Fin du dépistage pour le cancer de la prostate ?

Il aura fallu quelques décennies pour réaliser qu’une fois répandu et utilisé à grande échelle, le test sanguin de l’APS (pour antigène prostatique spécifique) semble faire plus de mal que de bien. Aurait-on pu s’en apercevoir plus tôt ? Sans doute, si l’on avait pris soin dès le départ de documenter soigneusement tous les effets — positifs et négatifs — du dépistage, dit Valérie Borde.

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Photo : Getty Images

Le test sanguin de l’APS (pour antigène prostatique spécifique) fait l’objet d’une nouvelle recommandation de la part du Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs (GECSSP) mis sur pied par l’Agence de santé publique du Canada, qui enfonce encore un peu plus le clou dans le cercueil de cet outil de dépistage déjà hautement controversé.

Comme le Collège des médecins du Québec, qui a mis à jour sa recommandation (pdf) en 2013, le GECSSP indique, dans le Journal de l’Association médicale canadienne, que pour les hommes de moins de 55 ans et de plus de 70 ans, il n’existe aucune preuve que le dépistage par test APS réduit la mortalité, tandis que plusieurs études confirment des inconvénients du test. Il recommande donc fortement de ne pas l’utiliser.

Mais contrairement au Collège des médecins, le GECSSP recommande également de ne pas utiliser ce test chez les hommes de 55 à 69 ans, et ce, même s’il diminue faiblement le risque de mortalité.

Dans cette tranche d’âge, explique-t-il en se basant sur la littérature scientifique, le risque de mourir d’un cancer de la prostate après 13 ans est de 6 par 1 000 chez les hommes qui n’ont pas été dépistés. Avec un dépistage régulier par APS, le risque de mourir d’un cancer de la prostate peut être réduit à 5 par 1 000.

Mais ce petit gain n’est pas assez important, aux yeux des experts, pour contrebalancer les multiples effets secondaires du test :

– 17,8 % des hommes de 55 ans à 69 ans qui ont été dépistés au moins une fois ont reçu un ou plusieurs résultats faux positifs lors de trois cycles de dépistage.

– 17,8 % des hommes dépistés à l’aide du test APS (3 ng/ml) auront une biopsie inutile en raison de résultats faux positifs, qui peut être accompagnée de : présence de sang dans l’urine ou dans le sperme, saignements rectaux, infection, hospitalisation ou même mort du patient.

– De 40 à 56 % de tous les hommes diagnostiqués avec un cancer représentent des cas de surdiagnostic : un cancer qui n’aurait jamais causé de symptômes ou de décès est ciblé par des traitements inutiles, puisqu’il a été identifié.

Les preuves d’inconvénients associés aux traitements subséquents des cancers de la prostate identifiés par les études incluent les statistiques suivantes :

– De 11,4 % à 21,4 % des hommes traités auront des complications à court terme, comme des infections, des chirurgies supplémentaires et des transfusions sanguines.

– De 12,7 % à 44,2 % des hommes souffriront de dysfonction érectile à long terme.

– Jusqu’à 17,8 % des hommes souffriront d’incontinence urinaire.

– De 0,4 % à 0,5 % des hommes traités mourront des complications liées aux traitements du cancer de la prostate.

De l’espoir à la désillusion

Depuis sa découverte, dans les années 1970, le test de l’APS avait suscité beaucoup d’espoir.

Plusieurs chercheurs réputés, comme le docteur Fernand Labrie, à Québec, y voyaient un moyen extraordinaire de réduire quasiment à néant la mortalité par cancer de la prostate, et les autorités de santé n’ont pas tardé à le recommander.

Il aura fallu quelques décennies pour réaliser qu’une fois répandu et utilisé à grande échelle, ce test semble faire plus de mal que de bien.

Aurait-on pu s’en apercevoir plus tôt ? Sans doute, si l’on avait pris soin dès le départ de documenter soigneusement tous les effets, positifs et négatifs, du dépistage.

Au fur et à mesure que le nombre d’hommes qui passent le test APS s’est accru, on a vu augmenter rapidement le nombre de cas de cancers.

