Le Paxlovid à la rescousse des patients et du système de santé (1/2)

Un antiviral de Pfizer s’est ajouté à l’arsenal des professionnels de la santé qui luttent contre la COVID-19. Le Dr Alain Vadeboncoeur explique de quoi il s’agit et de quelles données nous disposons pour en évaluer l’efficacité et les effets secondaires.

Photo : Daphné Caron pour L’actualité

L’auteur est urgentologue, ex-chef du département de médecine d’urgence de l’Institut de cardiologie de Montréal. Professeur titulaire à l’Université de Montréal, il enseigne et participe à des recherches en médecine d’urgence et sur le système de santé.

On mise beaucoup sur l’arrivée du nouveau produit de Pfizer contre le virus de la COVID-19. Avec raison, jusqu’à un certain point, puisqu’il paraît démontrer une belle efficacité pour lutter contre les formes graves de l’infection menant à l’hospitalisation. Mais aussi quelques réserves.

Examinons un peu ces résultats et ce nouveau médicament — ces médicaments en réalité, s’agissant d’une combinaison. Elle comprend un nouveau produit, développé durant la pandémie, le nirmatrelvir, qui bloque la réplication virale en maitrisant une enzyme essentielle appelée protéase, et un second antiviral, le ritonavir, utilisé contre le VIH et dont l’effet principal est d’augmenter l’efficacité du premier. Bref, voilà une combinaison dessinée spécifiquement pour lutter contre ce satané SRAS-CoV-2, administrée par la bouche deux fois par jour durant 5 jours et qui doit être débutée avant le 6e jour des symptômes.

Dans l’étude à double aveugle et randomisée (avec répartition au hasard des patients entre le médicament et le placebo) ayant permis d’aboutir à l’autorisation toute récente de Santé Canada, on administrait les doses à des adultes ayant obtenu un test PCR positif pour la COVID-19, souffrant d’une infection légère à modérée ne nécessitant pas d’hospitalisation et ayant un ou plusieurs facteurs de risque de développer une forme grave. Les patients devant d’emblée être hospitalisés au moment du diagnostic, pour lesquels il existe d’autres traitements efficaces, n’étaient pas inclus.

On retrouvait plusieurs facteurs de risque d’hospitalisation reconnus chez les patients soumis à l’étude, comme le diabète, l’excès de poids (IMC > 25), toute maladie pulmonaire chronique (y compris l’asthme), les maladies rénales, les fumeurs, les patients immunosupprimés, les patients cardiaques ou hypertendus, différents problèmes neurologiques, un cancer actif, etc. ou tout simplement être âgé de 60 ans et plus. Fait à noter, aucun des patients n’était vacciné.

Des résultats intéressants

L’autorisation de Santé Canada est basée sur une analyse provisoire des données de l’étude, fondée sur les résultats pour les 774 premiers patients sur les 1361 inclus. La cible comparait les hospitalisations et les décès entre les groupes.

De fait, 7 % (27/385) des patients du groupe placebo ont été hospitalisés (ou sont décédés), mais seulement 0,8 % (3/389) du groupe traité l’a été, un résultat très significatif. De plus, 7 décès ont été constatés dans le groupe placebo, mais aucun parmi les patients traités. Pour ces décès, les nombres sont trop petits pour être significatifs, c’est ce qu’on appelle au mieux une « tendance ».

Une autre manière d’exprimer ce résultat est qu’il faut traiter 16 patients pour en sauver un de l’hospitalisation ou du décès (les 15 autres n’auraient pas été hospitalisés et ne seraient pas décédés de toute manière). Cela semble beaucoup de patients traités pour rien, mais c’est en fait un bon résultat. En comparaison, pour sauver une première personne d’un infarctus, on doit prescrire des statines à 100 patients durant plusieurs années.

Peu d’effets secondaires

Fort heureusement, les effets secondaires ont été peu nombreux et comparables en nombre dans le groupe traité (23 %) et dans le groupe placebo (24 %). Seul un changement temporaire du goût a été noté plus souvent (6 % contre < 1 %) dans le groupe recevant le médicament, de même qu’un peu plus de diarrhées (3 % contre 2 %). Le principal risque demeure toutefois celui des interactions avec d’autres médicaments, qui pourraient causer des problèmes à bien des patients.

Si vous vous demandez comment un patient recevant un placebo peut souffrir d’effets secondaires, c’est simple : voilà un bel exemple de l’effet « nocebo », symptôme bien réel reposant uniquement sur la « force » de notre étonnant cerveau. D’ailleurs, 4 % des patients du groupe placebo ont dû cesser le « traitement » contre 2 % dans le groupe recevant le médicament.

Quand on sait que ces résultats se retrouveraient aussi dans les principales conclusions de l’étude englobant tous les patients (qui n’ont à ma connaissance pas encore été diffusées), on est en droit de penser que le Paxlovid pourrait changer la donne et nous aider beaucoup dans les soins aux patients présentant les formes plus légères de la maladie, mais des risques d’hospitalisation.

Bientôt accessible

C’est donc en diminuant fortement (de 89 %) les hospitalisations causées par des formes graves de l’infection, un avantage évident à la fois pour le patient et pour notre système de santé, qu’il pourrait avoir le plus d’effets bénéfiques. Il est également fort possible qu’il prévienne les décès, même si ce gain demeure à confirmer. Il est facile à utiliser et présente un excellent profil d’effets secondaires.  

Voilà des nouvelles d’autant meilleures que le produit sera bientôt disponible en quantité limitée, d’abord réservé aux patients les plus à risque de formes graves, les immunosupprimés.

Cependant, comme rien n’est jamais parfait en ce bas monde, on doit exprimer un certain nombre de réserves, portant notamment sur l’étude elle-même, sur le contexte d’utilisation du médicament et sur ses coûts et bénéfices attendus chez nos patients de 2022. Tous des points qui feront l’objet de mon prochain texte.

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Les commentaires sont fermés.

Bonjour,
Il serait intéressant de s’intéresser aux effets secondaires du rinotavir dont la liste sur la notice de ce médicament en fréquent et très fréquent est impressionnante !
De plus ce médicament affecte la prise de ceux qui donnés justement aux personnes à risques des pathologies que vous citez.
Autrement dit si la petite pilule bleue de Pfizer en envoie certains au septième ciel, la petite pilule rose, n’enverra t elle pas certains directement au cimetière ?
Merci

Ce sont de bons points. Je vous invite à lire mon texte suivant, qui traite justement des limites des études portant sur le Paxlovid et du médicament lui-même. Bonne soirée.