La désinformation tue

Des organisations riches, dirigées par des gens puissants, sapent la confiance de la population envers le sens commun. Résultat : des enfants meurent de la polio en 2022. 

Photo : Antoine Bordeleau pour L’actualité

Un premier cas de poliomyélite aux États-Unis depuis 2013 a secoué l’État de New York l’été dernier. Un jeune adulte du comté de Rockland, dans le nord de la région métropolitaine, a été partiellement paralysé après avoir été infecté au contact d’un voyageur. 

L’événement a alerté les autorités, notamment parce qu’il s’est produit dans une région où une proportion importante de résidants ne sont pas vaccinés contre cette terrible maladie. Seulement 60 % des habitants du comté de Rockland sont vaccinés contre la polio (au Québec, 97 % des enfants le sont). Ailleurs dans l’État, le taux de couverture atteint 80 %. 

Trois semaines plus tard, le département de la Santé de l’État détectait des traces de poliomyélite dans des échantillons d’eaux usées du comté, et même de la ville de New York. 

Bien que tout cela se passe loin au sud de la frontière, la situation a mis en alerte l’Institut national de santé publique du Québec, qui a diffusé un avis à cet égard en septembre, puisque la communauté juive orthodoxe d’où était issu le cas new-yorkais a des contacts fréquents avec d’autres juifs établis à Montréal et dans sa banlieue nord.

Grâce aux campagnes de vaccination menées dans les années 1950, la polio avait pourtant été déclarée éliminée des États-Unis en 1979, puis sur l’ensemble du continent américain en 1994. Aujourd’hui, elle est endémique seulement en Afghanistan et au Pakistan. 

L’organisation du neveu de l’ancien président John F. Kennedy, qui appuie la théorie réfutée selon laquelle les vaccins causent l’autisme, a récolté des millions de dollars.

Sauf que sa présence dans les eaux usées laisse présager une éclosion silencieuse, prévenait, dans une lettre publiée dans le New York Times en août, la commissaire de la santé publique de l’État, la Dre Mary T. Bassett : « Aujourd’hui, à New York, la polio est une menace imminente. »

Si ce vieil ennemi de l’humain réapparaît en nos contrées, cela n’a rien à voir avec la nature. Il nous menace de nouveau à cause de l’action des groupes antivaccins et de la politisation des campagnes de vaccination, dont ont profité de nombreux politiciens américains aux penchants populistes ; la représentante républicaine de la Géorgie, Marjorie Taylor Greene, s’est notamment servie de mensonges inquiétants sur les vaccins anti-COVID — ils tuent, selon elle — pendant sa campagne électorale. Au diable la santé publique !

Des campagnes de désinformation sont déployées à vaste échelle, dont celles menées à grands frais par la très controversée Children’s Health Defense, fondée par Robert Kennedy fils. L’organisation du neveu de l’ancien président John F. Kennedy, qui appuie la théorie réfutée selon laquelle les vaccins causent l’autisme, a récolté des millions de dollars pendant la pandémie, a démontré une enquête de l’Associated Press en 2021.

Les communautés juives orthodoxes, parmi d’autres groupes de population fortement soudés, sont particulièrement dans le viseur de telles organisations, déplorait une infirmière d’une de ces communautés en août dans le magazine Scientific American, parce que leurs propos s’y répandent rapidement sans pouvoir y être contestés. Et ce, malgré les pressions des grands rabbins, pour qui la vaccination est une obligation morale.

Dans cette partie-ci du continent, la maison de sondages EKOS a testé les liens entre la désinformation et l’adhésion aux théories facilement réfutables qui font rage dans la « complosphère ». L’enquête demandait aux répondants de juger de la véracité de quelques affirmations (fausses) concernant les vaccins, telles que « Le vaccin contre la COVID-19 peut vous rendre stérile », « Le vaccin contre la COVID-19 peut altérer votre ADN » ou encore « Les décès liés aux vaccins sont intentionnellement cachés par le gouvernement ». Les résultats ne pouvaient pas être plus clairs : les répondants désinformés étaient moins susceptibles d’être vaccinés.

Ceux qui répandent fausses nouvelles et désinformation sur YouTube et d’autres plateformes ne valent guère mieux que les trafiquants de drogue. Ils vendent des doses de dopamine que procurent leurs images truquées de vedettes et de politiciens que l’on accuse de tous les maux de la terre : pédophilie, eugénisme, complots meurtriers. Les « moutons » du monde entier ignorent la vérité ; le public des gourous du Web fait partie d’un club sélectif qui, lui, « sait » !  Une fois ce high passé, vite une autre dose, et le cycle néfaste s’éternise.

Ce qui nous ramène à la polio. Des responsables de l’Organisation mondiale de la santé ont déclaré l’été dernier que si les tendances actuelles se poursuivaient, d’autres maladies jadis vaincues par la médecine moderne pourraient éclore et se répandre. 

Les marchands de fausses nouvelles font fortune pendant que des gens souffrent et meurent de maladies pourtant curables. La désinformation tue.

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Il aurait été intéressant d’ajouter à votre analyse l’impact des politiques de vaccination obligatoire avec le Covid sur la vaccination en général. Primo, dans la perspective du retard pris sur la vaccination des enfants par manque de ressource et secondo, dans la perspective que l’imposition tend à diminuer la confiance dans les institutions et nourrir la désinformation.

Ce qui n’aide pas c’est le délabrement du système de santé publique au Canada qui prive bien des gens de soins professionnels, à défaut de médecins de famille. On consulte une fois qu’il est peut-être trop tard et on manque les vaccins qu’un professionnel de la santé pourrait recommander, autre que ceux qui sont obligatoires ou populaires.

