
En moins de 24 heures, un double revirement change complètement la donne dans le dossier complexe des frais accessoires facturés aux patients par les médecins.
Tout d’abord, dans un communiqué de presse explosif publié ce dimanche, l’avocat Jean-Pierre Ménard, représentant ici la Fédération de l’âge d’or du Québec (FADOQ) et ses 435 000 membres, convoquait une conférence de presse pour mardi à 10 h, afin de rendre publique la poursuite qu’il dépose contre le gouvernement fédéral pour interdire les frais accessoires.
Une grosse nouvelle en soi, sur laquelle je reviendrai en détail sur mon blogue. Je cite:
«Le Réseau FADOQ et des patients qui ont dû payer des frais accessoires illégaux déposent un recours judiciaire contre le gouvernement du Canada pour faire cesser la pratique illégale des frais accessoires. La requête a été déposée en leur nom par Me Jean-Pierre Ménard, avocat spécialisé dans la défense des droits des patients. Pour expliquer les enjeux considérables de cette démarche, les représentants des médias sont invités à assister à une conférence de presse organisée par le Réseau FADOQ.»
Ça s’annonce costaud, puisqu’une vingtaine d’organismes sont cités en appui à ce dépôt dans le communiqué de presse (1).
Mais depuis, nouveau coup de théâtre, alors qu’on peut lire ce matin dans La Presse que le gouvernement Couillard songe maintenant à abolir les frais accessoires, lui qui voulait jusqu’ici les encadrer, par règlement, au sein de son projet de loi 20!
Citant ainsi une «source gouvernementale», dans ce qui a toutes les apparences d’une fuite d’information calculée, le journaliste Tommy Chouinard écrit en effet que le gouvernement reculerait sur cet enjeu majeur afin d’intégrer ces frais accessoires dans la rémunération des médecins, dont les ententes sont arrivées à échéance:
«On veut que ces négociations permettent de régler la question des frais accessoires une fois pour toutes. On veut discuter avec les médecins de l’absorption des frais accessoires dans leur masse [de rémunération].»
Est-ce un effet précoce de ce bras de fer engagé par Me Jean-Pierre Ménard, avant même le dépôt de la poursuite? Ce n’est pas difficile de le croire, puisque, selon nos informations, l’idée de cette poursuite contre le fédéral circulait déjà au sein du ministère de la Santé.
Du côté de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), il faut rappeler qu’un groupe de médecins membres opposés aux frais accessoires avait reproché publiquement à l’automne à sa fédération de refuser tout débat sur la question, alors qu’il s’agit bien d’un enjeu public, comme l’affirmait le docteur Francis Livernoche: «Il faut ouvrir le débat sur la question des frais accessoires et mettre le patient au cœur de la décision.» Reste à voir si la fédération saura montrer plus d’ouverture maintenant.
Cette solution d’intégrer les frais accessoires dans la couverture d’assurance-maladie correspond à celle que j’avais proposée en mai 2014 et que j’avais surtout précisée en juin 2015, en demandant alors aux médecins de consacrer 1 % de leur revenu actuel pour couvrir ces frais.
Mais je n’ai aucun mérite, puisqu’une telle idée n’a rien de neuf: les enveloppes de rémunération globale des médecins ont toujours pris en compte les montants afférents à certaines pratiques, comme les frais de bureau des omnipraticiens ou la composante technique des cabinets de radiologie. On semblait simplement l’avoir oublié le temps de quelques négociations.
Reste à voir quelle sera la suite des choses, où demeurent plusieurs inconnues. Selon nos informations, le cabinet de Me Jean-Pierre Ménard entend toujours procéder à sa poursuite, qui sera donc annoncée mardi matin en conférence de presse. On peut d’ailleurs s’attendre à ce que le fougueux avocat maintienne la pression tant qu’il n’aura pas reçu les assurances d’une interdiction complète des frais accessoires.
De telles assurances ne peuvent reposer sur une simple entente entre le ministère de la Santé et les fédérations médicales, puisque d’une part cela concerne avant tout les droits des patients à l’accès aux soins, et que d’autre part, ni ces ententes, ni la loi actuelle, ni même le code de déontologie des médecins n’ont réussi à empêcher les abus actuels en ce qui a trait aux frais accessoires.
Je pense plutôt qu’à terme, le seul résultat acceptable dans ce dossier, c’est non seulement que le ministre Gaétan Barrette s’engage à n’autoriser aucuns frais accessoires dans les règlements découlant du projet de loi 20, mais qu’il abroge même la partie du texte lui permettant de proposer de tels règlements. Ne resterait alors dans la loi que l’interdiction pure et simple de tout frais accessoires.
Il y a fort à parier que l’avocat Ménard et la FADOQ ne lèveront le pied que s’ils obtiennent de telles garanties législatives. Et c’est tant mieux pour les patients.
*
(1) Liste complète des organisations citées en appui au recours de la FADOQ: Canadian Doctors for Medicare, Canadian Health Coalition, Association des retraitées et retraités de l’éducation et des autres services publics du Québec, Médecins québécois pour le régime public, Conseil pour la protection des malades, Association québécoise des retraités(e)s des secteurs public et parapublic, Alliance des associations de retraités, Association médicale du Québec, Regroupement des médecins omnipraticiens pour une médecine engagée, Clinique communautaire Pointe-Saint-Charles, Coalition Priorité Cancer, Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec, Coalition solidarité santé, Alliance des patients, Syndicat canadien de la fonction publique, SCFP-Québec, Council of Canadians, Regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal, Réseau FADOQ, Ex aequo (défense des droits des personnes ayant une déficience motrice), Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles, Réseau d’échanges des comités d’usagers du Québec.
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….alors est-ce assez évident la façon de manipuler de notre valeureux Barrette? Et les médecins et les patients…selon… Bravo Me Ménard de vous méfier et de ne pas baisser les bras immédiatement quant à cette poursuite en cours.. ça va faire ce bordel à la sauce Barrette …..
Il est tout de même odieux de constater qu’après avoir annoncé qu’il légaliserait la pratique illégale des frais accessoires, le Dr. Barrette revienne à la charge en proposant d’inclure dans la rémunération des frais qui déjà sont prévus et inclus dans ladite rémunération.
Je suis tout à fait d’accord. Encore une hausse de salaire pour les médecins. Non, mais là, ça suffit!
Toutes ces cliniques » parallèles » au réseaux de la santé furent créer pour contrer l’incapacité de notre système de santé a fournir les services « gratuits » aux patients.
Donc pourquoi devrions nous en tant qu’individus verser des suppléments à ces professionnels grassement payés?
Mais oui sans doute, elles pourraient nous faire payer le papier de toilette quand nous en avons besoin.
Un ophtalmo qui fait 1 000 000 $ de salaire par année nous charge 45$ pour une goutte de Mydriacyl qui lui reviens a 0.10$ . C’est tout simplement honteux et usuraire !!!! Il faut que çà cesse…