La nouvelle ressurgit ces jours-ci sur les réseaux sociaux : le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) serait une pure invention de l’industrie pharmaceutique destinée à accroître ses ventes. La preuve ? Jerome Kagan, un des plus éminents psychologues américains, professeur émérite à Harvard, l’a dit !
Voilà le parfait exemple d’une ineptie sur une question de santé, ainsi qu’il s’en publie des quantités invraisemblables sur le Web. Et une bonne occasion d’expliquer pourquoi vous ne devriez pas croire ce genre de nouvelles.
Jerome Kagan est effectivement un professeur émérite de psychologie à Harvard, comme prennent bien soin de le préciser tous les articles évoquant cette « preuve » de l’inexistence du TDAH. Âgé aujourd’hui de 88 ans, il a eu une longue carrière qu’il a consacrée principalement à la psychologie du développement, c’est-à-dire à la manière dont les habiletés, les comportements ou les processus mentaux se construisent et changent au cours de la vie. Il a notamment beaucoup travaillé sur la notion de tempérament, suivant des cohortes d’enfants pendant des années pour évaluer dans quelle mesure leur tempérament était stable — et donc inné — ou évoluait au gré de leur environnement.
Kagan a beau avoir eu une brillante carrière, il n’a pas étudié spécialement l’hyperactivité. Il a cependant émis son opinion à ce sujet dans une entrevue accordée au magazine allemand Der Spiegel en 2012. C’est cette opinion qui est depuis mise en avant et relayée ad nauseam, comme « preuve » que le TDAH n’existe pas.
Voilà une erreur classique quand on aborde des questions scientifiques et médicales : confondre l’opinion d’un spécialiste, aussi éminent soit-il, avec ce que montrent les résultats des études menées au fil des ans — depuis environ un siècle dans le cas du TDAH. Même si toutes les études ne sont pas parfaites, quand elles s’accumulent, elles finissent par donner une idée de la réalité des choses de manière beaucoup plus fiable qu’une opinion, qui ne peut qu’être teintée par ce qu’a vécu celui ou celle qui l’exprime.
Kagan n’était ni psychiatre ni clinicien : il n’a pas étudié les troubles mentaux ni eu à suivre des enfants qui en étaient atteints. Même si le TDAH est encore un mal bien mystérieux, il y a un réel consensus scientifique selon lequel certaines personnes en souffrent, parfois leur vie durant.
La controverse entourant le TDAH porte plutôt sur la manière dont les médecins, dans leur cabinet, tracent la ligne de démarcation entre ce qui fait partie du spectre normal de la diversité des humains, ce qui relève du TDAH et ce qui s’explique par d’autres facteurs environnementaux — le manque de sommeil, par exemple.
L’industrie pharmaceutique a évidemment intérêt à ce que le plus de gens possible soient considérés comme des malades. On sait bien que le Ritalin et d’autres médicaments sont parfois prescrits à la va-vite, sans une évaluation rigoureuse, à des enfants qui n’en ont pas besoin. Mais ce n’est pas la même chose qu’affirmer que le TDAH n’existe pas !
Dans son entrevue à Der Spiegel, Kagan soutient que chaque enfant qui ne s’en sort pas bien à l’école est envoyé chez un pédiatre, qui lui diagnostique aussitôt un TDAH et lui donne du Ritalin. Chaque enfant qui a des problèmes à l’école ? Voyons donc ! Une généralisation aussi abusive et de mauvaise foi est indigne d’un « éminent » chercheur.
La véritable question est plutôt de savoir qui, parmi les personnes touchées, profite vraiment d’un médicament comme le Ritalin. Et c’est à ce sujet que la science ne fournit pas de réponses claires.
