Le cancer est-il vraiment dû au hasard ?

Grosse nouvelle, en ce début d’année : les deux tiers des cancers ne seraient pas dus à des facteurs héréditaires ou environnementaux, mais simplement au manque de chance. Sauf que cette conclusion, rapportée par de nombreux médias, ne correspond pas du tout à celle de l’étude en question ! explique Valérie Borde.

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Photo : Getty Images

Grosse nouvelle, en ce début d’année : les deux tiers des cancers ne seraient pas dus à des facteurs héréditaires ou environnementaux, mais simplement au manque de chance, ont annoncé de nombreux médias à la suite de la publication, par deux chercheurs américains, d’une étude dans la revue Science.

Sante_et_scienceSauf que cette conclusion ne correspond pas du tout à celle de l’étude en question !

Dans leur étude, Bert Vogelstein et Cristian Tomasetti ont essayé de comprendre pourquoi certains tissus du corps humain sont des millions de fois plus sujets à l’apparition de cancers que d’autres.

Leur idée est la suivante. On sait que le cancer résulte de la prolifération de cellules, qui se produit lorsque leur ADN est anormal.

Soit ces anomalies sont présentes dès la naissance (car héritées des parents), soit elles apparaissent après un contact avec des éléments cancérogènes.

Cependant, des erreurs aléatoires dans l’ADN surviennent aussi lorsque les cellules souches, qui permettent aux organes de se renouveler au long de la vie, se divisent.

Se pourrait-il que des cancers apparaissent simplement par «manque de chance» dans l’émergence de ces mutations dans l’ADN des cellules souches ?

C’est l’hypothèse qu’ont voulu tester les deux chercheurs. Pour cela, ils ont estimé le nombre de divisions de cellules souches qui se produisent à l’intérieur de différents organes au cours de la vie, puis l’ont comparé à l’incidence des cancers prenant naissance dans ces organes.

Ils ont fait l’exercice pour 31 types de cancers — colorectal, du poumon ou de l’ovaire, par exemple.

Résultat ? Une corrélation très forte dans 22 cancers sur les 31 étudiés : pour ces cancers, plus un organe compte de divisions de ses cellules souches, plus il est susceptible de donner naissance à un cancer.

Cela tend à prouver, selon les chercheurs, que les erreurs de réplication qui se produisent aléatoirement dans l’ADN des cellules souches sont une cause importante de certains cancers.

À quel point ? Rien, dans cette étude, ne permet de le dire.

Ce chiffre qui a circulé dans les médias — celui des deux tiers des cancers survenant en raison d’un «manque de chance» — vient d’un calcul erroné des journalistes, qui ont confondu le nombre de types de cancers que les chercheurs ont corrélés au nombre de divisions cellulaires dans les organes correspondants (22 sur 31) avec le risque absolu de contracter un cancer au cours de sa vie.

Parmi les cancers qui ne sont pas corrélés au nombre de divisions cellulaires figure ainsi celui du poumon — clairement lié, en revanche au tabagisme —, ainsi que le cancer du côlon, où l’hérédité et les facteurs environnementaux semblent clairement plus importants que le hasard pour en expliquer l’apparition.

En revanche, le hasard serait prépondérant pour le cancer du pancréas et celui du poumon (chez les non-fumeurs).

Mais l’étude soulève plusieurs questions. D’une part, certains des cancers les plus fréquents — notamment ceux du sein et de la prostate — n’ont pas été pris en compte par les chercheurs, car ils ne disposaient pas des données sur le nombre de divisions cellulaires dans ces organes.

Si, dans ces deux formes de cancers, on n’avait observé aucune corrélation avec le nombre de divisions cellulaires, le poids du hasard aurait peut-être semblé drôlement moins important !

D’autre part, une partie du «manque de chance» qu’ils évoquent pourrait aussi correspondre à des causes génétiques ou environnementales encore inconnues.

Combien d’agents toxiques dans notre environnement provoquent, à notre insu, des mutations dans les cellules souches ?

Cependant, cette étude conforte la thèse selon laquelle le cancer est probablement souvent une maladie du vieillissement, qui a d’autant plus de risque d’apparaître que les divisions cellulaires se poursuivent pendant de très nombreuses années.

Mais ce n’est certainement pas une raison pour baisser la garde face aux facteurs de risque bien connus ni pour laisser tomber la prévention.

Si, parmi vos bonnes résolutions, figurent celles d’arrêter de fumer, de mieux manger ou de faire plus d’exercice pour rester en bonne santé, cela reste tout à fait pertinent. Bonne année !

* * *

À propos de Valérie Borde

Journaliste scientifique lauréate de nombreux prix, Valérie Borde a publié près de 900 articles dans des magazines depuis 1990, au Canada et en France. Enseignante en journalisme scientifique et conférencière, cette grande vulgarisatrice est à l’affût des découvertes récentes en science et blogue pour L’actualité depuis 2009. Valérie Borde est aussi membre de la Commission de l’éthique en science et en technologie du gouvernement du Québec, en plus d’être régulièrement invitée dans les médias électroniques pour commenter l’actualité scientifique. On peut la suivre sur Twitter : @Lactu_Borde.

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Les commentaires sont fermés.

votre commentaire est fort intéressant. Je pense aussi à la maladie de Croan qui prend de l’expansion. On ne connaît pas les causes. Le spécialiste dont j’ai oublié le nom semblait estomaqué du progrès de cette maladie. Est-ce l’environnement, la nourriture? Voulez-vous lire l’entrevue que j’ai accordée à Ann-ick Blais de http://www.pitiemangemoipas.com. Bien sur , je suis une femme qui respecte la nature sous tous ces angles.. Vous connaissez la ractopamine que l’on donne aux porcs pour augmenter la masse musculaire. Les stéroïdes ne conviennent sûrement à tous. Merci de votre attention..

Je pense qu’il ne faut pas laisser de cote le facteur genetique : mon frere est decede d’un cancer, il y a 10 ans, ma soeur est aussi decedee d’ un cancer du poumon il ya 9 ans,
et moi j’ai appris il y a 6 mois que je suis atteint du cancer du poumon avec metastases au cerveau. Cela ressemble pus a de l’heridite que du hasard. Et pourtant ma mere
qui a maintenant 98 ans se porte bien et mon pere est decede a la suite de problemes cardiaques…

Avez-vous déjà fumé la cigarette ? Et votre sœur tuée par un cancer du poumon fumait-elle ?

La principale cause du cancer du poumon est le tabac. Et non pas génétique.