Faut-il fermer les écoles à cause des variants ?

Bien des parents craignent que la prolifération des nouvelles formes de coronavirus n’impose l’école à la maison pour tous, de la maternelle à l’université. Cela ne serait pas justifié pour l’instant, explique la chef du bureau scientifique de L’actualité.

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Les trois nouveaux variants du coronavirus gagnent rapidement du terrain depuis la fin de 2020, car ils sont plus contagieux que la première version observée. Apparu en Angleterre en septembre, le variant B.1.1.7 s’est vite imposé dans ce pays puis dans une bonne partie de l’Europe, et il domine aussi largement désormais dans différentes régions du Québec. Plusieurs études ont établi qu’il est entre 1,3 et 1,9 fois plus contagieux que la souche de SRAS-CoV-2 qui prévalait auparavant, pour toutes les tranches d’âge. 

Le variant sud-africain, lui, serait environ 1,5 fois plus contagieux, et le variant brésilien, jusqu’à 2,5 fois plus, mais les études sur ces deux versions du virus sont encore très parcellaires. L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) en a publié un portrait détaillé selon les informations connues jusqu’au 10 mars, mais les connaissances sont susceptibles d’évoluer.

Dans certaines régions, la hausse exponentielle du nombre d’infections par le SRAS-CoV-2 a fait fermer les écoles pour 10 jours. Et dans certains établissements, la détection d’un seul cas de nouveau variant — fût-il anglais, brésilien ou sud-africain — a forcé l’arrêt de toutes les classes. Mais ces nouveaux variants plus contagieux augmentent-ils les risques pour les enfants et les adolescents, et modifient-ils le rôle qu’ils jouent dans la pandémie ? Devra-t-on fermer les écoles plus longtemps, et dans tout le Québec ? 

Pour répondre à ces questions, il faut vérifier si, en raison des nouveaux variants, les jeunes sont plus susceptibles d’être infectés, de tomber gravement malades et de transmettre le virus plus facilement à d’autres jeunes ou à des adultes.

Les petits résistent bien

Les études menées depuis le début de la pandémie ont établi que les enfants de moins de 10 ans sont de 30 % à 50 % moins susceptibles d’être infectés par le coronavirus que les adultes (les ados, eux, présentent un risque semblable à celui des adultes). On ne comprend pas encore bien pourquoi, mais cela pourrait tenir au fait qu’ils ont moins de récepteurs ACE2 à la surface de leurs cellules — la porte d’entrée du virus. Ou alors, c’est peut-être qu’ils sont plus nombreux à avoir des anticorps contre les coronavirus qui donnent les rhumes ordinaires, ce qui leur conférerait potentiellement une certaine immunité croisée. Autre théorie : leur système immunitaire éliminerait plus efficacement le virus dès qu’il tente de se répliquer. Et c’est peut-être la combinaison de tout cela qui explique leur relativement bonne résistance à cet envahisseur. 

En Angleterre, une première analyse épidémiologique des cas survenus entre octobre et décembre a conclu que les moins de 20 ans avaient été, en proportion, légèrement plus souvent infectés par le variant B.1.1.7 que par la souche précédente. Il est possible qu’avec ce variant, qui « s’accroche » plus solidement aux récepteurs ACE2 que la souche précédente, les enfants soient plus vulnérables à l’infection même s’ils ont moins de récepteurs ACE2 que les adultes, mais cela reste une hypothèse. Notons par ailleurs que ce résultat préliminaire pourrait avoir été faussé par le fait que, durant la période que couvrent les données, les écoles sont demeurées ouvertes en Angleterre alors qu’un confinement partiel limitait les occasions de transmission dans les autres secteurs d’activité. 

Une telle enquête n’a pas encore été réalisée pour le Québec. Cependant, en regardant les données par âge parmi les cas confirmés, on constate qu’au cours de la deuxième quinzaine de mars 2021, au moment où le variant anglais gagnait rapidement du terrain, la proportion de cas confirmés chez les 0-9 ans et chez les 10-19 ans par rapport au nombre total de cas confirmés n’a pas vraiment changé, alors que le nombre total de cas a doublé. 

