L’auteur est un ancien coureur de fond de l’équipe nationale canadienne et un physicien postdoctoral. Il a écrit en 2018 le livre Endurance : L’esprit, le corps et les exceptionnelles limites extensibles de la performance humaine. Il collabore à la rédaction du Globe and Mail et du magazine Outside.
Les coureurs âgés s’inquiètent surtout de leurs genoux — ce qui est logique, étant donné que les genoux sont le plus souvent le siège des douleurs liées à la course. Mais si vous espérez conserver votre vitesse, vous devriez vous concentrer sur une autre articulation clé.
« Avec l’âge, l’articulation dont la fonction diminue le plus est la cheville », explique Zoey Kearns, chercheuse en biomécanique à l’Université de Memphis. « Nous ne comprenons pas tout à fait pourquoi, mais nous savons que cela se produit, quel que soit le niveau d’activité. »
Dans le cadre du congrès de l’American College of Sports Medicine de juin 2022, Zoey Kearns et ses collègues de l’Université de Memphis ont présenté de nouvelles données sur les inconvénients de la faiblesse ou de la fatigue des muscles du mollet, et ont exposé les meilleurs moyens de les renforcer.
Lorsque vous courez, les muscles entourant les articulations du genou et de la cheville génèrent généralement des niveaux semblables de force appliquée au sol, laquelle équivaut à un peu moins de 10 fois votre poids corporel. Selon une étude finlandaise publiée en 2016, la différence entre les deux articulations est que les chevilles sont presque au maximum de leurs capacités pendant la course. Même lors de sauts explosifs, elles ne peuvent générer que 10 fois le poids corporel, alors que les genoux ont un plafond plus élevé, soit environ 14 fois.
Cela signifie que toute perte de muscle avec l’âge réduit la possibilité de générer ces 10 fois le poids corporel avec les chevilles, ce qui affaiblit la foulée. D’autres études ont montré que la force produite par les chevilles pendant la course diminuait régulièrement de l’âge de 20 à 70 ans, tandis que celle produite par les genoux et les hanches restait à peu près constante.
Il s’avère que la distance, la vitesse et la fréquence n’ont pas grand-chose à voir avec le risque de blessure d’un coureur, selon une recherche.
Dernière pièce du casse-tête : une étude allemande de 2018 a révélé que la force de la cheville diminuait régulièrement au cours d’une course difficile de 10 km, ce qui obligeait les genoux et les hanches à travailler davantage et rendait les coureurs de moins en moins performants. Il est intéressant de noter que cette tendance était plus prononcée chez les coureurs les plus lents. Les coureurs les plus rapides de l’étude arrivaient mieux à continuer à générer de la force avec leurs chevilles, même s’ils étaient fatigués.
Ces résultats sont autant d’arguments convaincants en faveur du maintien de chevilles fortes, mais ils ne disent pas comment atteindre cet objectif. C’est la question à laquelle Zoey Kearns a décidé de répondre, en collaboration avec son directeur de thèse, Max Paquette, professeur agrégé de sciences du sport et de biomécanique à l’Université de Memphis et ancien coureur d’élite canadien.
Avec la participation de 26 coureurs âgés en moyenne de 51 ans, Mme Kearns a comparé trois types d’entraînement musculaire.
Un groupe a effectué un entraînement musculaire rigoureux composé d’exercices tels que des accroupissements avant et des élévations des talons avec des poids lourds, qui devaient être levés en quatre séries de huit répétitions chacune.
Un autre groupe s’est prêté à un entraînement musculaire rigoureux avec moins de séries, mais on y a ajouté des exercices pliométriques explosifs tels que des sauts sur boîte, des sauts avant et des sauts sur une jambe puis sur l’autre.
Le troisième groupe a utilisé des poids plus légers pour des séries uniques de 15 à 20 répétitions, afin que l’on se concentre sur l’endurance de la force, et il a aussi dû faire des exercices pliométriques.
Après 10 semaines, les trois groupes avaient augmenté la force de flexion de leurs chevilles, sans différence notable entre les protocoles. Tous avaient également amélioré leur économie de course, soit la quantité d’énergie nécessaire pour maintenir un rythme donné.
Ce dernier résultat porte à croire que les chevilles ne se limitent pas à la force avec laquelle elles s’appuient sur le sol. Les muscles du mollet sont reliés au tendon d’Achille, qui s’étire comme une bande élastique pour emmagasiner et restituer l’énergie à chaque pas, souligne Max Paquette. Outre les exercices de raffermissement, on pense que l’entraînement musculaire — particulièrement avec des poids lourds — augmente la rigidité des tendons, ce qui leur permet de stocker encore plus d’énergie lorsqu’ils sont étirés.
Il existe peut-être d’autres moyens de renforcer la cheville, comme des sprints courts et intenses en côte. Mais la principale leçon à tirer de cette nouvelle étude est simple, selon Max Paquette : « Concentrez-vous sur vos mollets, dit-il. Si vous pouvez supporter une lourde charge, c’est sans doute un peu mieux, mais je ne crois pas qu’il faille trop compliquer les choses. »
La version originale (en anglais) de cet article a été publiée par le Globe and Mail.
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