Si on va plus loin au Nord du pays, la situation est encore pire et on n’a pas besoin de désinformation, c’est le système lui-même qui est tellement bancal que la tuberculose que l’on croyait éradiquée au Canada est réapparu il y a quelques décennies avec une vengeance et se répand à grande vitesse en raison de l’insalubrité des logements qu’on y trouve.

Évidemment, comme on trouve en Arctique canadien une forte proportion d’Autochtones, le racisme systémique des gouvernements du Sud fait que les conditions de vie sont tellement mauvaises qu’elle sont comparables à celles des pays en développement. Dans le sud on peut se contenter de petites maisons en torchis et les gens peuvent s’en tirer très bien dans une nature luxuriante mais dans l’Arctique les maisons du sud sont souvent inadéquates pour faire face au climat sec et surtout trop petites ou il en manque tellement que la surpopulation des maisons actuelles est la cause principale d’épidémies de maladies contagieuses, en particulier pulmonaires. Ce n’est pas nécessairement que les gens vont avoir froid dans ces maisons, au contraire, c’est souvent le contraire avec des maisons surchauffées, surtout par rapport aux températures extérieures et trop sèches avec une très grande promiscuité.

De plus, pour les Autochtones, le système de santé est perçu comme un des instruments du pouvoir colonial dans sa tentative de génocide des Premiers Peuples et l’affaire Echaquan n’a rassuré personne dans les communautés. Alors, quand on croit qu’un système veut vous faire disparaître, on est moins confiant quand on impose une vaccination obligatoire, même si elle vise tout le monde. Il a fallu que les gens sensibilisés aux bienfaits des vaccins dans les communautés se mobilisent pour obtenir l’assentiment de leurs concitoyens pour se faire vacciner et à cet égard les communautés autochtones ont été exemplaires.

Merci de rappeler que la désinformation n’est pas anodine.

Les apprentis-sorciers de Facebook et compagnie ont été négligents et la boîte de Pandore est grande ouverte. C’est bien beau de vouloir rapprocher les gens, mais c’était sans compter la création de chambres à échos pour les propos extrémistes qui sont devenues de véritables pouponnières de groupes extrémistes. Avec des conséquences documentées dans le génocide des Rohingyas (https://to.pbs.org/3T5QZnV), des lynchages de prétendus kidnappeurs d’enfants en Inde (https://bit.ly/3Yla9d9) et d’autres excès de la vindicte des foules. Là on ne rit plus, ou plutôt on rit jaune…

Des gens sont vraiment morts à cause de la désinformation!

Claude COULOMBE

Dans les discussions sur les réseaux sociaux, il faudrait ​s’en tenir aux faits! Ne pas donner d’épithète aux gens est à la base du respect qui facilite la communication. La critique est le sel de la science mais s’en prendre au messager (« argumentum ad personam ») est une manoeuvre déloyale, il faut discuter des faits (« argumentum ad rem »).

La réalité existe! Ce n’est pas une question de liberté d’expression car la science n’est pas une question d’opinion ou de croyance. C’est une question de faits vérifiables et la science fonctionne avec une méthode éprouvée. Chacun a le droit à son opinion et à sa religion, mais il y a des vérités scientifiquement démontrées qui se passent des opinions et des croyances de tout un chacun. Est-ce qu’on a besoin de l’opinion du quidam ou d’une religion pour constater que la Terre est ronde, que le mouvement perpétuel est impossible, que la rougeole peut tuer et que 1+1 fait 2?

Aussi, il faut distinguer entre « mésinformation » par manque d’éducation et la « désinformation » malhonnête. Plusieurs personnes croient sincèrement les théories qu’elles diffusent. Il ne faut pas les insulter pour cela. Il faut d’abord les écouter avec ouverture, puis tenter de les éduquer avec preuves à l’appui avec des sources crédibles (des hyperliens vers les documents accessibles sur la Toile) et faire preuve d’empathie.

Il faut davantage d’éducation scientifique, dès le primaire et pourquoi pas à la garderie!
Surtout apprendre à vérifier l’information. Par exemple, comprendre qu’un argument qui fait consensus parmi les scientifiques d’un domaine a davantage de crédibilité qu’un argument contraire soutenu par une poignée d’individus sans formation ou à la formation éloignée du domaine discuté. Aussi être capable de distinguer entre de la science établie et de la science en train de se faire. Pas seulement enseigner la méthode scientifique mais aussi la pensée critique, expliquer les biais cognitifs, disséquer des exemples de désinformation, etc.

Souvent les gens filtrent les informations de manière à conforter leurs croyances, valeurs préexistantes, allégeances politiques, bref leur identité. Il faut rejoindre ces gens avec la science.

Enfin, pour contrer la désinformation, il va falloir que des médias crédibles, comme L’Actualité, arrivent à survivre au Web, le GAFAM qui récoltent tous les revenus publicitaires. Et avoir plus de journalistes scientifiques dans les médias généralistes.

Scientifiquement vôtre

Claude COULOMBE

Un rapport public qui vient de sortir et qui corrobore l’article d M. Fournier.

« COVID-19: la désinformation aurait coûté des vies et des millions »
https://bit.ly/3kTUvGm

La désinformation autour de la pandémie de COVID-19 serait aussi responsable de 2800 décès. Elle aurait aussi coûté près de 300 millions $ au système de santé canadien entre mars et novembre 2021.

Scientifiquement vôtre

Claude COULOMBE