Les enfants ne sont pas plus malades qu’avant

Avec la souche qui dominait jusqu’à la fin de 2020, les enfants et les adolescents étaient moins souvent et moins gravement malades que les adultes. Or, le variant anglais multiplierait par un facteur de 1,1 à 1,7 le risque d’hospitalisation et de décès, selon une compilation d’études, pour la plupart encore non publiées, réalisée par les autorités britanniques. On ne sait pas si les jeunes ont été pris en compte dans toutes ces études, mais dans la mesure où les enfants et les adolescents ne sont que très rarement hospitalisés à cause de la COVID-19 et qu’ils sont encore beaucoup moins nombreux à en mourir, il est probable que dans leur cas, cette augmentation relative de la dangerosité du virus n’ait à peu près pas d’effet, car le risque absolu est très faible. Par exemple, au Québec, depuis le début de la pandémie, aucun jeune de moins de 16 ans et trois jeunes de 16 à 18 ans ont succombé au virus, sur une population totale de 1,78 million de moins de 19 ans, ce qui donne un taux de mortalité global de 0,00017 %. Donc, si le nombre de décès devait être multiplié par 1,7 avec le variant anglais, il passerait à cinq, soit un taux de mortalité de 0,00028 %. Personne ne souhaite une telle hausse, bien sûr, mais elle serait tout de même minime.

D’ailleurs, alors que des médias britanniques rapportaient début janvier une augmentation rapide du nombre d’enfants hospitalisés à cause de ce nouveau variant, l’association des pédiatres a cru bon d’intervenir pour signaler que ses membres n’avaient pas observé ce phénomène. Les statistiques sur les hospitalisations recueillies dans toute l’Angleterre confirment que la proportion de mineurs parmi les personnes hospitalisées à cause de la COVID n’a pas changé depuis que le variant est apparu. Les pédiatres ont aussi signalé qu’il n’y avait pas plus de cas du syndrome inflammatoire multisystémique, ce mal qui ressemble à la maladie de Kawasaki et qui touche environ 1 enfant sur 5 000 qui ont contracté le virus. 

« Il semble clair que le variant anglais n’est pas intrinsèquement plus dangereux pour les enfants .»

Nathalie Grandvaux, directrice du Laboratoire de recherche sur la réponse de l’hôte aux infections virales au Centre de recherche du CHUM

Des chercheurs du King’s College Hospital, à Londres, ont d’ailleurs comparé 20 mineurs admis dans leur établissement durant la première vague, entre le 1er mars et le 31 mai 2020, aux 60 mineurs qui y ont été traités entre le 1er novembre 2020 et le 31 janvier 2021. Ils ont constaté que les ratios de jeunes et d’adultes hospitalisés étaient restés stables pendant ces deux périodes. Mais surtout, ils n’ont pas observé que les jeunes malades à cause du variant B.1.1.7 avaient été plus gravement touchés que ceux hospitalisés au cours de la première vague. Au contraire, ils ont même trouvé moins de cas critiques (4 sur 20 lors de la première vague, 2 sur 60 avec le nouveau variant) et, comme le virus a été plus activement recherché chez les enfants hospitalisés pour toutes sortes de raisons, ils ont aussi relevé plus de cas asymptomatiques (2 sur 20 lors de la première vague contre 20 sur 60 avec le nouveau variant). Ils n’ont pas non plus constaté de différences dans les facteurs de risque comme des comorbidités qui pourraient avoir affecté ces enfants ni d’autres différences significatives entre les deux groupes.

« Les données anglaises sont très rassurantes pour ce qui est de la gravité de la maladie : il semble clair que le variant anglais n’est pas intrinsèquement plus dangereux pour les enfants », résume Nathalie Grandvaux, directrice du Laboratoire de recherche sur la réponse de l’hôte aux infections virales au Centre de recherche du CHUM. 

L’effet des autres variants sur les enfants est très peu connu, mais aucun des pays où ils dominent n’a signalé un nombre particulièrement accru de cas chez les plus jeunes par rapport à ce qui a été observé chez les adultes. 

Les enfants plus contagieux ? 

Les enfants contaminent rarement les adultes jusqu’ici, mais on ignore pourquoi. Si les variants plus contagieux font qu’un plus grand nombre d’enfants deviennent capables d’infecter des adultes, les écoles joueront potentiellement un plus grand rôle dans la propagation du virus.

En France, l’étude ComCor, qui suit les contextes de contamination depuis le début de la pandémie, a observé une différence depuis que le variant anglais circule. Jusqu’en décembre, cette étude avait permis de constater que les parents d’enfants fréquentant les écoles primaires ne risquaient pas plus d’être infectés que les autres adultes de la même tranche d’âge, ce qui, comme plusieurs autres études l’ont observé, confirme le fait que les enfants de cet âge contaminent rarement leurs proches. 

Parce que la fermeture des écoles a des répercussions potentiellement dramatiques sur les enfants, cette mesure devrait durer le moins longtemps possible.

