Faire reculer — encore — les maladies cardiovasculaires

Les progrès de la médecine ont de beaucoup amélioré les chances de survie après un infarctus. De saines habitudes et une bonne santé cardiovasculaire demeurent toutefois les éléments les plus susceptibles de favoriser une longue vie de qualité.

ROMAOSLO/Getty Images

L’auteur est professeur titulaire à la Faculté de médecine de l’Université Laval, directeur scientifique de VITAM — Centre de recherche en santé durable et membre de l’American Heart Association (FAHA). Il s’est aussi vu attribuer le titre de chevalier de l’Ordre national du Québec (C.Q.).

Après la Seconde Guerre mondiale, la mortalité attribuable aux maladies cardiovasculaires était très élevée, une véritable hécatombe. On connaissait alors peu de choses sur les facteurs favorisant leur apparition. Afin de jeter un éclairage sur cette question, le gouvernement américain a créé en 1948 le National Heart Institute (maintenant le National Heart, Lung and Blood Institute) et financé la réalisation d’une étude pour évaluer de façon régulière et pendant de nombreuses années le profil de santé et les habitudes de vie de 5 209 résidants et résidantes de Framingham, une petite ville située en banlieue de Boston. 

Le Dr William Kannel, pionnier du domaine de la recherche en santé cardiovasculaire, a publié les résultats initiaux de la Framingham Heart Study dans les années 1960. Il établissait dans son rapport les premiers facteurs de risque modifiables pour l’apparition des maladies cardiovasculaires, soit le tabagisme de même qu’une tension artérielle et un taux de cholestérol sanguin élevés. Cette étude célèbre à l’échelle planétaire pour sa grande influence sur la pratique médicale est toujours en cours, et des mesures de plus en plus poussées s’y sont depuis ajoutées.

Partout sur la planète, de multiples études épidémiologiques de plus grande envergure ont depuis confirmé l’importance de ces trois facteurs de risque et ont permis d’en reconnaître d’autres, dont le diabète, l’obésité abdominale, l’inflammation chronique, la sédentarité et une alimentation de mauvaise qualité.

Peu de traitements offerts au départ

Il y a plus d’un demi-siècle, les trois principaux facteurs de risque des maladies cardiovasculaires avaient une prévalence élevée : on fumait beaucoup trop, et les médicaments efficaces pour abaisser le cholestérol sanguin et la tension artérielle étaient pratiquement inexistants. À l’époque, on recommandait le repos aux nombreuses personnes qui se retrouvaient à l’hôpital après une douleur intense à la poitrine et qui avaient la chance de survivre au diagnostic d’infarctus. On espérait alors que le niveau de nécrose (mort de cellules cardiaques ayant manqué d’oxygène) n’allait pas être trop important. 

Si, par malheur, le myocarde était fortement endommagé par l’infarctus, sa capacité à pomper le sang vers les organes allait être sérieusement compromise. Le cœur, parfois rendu difforme, ne pouvant plus effectuer son travail vital de pompe, une insuffisance cardiaque qu’on ne pouvait pas traiter efficacement se développait. Cela diminuait donc souvent l’espérance et la qualité de vie de manière considérable. Ainsi, non seulement pouvait-on mourir lors d’un infarctus, mais, à cette époque, les probabilités d’y survivre à long terme étaient incertaines.

Des progrès spectaculaires

La recherche dans le domaine de la cardiologie a permis des percées remarquables en 60 ans, et il est maintenant bien établi qu’il faudra agir rapidement tant pour le diagnostic que pour la prise en charge si on veut sauver le muscle cardiaque. Lorsqu’une intervention rapide est nécessaire et que l’hôpital qui vous prend en charge possède des services de cardiologie interventionnelle et de chirurgie cardiaque, vous serez transféré au service d’hémodynamie, parfois même à l’intérieur de quelques minutes. Un agent de contraste sera injecté dans vos artères coronaires au moyen d’un cathéter — souvent inséré dans une artère de l’avant-bras (artère radiale) — et d’un guide, ce qui permettra, par imagerie, de trouver la ou les artères occluses responsables de vos symptômes. Le ou les sites d’occlusion pourront alors être dilatés grâce à l’expansion d’un petit ballon, et un (ou plusieurs) petit tuteur cylindrique permettant de maintenir l’artère malade ouverte sera mis en place pour rétablir rapidement la circulation cardiaque et éviter la mort cellulaire. Divers médicaments prescrits par la suite préviendront la formation de caillots et permettront de cibler les facteurs de risque comme le cholestérol sanguin et la tension artérielle.

Ainsi, depuis les années 1950, la réduction des principaux facteurs de risque a contribué à diminuer de moitié la mortalité cardiovasculaire : moins de fumeurs (un très puissant facteur de risque pour l’athérosclérose), et des taux de cholestérol plus bas et moins d’hypertension grâce aux traitements efficaces. De plus, de nombreuses procédures et traitements en cardiologie ont amélioré l’espérance de vie des personnes atteintes de divers problèmes cardiaques.

Une bonne condition cardiorespiratoire réduit les risques

Étant donné ce progrès important de la médecine qui garde les personnes cardiaques vivantes, est-il encore utile de cibler le mode de vie pour prévenir les maladies cardiovasculaires ? Une intéressante étude publiée par les chercheurs de la clinique privée du Dr Kenneth Cooper à Dallas, le Cooper Institute, a analysé dans quelle mesure une bonne condition cardiorespiratoire (la capacité de faire un effort physique mesurée sur tapis roulant) était associée à la mortalité en comparant deux cohortes de personnes suivies à cette clinique à deux « époques » distinctes : de 1971 à 1992 pour la première cohorte, et de 1992 à 2014 pour la seconde. 

Comme la clinique existe depuis le début des années 1970, les chercheurs ont pu étudier l’influence de la condition cardiorespiratoire, mesurée chez deux générations de patients ayant reçu des traitements médicaux bien différents. En effet, les hommes suivis dans la première cohorte ne bénéficiaient pas des traitements modernes qu’ont pu recevoir ceux du second groupe, plus récent. Cependant, tous les participants ont pu réaliser le même test d’effort progressif sur tapis roulant, ce qui a permis de mesurer leur condition cardiorespiratoire.

Ainsi, les chercheurs ont observé sans surprise que chez les personnes suivies de 1971 à 1992, le taux de mortalité était beaucoup plus élevé que chez celles de la vague plus récente, qui avaient accès à des traitements médicaux modernes efficaces. Toutefois, indépendamment des différences entre les deux groupes dans les taux de mortalité cardiovasculaire, les résultats indiquaient de façon claire qu’une bonne condition cardiorespiratoire diminuait de moitié la mortalité cardiovasculaire, et ce, dans les deux cohortes.

Voilà donc un résultat qui devrait nous motiver plus que jamais à bouger et à rester en forme. Si la pratique médicale a réduit de moitié la mortalité cardiovasculaire, une bonne condition cardiorespiratoire peut diminuer celle-ci d’autant. Qui plus est, on observe la réduction la plus spectaculaire du risque de mortalité associée à la condition cardiorespiratoire lorsqu’on compare les gens moyennement en forme à ceux qui ne sont pas en forme du tout. Donc, pas besoin de devenir un athlète pour réduire de façon marquée son risque cardiovasculaire ! Une marche quotidienne de 30 à 40 minutes effectuée d’un bon pas fera l’affaire. La médecine a donné des années à nos vies, l’activité physique va donner de la vie à nos années !

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