Faut-il avoir peur… du stress post-traumatique ?

Le fait d’avoir été témoin d’une catastrophe telle que la pandémie actuelle peut entraîner un état de stress post-traumatique. Mais les symptômes sont considérés comme problématiques quand ils persistent au-delà de quelques semaines après l’événement.

Photo : Pablo Benitez Lope / Eyem / Getty Images

La pandémie pourrait avoir engendré un trouble de stress post-traumatique chez un Canadien sur quatre, selon un sondage conduit auprès de 600 adultes en avril dernier par une équipe de chercheurs dirigée par Mélissa Généreux, médecin et professeure de santé publique à l’Université de Sherbrooke. On ne sait pas à quel point ce trouble persiste encore aujourd’hui dans la population, mais un second sondage mené par les mêmes chercheurs début juin a montré que la prévalence de l’anxiété et de la dépression majeure était de trois à quatre fois plus élevée qu’avant la pandémie, signe que cette crise affecte lourdement la santé mentale.

Habituellement, de 5 % à 10 % de la population souffre de stress post-traumatique — trouble qui survient après un événement ayant provoqué une peur intense ou un sentiment d’impuissance ou d’horreur, comme un accident, une catastrophe naturelle ou la perte brutale d’un être cher. Le simple fait d’avoir été témoin d’une catastrophe — comme nous l’avons été en suivant l’inexorable progression du coronavirus — peut être suffisant pour entraîner un état de stress post-traumatique.

Les symptômes sont considérés comme problématiques quand ils persistent au-delà de quelques semaines après l’événement traumatisant. Les personnes touchées revivent celui-ci sous forme de cauchemars, de retours en arrière ou de pensées envahissantes. Elles peuvent adopter des stratégies d’évitement, par exemple en fuyant tout lieu qui dans leur esprit est rattaché au drame, être hyper-vigilantes au-delà de la saine prudence, ou être incapables d’arrêter de se sentir coupables ou de blâmer les autres pour cette catastrophe.

Personne n’est à l’abri du trouble de stress post-traumatique, mais dans l’enquête menée par les chercheurs, les femmes et les jeunes adultes étaient plus à risque de souffrir de ce syndrome à cause de la pandémie, tout comme les personnes ayant peu confiance dans les autorités.

Pour soigner le stress post-traumatique, la psychothérapie et certains médicaments peuvent aider, mais Mélissa Généreux croit que cela ne sera pas suffisant. Le système de santé n’a pas la capacité de traiter tout le monde sur une base individuelle, et bien des gens ne sont pas enclins à aller chercher de l’aide. La spécialiste, qui était directrice de la santé publique de l’Estrie lorsque la tragédie de Lac-Mégantic s’est produite, en 2013, estime qu’il faudra mettre en place de multiples mesures communautaires pour soulager ces souffrances autrement. Déjà, des initiatives ont vu le jour pour s’attaquer au stress post-traumatique causé par la pandémie. En Estrie, par exemple, le Mouvement Santé mentale Québec collabore avec le slameur David Goudreault pour inciter les jeunes à raconter leur vécu, et les aider ainsi à évacuer leur stress.

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Je partage le point de vue de madame Généreux qui estime qu’il faudrait mettre en place des mesures communautaires qui permettent de soulager les personnes autrement.

Comme l’a assez bien montré le neuropsychiatre Boris Cyrulnik lors d’entrevues pendant la pandémie : le cadre émotionnel, social, environnemental sont autant des facteurs qui contribuent a trouver ou retrouver ou ne pas perdre une bonne motivation et une qualité de vie assez rapidement.

Ainsi, le syndrome post-traumatique se construit-il ou se déconstruit-il à partir des matériaux physiques ou psychologiques qui se trouvent liés à notre environnement immédiat. Bien sûr cela s’inscrit aussi dans le cadre relationnel que nous entretenons avec les autres.

La persistance de symptômes est directement liée au milieu, une amélioration de notre qualité de vie aura pour effet de diminuer le stress ; un retour dans un environnement plus précaire verra probablement émerger des facteurs de stress à nouveau.

Boris Cyrulnik démontre également que de bonnes routines contribuent à diminuer ces facteurs. Il devient en ce sens important de différentier ce sur quoi nous avons du contrôle et tout ce que nous ne contrôlons pas dans la vie. De la même façons, nous devrions éviter d’exercer quelque forme d’autorité ou de domination sur autrui, car priver les autres de leur autonomie, nous renseigne sur nôtre médiocre capacité de nous contrôler.

Le principal danger du stress post-traumatique est qu’une personne atteinte ne s’installe dans ce stress, cela devient une seconde nature, une source importante aussi de désagrément pour l’entourage, ce qui produit une réaction en chaîne de personnes traumatisées.

En final, c’est essentiellement la confiance qu’il faut restaurer. C’est un travail de très longue haleine. Mais je crois qu’il n’existe guère de meilleure voie.