Ils chassent le poisson !

Armés de fusils-harpons, les plongeurs en quête d’émotions fortes sont de plus en plus nombreux à pratiquer la chasse sous-marine en apnée au Québec. Suivez le guide !

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Maxim Iskander, fondateur du Club d’apnée sportive de Québec. – Photo : Martin Roy / UW Distribution

Cinq enfants courent sur la plage municipale de Lac-Beauport, près de Québec, pendant que leurs parents se prélassent au soleil. Des kayakistes profitent du calme de cette matinée de juillet pour glisser sur le lac avant qu’il soit envahi par les bateaux à moteur. Dans ce tableau paisible, notre trio détonne : trois gars camouflés dans des combinaisons de néoprène et armés de fusils-harpons de plus d’un mètre de long ! Nous partons simplement chasser l’achigan à petite bouche !

La pratique est encore marginale, mais de plus en plus de plongeurs en quête d’émotions fortes s’adonnent à la chasse sous-marine en apnée. Il y aurait près de 300 adeptes au Québec, selon Yoann Gagnon, un des précurseurs de cette activité. « D’un côté, l’apnée procure une sensation de détente, de liberté intense. De l’autre, c’est passionnant de traquer une proie pour la manger », dit le plongeur de 30 ans, chargé de cours en animation 3D à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.

Les eaux du lac Beauport sont plutôt claires et l’achigan est réputé facile à chasser pour les débutants. La sortie s’annonce prometteuse. La ceinture de plomb de cinq kilos m’aide à atteindre rapidement la thermocline, environ quatre mètres sous la surface, où les eaux superficielles chaudes (21 °C) font place aux eaux froides (4 °C). Pas pour rien que nous avons enfilé, en pleine chaleur, notre combinaison isothermique de sept millimètres d’épaisseur !

Lorsque j’atteins six mètres, un achigan m’aperçoit, s’éloigne rapidement, puis revient. Je l’observe en bougeant lentement mes palmes, afin de ne pas remuer la vase. L’eau doit rester limpide pour me permettre de viser juste. Une trentaine de secondes plus tard, je manque d’air et dois remonter à la surface, les dents serrées sur mon tuba.

Après quelques plongées de reconnaissance, je réussis à m’approcher à moins d’un mètre d’une proie. J’appuie sur la gâchette. D’un coup sec, les élastiques bien tendus propulsent le harpon, qui transperce le poisson !

J’ai déjà chassé sous l’eau en quelques occasions dans le Sud, mais c’est la première fois que j’attrape un poisson. Tel un homme des cavernes, j’éprouve la fierté du chasseur qui rapporte de la chair fraîche à la maison. Quelques heures plus tard, nos huit grosses prises cuisent sur le barbecue. Les achigans étaient si simples à attraper que nous aurions pu facilement atteindre notre quota — six prises par personne par jour —, imposé par le ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs (MDDEFP), mais nous en avions amplement pour nous rassasier.

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Le journaliste Guillaume Roy (à droite) et son partenaire de chasse Robin Masson. – Photo : Guillaume Roy

L’achigan est une espèce territoriale et curieuse, « ce qui la rend vulnérable lorsque les chasseurs l’approchent », explique Yoann Gagnon, qui craint la surpêche. Certaines populations d’achigans et de brochets pourraient facilement être décimées, redoute également Maxim Iskander, fondateur et président du Club d’apnée sportive de Québec. « On devrait abaisser les quotas pour ces espèces. Pour l’instant, c’est le far west sous l’eau », ajoute le plongeur de 29 ans. Il n’existe pas à l’heure actuelle, au Québec, de réglementation propre à la chasse sous-marine ; elle obéit donc aux règles de la pêche à la ligne.

Le Québec permet par ailleurs aux plongeurs équipés d’une bouteille d’air comprimé de harponner les poissons. Une aberration pour la plupart des apnéistes adeptes de cette activité. « C’est comme aller chasser une vache dans un champ ! » dit Yoann Gagnon, qui a lancé un forum sur la chasse sous-marine en 2008.

Martin Arvisais, biologiste au MDDEFP, admet que les pouvoirs publics prêtent très peu attention à la pêche au harpon. « La réglementation date d’une autre époque », convient-il, avant de rappeler que le Ministère est à revoir toute celle qui régit la pêche à la ligne.

Actuellement, la pêche étant gérée par les bureaux régionaux du Ministère, les règles varient selon les régions. Dans le Nord-du-Québec et dans certaines parties de rivières, la Gatineau par exemple, la chasse sous-marine est interdite. Une règle cependant s’applique partout : on ne peut chasser le maskinongé, l’esturgeon, le saumon, la ouananiche et le touladi. En mer, l’activité est proscrite, peu importe l’espèce.

Les sites de chasse sous-marine sont encore mal connus au Québec. « On doit faire de la prospection pour trouver des lacs limpides, poissonneux et dont la profondeur est accessible », explique Maxim Iskander, qui a chassé dans de nombreux pays. Par profondeur accessible, on entend jusqu’à 20 m pour les plongeurs expérimentés et moins de 10 m pour les débutants.

Maxim Iskander, qui a passé toute sa jeunesse en Égypte, souhaite créer une fédération de chasse sous-marine pour aider à répertorier les meilleurs sites, afin d’éparpiller les chasseurs et ainsi éviter la surpêche dans les endroits trop populaires.

« Il faudra réglementer rapidement la pratique du sport pour qu’il soit plus sécuritaire », dit cet homme, qui a initié une quarantaine de chasseurs québécois depuis trois ans. Trop de plongeurs utilisent la technique d’hyperventilation (plusieurs grandes inspirations prises avant de plonger) pour rester plus longtemps sous l’eau. « Cette technique envoie un faux message au cerveau et peut causer une syncope, la perte de connaissance et même la mort », explique-t-il.

En septembre 2013, un chasseur a perdu la vie en plongeant en solo à Salaberry-de-Valleyfield. On doit respecter la consigne de base de la plongée : toujours en équipe de deux. « Même en zone peu profonde », précise Yoann Gagnon.

De plus, il est recommandé de traîner une bouée de plongée pour être repéré par les bateaux… ou pour s’y accrocher quand on a besoin de se reposer !

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Bonne chance avec les autres espèces !

Pas pour rien que la pêche à l’achigan est si populaire : la plupart des autres espèces sont beaucoup plus difficiles à capturer !

Pour chasser la truite, le plongeur doit se cacher derrière une roche, sous l’eau, au pied d’un rapide… et attendre. Certains plongeurs, comme Maxim Iskander, peuvent rester sous l’eau plus de cinq minutes, mais ce n’est pas à la portée de tout amateur. Et encore, lorsque la truite surgit, il faut être rapide sur la gâchette !

Le doré, lui, aime les eaux obscures, à plus de 10 m de profondeur, une zone réservée aux plongeurs expérimentés.

 

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Les commentaires sont fermés.

Pauvres achigans! Eventuellement ils ne seront plus à lac Beauport. C’est un poison très curieux-même ils m’ont suivit plusieurs fois plus que 100 metres dans l’eau. Ils preferent l’eau chaude-facile à trouver! Un poison très sportive sur une ligne, mais pas difficile de tuer avec in fusil-harpoon.