Après le succès planétaire de La bible du vagin, traduit en 20 langues et distribué dans 30 pays, il y a trois ans, la Dre Jen Gunter remet ça. La gynécologue d’origine manitobaine, aujourd’hui installée près de San Francisco, s’attaque à un autre grand tabou avec Le manifeste de la ménopause (Trécarré, 2022), traduction française de The Menopause Manifesto (First, 2021), tout juste arrivé en librairie au Québec. Son souhait : que toute femme en sache autant sur la ménopause que la gynécologue la mieux informée.
Avec l’humour, la rigueur et le franc-parler qui ont fait sa marque, elle aborde tous les sujets qui touchent de près ou de loin cette période de turbulence de la vie des femmes, de l’incontinence au brouillard cognitif et des timbres d’œstrogènes à la phytothérapie.
La Dre Gunter s’attaque aux croyances et aux fausses informations avec la même vigueur que dans La bible du vagin. Elle n’épargne ni les charlatans qui cherchent à vendre n’importe quoi aux femmes mal en point ni les indifférents qui leur disent que « c’est normal » ou que « ça va passer ». Le sous-titre de son ouvrage est clair : Factuel et féministe, un livre pour défendre votre cause. L’actualité s’est entretenu avec la médecin juste avant qu’elle commence sa journée auprès de ses patientes.
Pourquoi avez-vous choisi d’écrire un manifeste sur la ménopause plutôt qu’un simple guide ?
Un manifeste est une déclaration. Cela a plus de poids qu’un guide. Tellement de femmes m’ont confié qu’elles se sentent invisibles. J’ai donc voulu leur dire : il n’y a pas de quoi avoir honte et vous méritez d’être vues et entendues.
Et pourquoi doivent-elles « défendre leur cause » quand elles atteignent la ménopause ?
Beaucoup de femmes ressentent un manque de pertinence et d’utilité quand elles entrent dans cette période. Encore aujourd’hui, les hommes qui avancent en âge se distinguent, alors que les femmes se sentent diminuées parce la société leur dit qu’elles ont moins de valeur puisque qu’elles ne peuvent plus procréer. L’âgisme et le patriarcat sont très liés !
Or, quand on se sent insignifiante, cela a des conséquences sur sa santé. Certaines supportent leurs symptômes sans rien dire, d’autres ne sont pas prises au sérieux par leur médecin et ne reçoivent pas les soins appropriés.
Et si tout ce dont vous entendez parler comme femme concerne la façon d’avoir une apparence défiant l’âge, cela signifie que des sujets médicaux très importants dont il faut s’occuper pour vivre une longue vie en bonne santé sont mis de côté.
Dans les sociétés où le mot « ménopause » n’existe pas, les femmes sont moins gênées par leurs symptômes, écrivez-vous. Comment cela s’explique-t-il ?
Les mots que nous utilisons modifient la façon dont nous pensons aux choses. De nombreuses sociétés vivent très bien sans le mot « ménopause ». En néerlandais, on dit overgang, ce qui signifie « transition » ; en finnois, vaihdevuodet, « changement au cours des années » ; et en japonais, kōnenki, « changement de vie ». Des études tendent à montrer que dans les sociétés sans mot défini, les femmes sont moins incommodées à la périménopause. Cela ne veut pas dire qu’elles n’ont pas de bouffées de chaleur ou de sécheresse vaginale. Mais on peut penser que percevoir la ménopause comme un changement, et non comme une calamité, a un effet autant sur les femmes que sur la société.
En Occident, les médecins ont très longtemps écrit des choses très négatives sur la ménopause. Cela remonte aux Grecs anciens. Cette réalité a presque toujours eu une connotation péjorative. En France, il y a quelques centaines d’années, on l’appelait entre autres « âge critique », « enfer des femmes » ou « hiver des femmes » avant que le médecin Charles de Gardanne propose le terme « ménopause » dans un livre publié en 1821. Il se contente d’y déplorer le sort des femmes ayant atteint un certain âge et met sur le compte de la ménopause les maladies des femmes vieillissantes.
