient le mieux. La psychothérapie, la méditation, la réduction des conditions stressantes sont souvent privilégiées et portent des fruits, note la Fondation canadienne de la santé digestive. L’hypnose, plus récemment étudiée, semble aussi bien fonctionner.

La reine pour atténuer la douleur, c’est cependant l’activité physique, insiste le Dr Benoit. Pour ceux qui partent de loin, même 20 minutes d’activité modérée, trois ou quatre fois par semaine, peuvent produire des résultats après quelques semaines, et une différence remarquable se fera sentir après trois mois. On verra une diminution de l’hypersensibilité et une amélioration générale du bien-être, en plus de bienfaits évidents pour la santé.

Apprendre à mieux composer avec le stress n’est que bénéfique pour ceux qui sont aux prises avec des troubles gastro-intestinaux, insiste le Dr Benoit : « J’ai des patients qui comprennent, après avoir souffert pendant 40 ans, que la gestion de leur stress est probablement mauvaise, qu’ils sont plus stressés qu’ils ne le pensaient. Ils apprennent à se connaître, à se gérer différemment. Ça les change complètement, et ils sont plus heureux ! »

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J’ai été opéré à 17 pour ulcère duodénaux. Je ne mange pas épicé, à 17 ans on s’entend qu’il n’y a pas d’alcool qui peut causer ça, je ne fume pas. Je n’ai pas la bactérie helicobacter pylori. Mais j’ai été hyper stresser. J’aurais aimer voir ce que le docteur benoit étudie mon cas.

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