
Les séismes comme celui qui vient de frapper le centre de l’Italie font partie des catastrophes naturelles les plus meurtrières qui existent. De 2000 à 2015, ils ont tué environ 800 000 personnes dans le monde, selon les statistiques compilées par le US Geological Survey.
Même si on ne peut toujours pas prédire les tremblements de terre, tous ces morts ne sont pas pour autant une fatalité. Lors d’un séisme, en effet, la quasi-totalité des victimes succombent ou sont blessées par la chute d’objets et l’effondrement des bâtiments. Le génie de la construction parasismique réduit donc considérablement le nombre de victimes, en permettant aux immeubles et maisons de se déformer sans s’effondrer. L’humain est loin d’être démuni devant ce phénomène naturel!
La technique n’est pas nouvelle. Des constructions aussi anciennes que le Machu Picchu, au Pérou, ou le Palais impérial, à Tokyo, situées dans des zones à risque élevé, sont connues pour avoir été conçues afin de résister aux mouvements du sol.
Le génie parasismique moderne est né au début du XXe siècle, alors que plusieurs séismes majeurs firent des milliers de victimes au Japon (8 000 morts à Mino-Owari en 1898), à San Francisco (3 000 morts et 300 000 sans-abris à la suite de l’incendie qui détruisit la ville après le séisme en 1906) et surtout à Messine, en Sicile, en 1908, où le séisme et le tsunami qui suivit firent de 75 000 à 200 000 morts, selon les estimations. Les ingénieurs des pays touchés mirent au point les premiers codes du bâtiment incluant des règles de construction parasismique.
Au Japon, où plusieurs milliers de séismes surviennent chaque année, on construisit pendant longtemps des maisons plutôt légères qui risquaient moins de tuer leurs occupants lorsqu’elles s’effondraient. Mais en 1923, toutes ces petites résidences alimentèrent un gigantesque incendie qui rasa quasiment la région de Tokyo après le grand séisme du Kantô, qui atteignit 7,9 sur l’échelle de Richter. La catastrophe fit au moins 150 000 morts et près de 2 millions de sans-abris.
Dès lors, le Japon fit figure de pionnier dans les techniques de construction parasismique adaptées aux bâtiments modernes, ce qui a permis de protéger des immeubles en acier et en béton de plus en plus hauts.
Lors du séisme record de 9 sur l’échelle de Richter qui provoqua l’accident nucléaire de Fukushima, en 2011, la quasi-totalité des victimes furent emportées par le tsunami. Mais très peu de bâtiments s’effondrèrent et les trains à grande vitesse Shinkansen qui circulaient à proximité n’ont pas déraillé.
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En comparaison, le récent séisme en Italie a atteint une magnitude de 6,2 — ce qui signifie, en gros, que les secousses ont été près de 1 000 fois moins fortes que lors de la catastrophe japonaise. Le lourd bilan des victimes s’explique en partie par le fait que le séisme est survenu de nuit. La plupart d’entre elles dormaient et n’ont donc pas pu se jeter sous un meuble solide ou un cadre de porte, ou même se couvrir la tête avec les bras pour diminuer le risque de blessures graves.
La majeure partie des maisons qui se sont effondrées en Italie étaient anciennes, construites en pierres tenues par un mélange d’argile ou de terre, et n’étaient pas conçues pour résister aux séismes. Selon Patrick Coulombel, président de l’ONG Architectes de l’urgence, interviewé par le quotidien Le Monde, elles n’offraient techniquement guère plus de protection que celles détruites par le tremblement de terre qui fit plus de 8 000 morts au Népal en 2015.
Pourtant, explique-t-il, le risque d’effondrement peut être diminué pour ce genre de vieilles maisons, par exemple en renforçant les angles des structures avec des poteaux métalliques, qu’on peut ensuite facilement camoufler. Il suffit de s’en donner la peine.
Les solutions ne sont pas forcément coûteuses. Même des maisons en adobe, comme il en existe des millions dans les pays pauvres, peuvent être renforcées avec des matériaux abordables, tels du bambou, des vieux pneus, voire de simples cordes. Le Pérou, dont les chercheurs ont beaucoup contribué à mettre au point des techniques parasismiques économiques, a ainsi fait chuter radicalement le nombre d’effondrements de bâtiments ainsi que le nombre de victimes à la suite des séismes fréquents dans ce pays.
Dans certains cas, des travaux plus coûteux sont nécessaires, par exemple quand le risque est accru en raison d’un sol instable. Voilà pourquoi, par exemple, on a décidé en 2010 au Québec de reconstruire l’hôpital de Baie-Saint-Paul, élevé sur du sable pouvant se liquéfier lors d’un séisme, plutôt que de simplement le consolider, comme celui de La Malbaie, bâti sur du roc.
Quand cette décision a été prise, certaines personnes y ont vu un gaspillage d’argent public. Le gouvernement du Québec n’a pas cédé, avec raison: disposer d’hôpitaux pouvant rester fonctionnels lors d’un séisme est l’un des plus importants investissements à faire pour minimiser le nombre de victimes potentielles.
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Au Québec, seule la région de Charlevoix est à risque de séismes de magnitude supérieure à 6, susceptibles de provoquer des effondrements de bâtiments. Les Québécois ont la chance de vivre dans une zone sismique plutôt tranquille.
Mais les voyageurs risquent tôt ou tard de sentir la terre trembler dans bien des coins du monde qu’ils affectionnent, notamment sur tout le pourtour du Pacifique, du Pérou à la Nouvelle-Zélande en passant par l’Amérique centrale et le Mexique, la Californie, le Japon et l’Indonésie, ainsi que dans une vaste zone allant de l’Himalaya à l’Italie en passant par l’Iran et la Turquie.
Contrairement à une idée reçue, il n’y a pas plus de séismes qu’avant, et dans plusieurs de ces régions du monde, la construction parasismique a nettement réduit le risque qu’il y ait des victimes. La sensibilisation de la population aux gestes à faire pour se protéger des séismes peut aussi changer la donne. Au Japon, même un jeune enfant sait quoi faire quand la terre tremble!
Les séismes ont beau être des phénomènes naturels, au final, le nombre de victimes qui en découlent dépend en bonne partie de comportements humains, par exemple de la volonté politique de mettre à jour un code du bâtiment qui tient compte du risque sismique et de le faire appliquer, et de sensibiliser la population à la hauteur du risque.
En ce sens, les pays les plus à risque pour les voyageurs ne sont pas forcément ceux où la terre tremble le plus, mais ceux où les autorités ont du mal à se faire respecter et à passer à l’action.
En Italie, un séisme a fait plus de 300 morts à L’Aquila en 2009, non loin de là où la terre vient encore de trembler. Les autorités italiennes en avaient-elles tiré toutes les leçons et étaient-elles parvenues à les faire appliquer? Bien des observateurs en doutent fortement. L’école Romolo Capranica, à Amatrice, avait fait l’objet de travaux parasismiques en 2012. Est-ce normal qu’elle se soit effondrée? La cause en est-elle vraiment le séisme, ou bien la corruption ou l’incompétence?
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Excellent article,les points amenés par Patrick Coulombel,c’est super, je pense que ça pourrait faire partie de l’aide à des pays pauvres il l’a l’affaire. Montréal est une zone à risque de 6 à 7mais la fréquence d’un tremblement est imprévisible je crois que la ville de Montréal demande aux concepteurs d’appliquer ces normes. J’ai moi comme ingénieur calculé une structure à Montréal de 25 étages en 1963, les normes n’existaientt pas mais j’ai convaincu le client de payer pour l’extra que ça comprenait pour la réalisation.