La médecine traditionnelle chinoise, pour sa part, ne faisait pas de différence entre vieillissement et dernières règles, considérant celles-ci comme l’équivalent de la raréfaction du sperme chez les hommes.
Le simple fait que les femmes ne voient pas cette période comme une catastrophe fait qu’elles se sentent mieux ?
Le stress amplifie les symptômes. C’est vrai pour tout ce qui concerne la santé, y compris la ménopause.
Si vous prenez l’avion et que l’on vous dit : « Cela va être horrible », cela risque en effet de l’être. Vous serez plus anxieux en montant dans l’appareil. Et chaque petite turbulence suscitera de l’inquiétude. Alors que si on vous dit : « Il pourrait y avoir un peu de turbulence, le pilote fera de son mieux », vous serez moins anxieux et vous passerez un meilleur moment.
Au travail, si une femme a une bouffée de chaleur et que ses collègues lui proposent simplement d’ouvrir la fenêtre sans en faire de cas, la situation paraît moins grave.
C’est mieux que de craindre de dire qu’on a chaud, parce que l’on sait que ce sera mal reçu.
Actuellement dans la société, je vois les deux extrêmes : soit les symptômes sont complètement balayés et ignorés, soit ils sont amplifiés d’une manière qui effraie les gens. Nous devrions tendre vers un juste milieu et présenter les choses de façon honnête.
En plus de l’approche médicale, vous parlez dans ce livre de plusieurs thérapies parallèles, comme l’herboristerie et les suppléments en vente libre. Pourquoi teniez-vous à le faire ?
Les gens sont exposés à ces thérapies parallèles en ligne, et à des tonnes d’informations, sans savoir qu’elles sont présentées de façon partiale. Nous assistons, par exemple, à une explosion des ventes d’hormones sans ordonnance, proposées sous différentes formes non contrôlées comme des crèmes ou des gels. Ou offertes en préparations magistrales supposément sur mesure. Les femmes font des choix sans être bien informées, et cela m’inquiète.
Certains de ces produits sont inoffensifs, d’autres non. J’ai récemment eu une conversation avec une femme qui était sûre et certaine de connaître les risques d’un produit que je ne recommanderais jamais. Je lui ai dit : « Vous ne pouvez pas comprendre les risques, parce que les études n’existent pas ! Nous ne disposons que de quelques données préliminaires, et elles sont inquiétantes. » Les gens ont l’illusion d’être bien informés sur ces thérapies parallèles, alors qu’ils ne le sont pas.
Le tabou qui entoure encore la ménopause fait que les femmes n’ont pas les informations qui leur seraient utiles, dites-vous. C’est ce que vous constatez en clinique ?
Oui. Je vois beaucoup de femmes qui souffrent depuis longtemps sans avoir été prises en charge. J’en vois aussi qui pensent que les hormones sont dangereuses et qui refusent d’en prendre, alors qu’elles consomment d’autres médicaments. Tous les médicaments, hormones incluses, présentent des risques et des avantages.
Le consentement éclairé consiste à expliquer cela aux gens, et à réévaluer régulièrement leur état pour s’assurer qu’ils bénéficient toujours des avantages et que les risques n’ont pas changé. Pensez au temps qu’il faut pour obtenir un rendez-vous avec un médecin de première ligne au Canada. Et à la courte durée du rendez-vous. Le médecin aura-t-il le temps de vous expliquer pourquoi les choses que vous lisez sur Instagram sont fausses ? Vous méritez d’avoir cette information.
De nombreux médecins m’ont remerciée d’avoir écrit ce livre, parce que les femmes qui l’ont lu arrivent dans leur cabinet bien informées. Cela leur permet d’avoir une discussion éclairée et de trouver rapidement le traitement qui leur convient, selon leur état. Toutes les femmes devraient avoir droit à ça.
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Tres interessant ce nouveau livre de la ménopause je vais me le procurer pour mes filles
Il Était temps d’avoir un livre comme ça pour nous les femmes et meme pour les hommes d’en en savoir un peu plus!!!