Faute de données sur les faux positifs et le surdiagnostic, bien des gens se sont alors dit qu’on devait généraliser le test face à cette menace croissante, en mettant sur pied un programme de dépistage universel — comme on le fait chez les femmes avec le cancer du sein.

Heureusement, on n’a jamais franchi cette étape.

Le GECSSP reste prudent, et reconnaît encore aux hommes le droit de réclamer ce test.

«Nous reconnaissons que certains hommes âgés de 55 à 69 ans pourraient attribuer une valeur plus élevée à la petite réduction de mortalité potentielle plutôt qu’au risque accru de conséquences indésirables associées au test APS», a ajouté le Dr James Dickinson, membre du GECSSP et du groupe de travail chargé de la ligne directrice. «Les médecins devraient pouvoir présenter clairement tous les risques par rapport aux avantages, de sorte que ces patients puissent prendre des décisions éclairées. Nous avons développé des outils éducationnels qui s’adressent aux patients pour faciliter le processus ».

Gageons qu’avec toutes les données en main, bien des hommes choisiront de ne pas se faire tester, et que l’APS finira pas sombrer dans l’oubli.

Toute cette histoire devrait servir de leçon.

Dans les dernières années, le nombre de tests offerts pour analyser toutes sortes de maladies — notamment en se basant sur la génomique — a crû à un rythme bien plus important que les budgets de recherche qui devraient servir à en évaluer la pertinence en se basant sur des données probantes.

Au rythme actuel, on s’apercevra sans doute, après des décennies de gaspillage de fonds publics et de dommages à la santé de la population, que certains font plus de mal que de bien.

Dans la vaste opération de révision des programmes lancée par le gouvernement du Québec, il serait sans doute pertinent de réexaminer les processus d’approbation des tests.

Il faudrait aussi prévoir d’allouer une part beaucoup plus importante du budget de la santé à des organismes comme l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux (INESSS), qui évalue la pertinence des interventions en santé.

Le milieu de la santé, cela dit, s’inquiète de plus en plus du surdiagnostic (voyez aussi l’article «Halte au surdiagnostic !» publié dans L’actualité).

Jeudi, l’Association québécoise d’établissements de santé et de services sociaux (AQESSS) et l’Association médicale du Québec (AMQ) annonceront qu’elles font désormais front commun pour contrer ce phénomène, qui non seulement nuit à la notre santé, mais engendre aussi des milliards de dollars en traitements inutiles.

Les commentaires sont fermés.

Le docteur Prostate! Que de souvenirs. De mauvais souvenirs. Il avait échappé un positif dans ses tests. Le pauvre monsieur en est mort.
Y’a eu des procès. Je ne me souviens plus comment ca s’est terminé. Si quelqu’un pouvait nous sortir cela

Dans tout cet énoncé, ce qui me semble le plus flagrant, c’est qu’il s’agit plutôt d’une question de budget que d’un test qui à leur avis ferait plus de tort que de bien. Désolée, j’embarque pas. Je sais par expérience (avec mon père), qu’il a été diagnostiqué de ce cancer 20 ans avant son décès et qu’après l’opération pour tout enlevé et des injections aux 3 mois, il a vécu 20 ans en parfaite santé. Il est décédé des suites de ce cancer après 20 ans et c’est plus son corps qui ne pouvait en supporter plus, les organes vitaux lâchaient doucement jusqu’à son décès. Si on l’avait pas diagnostiqué avec (probablement) ce test, je n’ai aucun doute qu’il n’aurait pas survécu aussi longtemps. Je me rend compte en 2014, après une année difficile point de vue santé pour moi, qu’on a augmenté de beaucoup le seuil à partir duquel on commence à traiter et ce, pour la plupart des maladies. Il faut maintenant apprendre à vivre avec notre douleur parce que les médecins trouvent que la douleur n’est pas assez intense pour soigner. Je trouve complètement aberrant qu’avec la nouvelle technologie d’aujourd’hui on est pas plus avancé qu’il y a 50 ans…faute de budget pour s’en servir de cette belle technologie.