Sur sa lancée, Kagan précise dans Der Spiegel que 90 % des enfants ayant reçu à tort un diagnostic de TDAH n’ont pas un métabolisme anormal de la dopamine. La belle affaire ! Mais combien de lecteurs de ce magazine grand public savent réellement ce que cela veut dire ? Et pourquoi cela n’est-il pas précisé ? Voilà un autre tour de passe-passe pratique qui devrait inciter à se méfier : quand on se justifie en recourant à un vocabulaire scientifique inconnu de ses lecteurs, c’est souvent parce que la vraie explication est plutôt fumeuse…
De fait — et Kagan devrait le savoir —, le lien entre le TDAH et la dopamine, un neurotransmetteur qui circule dans le cerveau, n’est pas encore du tout évident pour les neuroscientifiques. Il n’y a aucune preuve qu’avoir un métabolisme « normal » de la dopamine soit synonyme de « pas de TDAH ».
On trouve enfin dans cette entrevue un autre argument auquel recourent bien des gens qui propagent de fausses informations en santé : cette idée que « c’était mieux avant », par exemple du temps où on se soignait avec des herbes et où on mangeait cru.
En 1950, affirme Kagan, un enfant qui dormait en classe aurait été vu comme simplement paresseux alors que maintenant, on dit qu’il a un TDAH. D’une part, c’est totalement faux : il faut beaucoup plus de critères cliniques pour poser un diagnostic !
Et d’autre part, se contenter d’étiqueter un enfant comme « paresseux » était-il vraiment lui rendre un meilleur service ?
Le TDAH est-il une fraude?
Étiqueter un enfant (ou un adulte) comme paresseux ou atteint de TDAH est du pareil au même… à côté de la «track». Je dirais qu’il s’agit tout simplement d’une incapacité d’adaptation à un style de vie basée sur une routine abrutissante. Rien d’étonnant qu’on cherche toujours le sens de la vie puisque notre société n’a rien d’autre à offrir… de quoi dormir sur son pupitre !
L.M.
Le TDAH n’est pas une maladie, comme vous mentionnez dans votre article, mais un trouble. Faudrait, en tant que journaliste, peut-être mieux vous informer et choisir vos mots…
http://sante.gouv.qc.ca/problemes-de-sante/sante-mentale/
« Maladies mentales les plus connues
Les maladies mentales les plus connues sont :
les troubles de l’humeur;
les troubles anxieux;
les troubles psychotiques.
Il existe aussi d’autres types de maladies mentales, par exemple les troubles de la personnalité et les troubles du comportement alimentaire. »
Curieux article pour quelqu’un qui se prétend journaliste !
Et si c’était vous, Mme Borde qui aviez tout faux ?
Je trouve effectivement que votre article à tout à fait l’allure d’une charge sans nuance contre le psy qui a osé poser une bonne question. Si cela vous indispose tant que ça alors il vaut mieux laisser quelqu’un d’autre rédiger l’article à votre place.
Les médecins ne détiennent pas la vérité. Ce trouble appartient au comportement. Tout à fait d’accord avec les propos de Kagan ! La difficulté de l’enfant ne trouvera pas sa solution dans la médecine. Le médicament ne sert qu’à modifier un comportement pour que l’élève entre dans une case. Nous ne travaillons pas sur la cause mais, l’effet. Trop de personnes prennent des antidépresseurs pour contrer le mal d’une société déshumanisée. Le corps, les organes internes ou externes, les membres détachés d’un squelette ne définissent pas l’affect. Les sentiments, les émotions, la manière d’être deviennent de nouvelles pistes de réflexion. L’intelligence est aussi émotionnelle. La pédagogie et la psychologie sont des avenues contemporaines pour outiller la science de l’éducation. Quand cesserons-nous de considérer la médecine comme la seule et unique science pouvant intervenir sur la personne ? La neurologie et la psychanalyse sont les sciences de l’invisible. Elle sont aussi importantes que la médecine traditionnelle. Elles définissent l’être humain en tant que penseur. Ce qui n’enlève rien à médecine. Une personnalité telle que monsieur Kagan a quelque chose de tout à fait louable à transmettre afin que nous puissions considérer l’affect de la personne dans son développement. Tout n’est pas toujours quantifiable et observable. La prescience est une avenue préventive. Ce n’est pas en regardant toutes les cellules de mon cerveau qu’un médecin définira