Les adultes ayant un jeune au secondaire (collège et lycée en France) étaient en revanche environ 30 % plus susceptibles d’être infectés. Cependant, depuis que le variant britannique gagne du terrain en France, les chercheurs observent un nombre croissant de cas où des enfants de moins de 11 ans ont contaminé leurs parents, sans que l’on sache pour l’instant si ces contaminations plus nombreuses sont réellement dues au nouveau variant. D’autres pays européens ont constaté un nombre plus élevé d’éclosions dans des écoles primaires et des services de garde, mais les chercheurs français notent qu’on ne sait pas si ce phénomène est attribuable à une meilleure surveillance — à plusieurs endroits, les enfants sont testés beaucoup plus souvent qu’avant — ou à une contagiosité accrue des nouveaux variants. 

« Plusieurs médecins ont fait état de la même chose au Québec récemment », souligne Nathalie Grandvaux, qui souhaiterait que l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) se penche sur la question pour vérifier si les enfants sont plus souvent à l’origine d’infections depuis que le variant anglais gagne du terrain. Si des enfants infectés deviennent plus contagieux pour des adultes, cela pourrait se traduire par un rôle plus important des écoles dans la circulation du virus.

Là où le nombre de cas a explosé à cause des nouveaux variants, comme à Québec, Lévis et Gatineau, mais aussi en Ontario et en France, les autorités ont toutes décidé de suspendre les cours en classe pour tous les enfants et adolescents, en plus d’imposer d’autres mesures de confinement plus sévères au reste de la société. L’Angleterre en avait fait autant en janvier et février. Parce que la fermeture des écoles a des répercussions potentiellement dramatiques sur les enfants, autant pour leurs apprentissages que pour leur santé mentale et leur développement, et parce qu’elle désorganise aussi beaucoup la vie des parents, cette mesure devrait durer le moins longtemps possible.

Au Québec, le gouvernement a prolongé d’une semaine la fermeture des écoles dans les zones « rouge foncé ». Il a aussi annoncé que tous les élèves de 3e, 4e et 5e secondaire vivant en zone rouge devraient repasser à l’école à distance un jour sur deux, et il a annulé toutes les activités parascolaires. Le masque médical est obligatoire pour les enfants du primaire et du secondaire, en zone rouge tout comme en zone orange.

Ces mesures contribuent à diminuer nettement le risque de transmission du virus à l’intérieur des écoles. Avec le retour des beaux jours, on peut aussi espérer que l’ouverture des fenêtres, quand il y en a, permettra d’améliorer l’aération dans les classes, et que les enseignants pourront également, dans la mesure du possible, tenir quelques cours à l’extérieur.

On n’est toutefois pas à l’abri d’une augmentation vertigineuse du nombre de cas dans les prochaines semaines, surtout si le variant brésilien gagne du terrain, car il est beaucoup plus contagieux. Pour l’instant, seuls deux cas ont été décelés au Québec, mais l’Ontario en compte déjà 106 et la Colombie-Britannique, 877. On ne peut donc pas exclure que les écoles doivent être refermées plus longtemps ou sur une plus grande partie du territoire pour continuer à contenir l’épidémie, le temps que la majeure partie des adultes soient vaccinés. On devra sans doute aussi passer très rapidement à la vaccination des adolescents. Pfizer a récemment annoncé que son vaccin était à 100 % efficace chez les 12-15 ans, et il est déjà autorisé pour les 16 ans et plus.

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On sait depuis la grippe Espagnole que le secret du succès est de cadenasser le virus, l’empêcher coute que coute à entrer, dans notre pays, dans nos villes, dans nos lieux de travail, dans nos maisons et ce, le plus tôt possible ! Il faut comparer le virus à un feu dormant, ne pas éteindre complètement, et c’est reparti de plus bel! Là on laisse des tisons : écoles, lieux de travail, regroupement social… On confine et déconfine dans un mouvement de yoyo sans fin. Cela est tellement simple comme logique, mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué !?

Merci mais on connaissaît déjà l’idéologie des pédiatres depuis un an… et c’est une source d’embarras. Bref, parce que certains enfants ne sont pas très chanceux, on va jouer à la loterie avec les autres, quitte à faire 2-3 orphelins ici et là. Cherry picking habituel à la québécoise… et c’est en lien avec notre bilan de relâcheurs-mitigateurs braillards invoquant la « santé mentale »: Parce qu’on veut pas faire l’effort nécessaire, on y va de demi-mesures absurdes et on impose le risque à tout le reste de la société. Le Québec est définitivement pas l’endroit idéal pour affronter une pandémie comme la covid-19, et les autres qui viendront après.

D’accord et les Européens, apres 2 guerres mondiales, s’en sortent aussi bien que n’importe qui.

Cet article s’intéresse à la contamination possible des enfants mais ne semble pas considérer que les personnes qui gravitent autour d’eux sont des adultes. Il a été à quelques reprises nécessaire de fermer une école entière au sein de la commission scolaire où je travaille par manque de personnel pour remplacer les enseignants contaminés par le virus.