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L’AN PASSÉ, À 83 ANS, MON ´´APS’´ A MONTÉ À ´´18´´ ET L’UROLOGUE M’A ENVOYÉ RENCONTRER UN ´´RADIO ONCOLOGUE ´´ ET J’AI EU ´´39´´ TRAITEMENTS DE RADIO THÉRAPIE, À. TOUS LES JOURS, EXCEPTÉ LES FINS DE SEMAINE ET JOURS FÉRIÉS.
DANS MON CAS, JE N’AI PAS EU D’EFFETS SECONDAIRES.
MAIS JE DOIS ADMETTRE QUE JE SUIS DANS UNE FORME EXCEPTIONNELLE, CAR JE MARCHE ( 5 ) KILOMÈTRES À TOUS LES MATINS , SUIVI D’UNE DEMIE HEURE DE CONDITIONNEMENT PHYSIQUE DEPUIS
( 47 ) ANS.
MON ´´APS’´ ACTUEL EST DESCENDU À ( 1.7 ).

Les premers commentaires montrent à quel point le bourrage du crâne du « si vous ne vous faites pas dépister alors vous serez malade » a bien marché.
Et comme il sera difficile de faire passer des patients maintenant terrorisés de ne pas se faire dépister à aucun dépistage.
LEs études disent : pas de gain en terme de durée de vie ou de mortalité avec le dosage du PSA et les patients disent : moi j’ai survécu ou mon père a été sauvé grâce à ça. Ceci en oubliant que la correlatio ne fait pas la causalité et que l’expérience d’un seul ne vaut rien du point de vue médical.
Bref encore quelque chose qui va encore creuser le fossé avec certains patients qui pensent même qu’on fait exprès de retarder le début des soins.

On a eu la même chose avec les rhumes : les médecins disaient : « venez vite avant que ça s’aggrave »
et la suite : je vous donenrai un antibio et ou sirop inutile avec lequel vous ferrez un effet indésirable grave rapidement.
Et maintenant on ose dire aux patient : il n’y a rien à faire, attendez. Et on se fait insulter…. Cherchez l’erreur.

Le dépistage: BRAVO! Mieux vaut un faux positif et une biopsie inutile (qui s’avérera négative, puisque conséquente à un faux positif) que de ne pas savoir du tout…
Mon cas: Suivi régulièrement depuis mes 50 ans. Testé positif à 62 ans, l’an dernier. Biopsie positive. Radio thérapie efficace parce détection hâtive. Séquelles minimes. Bien heureux d’avoir été détecté à temps et à un stade peu avancé.
Conclusion: tiré d’affaire parce que SUIVI RÉGULIÈREMENT… sinon je ne saurais pas… et ça me grugerait sans que je le sache… jusqu’à ce qu’il soit trop tard…!!!

Florent Michaud a tout à fait raison. Le test d’APS n’est qu’un indicateur qui peut indiquer une anomalie à la prostate, mais la biopsie qui suit est fiable. S’il s’agit d’une fausse alerte, on est rassuré, et s’il y a cancer, on est heureux d’envisager le traitement approprié. Facile à comprendre, n’est-ce pas. Il faut toujours se méfier de ces études supposées scientifiques qui mélangent les données factuelles et les impressions des patients et des praticiens. D’autant que l’article de V. B. ainsi que les documents cités vont dans le même sens: recommander l’abolition des tests d’APS. La science et le militantisme ne font pas bon ménage, sinon il ne s’agit pas de science.

J’ai bien fait de refuser les biopsies. Mon PSA avait monté d’une fois à l’autre… Les effets secondaires étaient sous-estimés par mon médecin. Qui était d’ailleurs celui qui aurait fait les biopsies et l’opération. Apparence de conflit d’intérêt… Le livre « Touche pas à ma prostate », m’a ouvert les yeux. L’auteur, Dr Mark Scholz, n’est pas en apparence de conflit d’intérêt. Cancérologue, spécialiste du cancer de la prostate, il n’opère pas. De plus, ce livre a été coécrit avec un patient qui vit depuis plus de 10-15 ans avec un cancer de la prostate et qui n’a jamais été opéré.