ce que je pense. Les nouvelles façons d’envisager l’apprentissage sont un bon remarquable de la science de la psychologie vers la science de l’éducation. Enfin, nous ne travaillons plus en vase clos. Le corps est une machine formidable qu’il est nécessaire d’étudier mais, l’émotion enclenche un processus constructif ou destructeur selon la personne. L’estime de soi, la persévérance, des termes encore difficiles à définir ont un impact majeur sur l’apprentissage. C’est ce que nous commençons à observer en définissant les paramètres autrement. Il se pourrait très bien que le TDAH soit une fraude. Ce ne sera pas la première fois que nous serons bernés par l’industrie pharmaceutique. Le monde capitaliste est dirigé par des égos surdimensionnés. Le tempérament et l’environnement ont une grande importance dans le développement. Il n’y a pas que les médecins qui sont docteurs. Un docteur en psychologie peut émettre un point de vue tout à fait acceptable et peut même faire avancer toute la science en définissant autrement la problématique de l’apprentissage de l’élève en difficulté. Je pense que le médecin rencontre des patients et des maladies. L’enseignant, lui, rencontre des élèves, des comportements et une possibilité de placer cette personne en situation d’apprentissage selon le cadre qu’on lui donne. Il est nécessaire d’évaluer certaines situations autrement. Qu’est-ce que le médecin connaît de la classe ? Comment peut-il juger d’un difficulté que rencontre un élève ? Il traite des patients, pas des élèves. Je pense que l’opinion d’un imminent professeur en psychologie vaut amplement celle d’un médecin. Quand cesserons-nous de penser que la médecine détient toutes les solutions ? D’autres avenues existent et il est impératif d’en évaluer les possibilités. L’environnement de la classe, le tempérament de l’élève et sa psychologie, sa famille et l’enseignant(e) sont autant de facteurs à considérer dans le développement de l’apprentissage. Le système, la culture, la communauté ont un impact sur l’enfant. La psychologie et la pédagogie sont encore des sciences trop jeunes pour expliquer les grands enjeux de l’apprentissage mais, ce n’est pas en se référant toujours à la médecine que nous y arriverons. Il faudra reconnaître l’importance d’une toute autre fonctionnalité, dont celle de l’esprit, pour bien connaître qui nous-sommes vraiment. L’homme est à la recherche de lui-même. L’anthropologie, l’histoire, l’éthologie pourront peut-être répondre à nos questions. Dans ma tribu, j’étais un chasseur et on reconnaissait ma compétence. On ne me demandait pas d’être un cueilleur. Comment pouvons-nous demander à un poisson de grimper aux arbres ? Il faut redescendre de ce foutu concept que nous venons du singe, sans quoi nous créons l’école des nuls. On peut aussi apprendre l’échec. C’est l’organisation scolaire telle qu’elle se définit depuis le clergé qui est problématique; pas l’élève ! L’organisation patriarcale et hiérarchique de l’éducation est en cause. Elle déshumanise l’enfant et refuse de considérer qu’apprendre, c’est aimer !
Alors, quelle serait le système matriarcal de l’éducation qui réglerait certains problèmes des apprenants?
Dans l’ensemble votre texte est véridique en ce qui concerne l’affecte des personnes quelque leur âge. Mais, j’ai trouvé votre conclusion nébuleuse.
Le TDAH est malheureusement la « maladie » ou trouble à la mode. C’est utilisé à tord et a travers, commenter de tout bord tout coté et utilisé comme porte de sortie facile pour un diagnostique sans trop avoir à chercher. Comme le Syndrome du Colon Irritable: il suffit d’avoir un problème au cause encore flou, difficile à prouvé ou réfuter et vous pouvez y classer tout les cas embêtants. Cette personne a des trouble de comportement? Alors classons la comme TDAH, de toute façon les causes sont encore méconnue alors qui pourra dire que c’est pas ça? Mon enfant est turbulent,mais pas parce que c’est un enfant de 5 ans, non non le mien est spécial, il est TDAH.
Tout le monde veule tellement être spécial, Il veulent tellement être unique, comme tout les autres.
C’est un manque de respect flagrant pour toute personnes pouvant véritablement êtres affecté et souffrir des conséquences de ces troubles.
Très bel article madame Borde. J’espère équilibrer un peu les propos de plusieurs détracteurs de la section commentaires…
Merci de tenter d’éclairer les lecteurs sur ce qui permet de discerner le consensus scientifique, basé sur l’accumulation des faits, d’une opinion, aussi experte soit-elle. Je trouve dommage que des personnes s’attardent sur quelques détails de votre article quand il est important de comprendre le fond de l’article et les apprentissages que l’on peut en tirer. Vous auriez pu effectivement utiliser bien d’autres exemples qui auraient été tout aussi utiles. En lisant les commentaires j’ai eu une petite pensée pour Normand Baillargeon qui se ferait un plaisir de souligner tous les arguments fallacieux présents dans les commentaires et qui n’aident en rien à élever l’argumentation.
La science a le défaut de ses qualités. Elle sait faire évoluer ses connaissances en fonction des données qui s’accumulent dans le temps ce qui peut l’amener à changer complètement de direction. C’est ce qu’on lui reproche trop souvent sans réaliser l’humilité qu’elle démontre et l’avancement qu’elle nous apporte au quotidien.
Question pour ces détracteurs du TDAH:
Êtes-vous ouvert à faire évoluer votre pensée et reconnaître que vous avez peut-être tort dans ce cas-ci? Je ne vous demande pas de changer votre pensée ou votre opinion qui semble déjà bien campée. Seulement démontrer de l’ouverture à reconnaître que la science détient peut-être au moins une partie de la réponse? Rien n’est blanc ou noir et surtout pas en médecine. C’est très arrogant, réducteur et simpliste de reprocher aux médecins et les autres intervenants du milieu scolaire et de la santé que l’on ne tolère plus rien et que l’on saute rapidement sur les solutions simples… Et d’être à la solde des pharmaceutiques. Elles ont vraiment le dos large d’ailleurs.
En terminant, on jase là, si dans 10 ans la science réalise que l’approche actuelle n’était pas la bonne et que l’environnement doit être adapté pour ces individus et ainsi éviter de les médicamenter, qu’allez-vous penser? Que vous aviez finalement raison, que la science a maintenant vu clair et que maintenant elle est valable parce qu’elle confirme ce que vous croyiez? Si tel est le cas, vous n’avez rien compris.
Actuellement, la science ne détient pas la réponse. En fait, la presque totalité des troubles dans le DSM n’a aucun test biologique pour supporté les dits troubles. L’idée du DSM-III (1980) était d’énumérer les catégories, et ensuite, la science trouverait la pathologie biologique pour chaque cas. Presque 40ans après le DSM-III, on attends toujours (le déséquilibre chimique est depuis longtemps discrédité, même si des psychologues, et médecins ne semble pas être à jour dans leurs connaissances). Ma question pour vous: Si les stimulants n’améliorent pas la situation de l’individu sur le long terme, mais présentent de nombreux effets délétères, diriez-vous qu’on devrait cessez l’usage de stimulants?
Je trouve que vous pausez la mauvaise question. La question à pauser devrait être: doit-on utiliser des médicaments pour des troubles de comportements? Un regard le moindrement critique nous aménerais à la réponse « non ».
Vous devriez vous inspirer du journaliste Robert Whitaker. Par exemple, la présentation suivante pause les bonnes questions:
https://www.madinamerica.com/wp-content/uploads/2011/11/Medicating-Children-.pdf
Il serait aussi pertinent pour vous de comprendre l’historique du DSM:
https://www.youtube.com/watch?v=6JPgpasgueQ
Il est très hazardeux de prendre le DSM, quelqu’en soit la version, comme une vérité absolue. Le DSM est plutôt un dictionnaire de symptômes.
Concernant les études de cortex, si les TDAH sont médicamenté, se pourrait-il que la différence de cortex soit en fait attribuable aux médicaments qui change le fonctionnement du cerveau? Faudrait comparer TDAH non-médicamenté, TDAH médicamenté, et non-TDAH avant de clamer un cortex différent chez les TDAH.
Tout est dit ici : Journaliste scientifique lauréate de nombreux prix, Valérie Borde a publié plus de 1500 articles depuis 1990. Enseignante en journalisme scientifique et conférencière, cette grande vulgarisatrice est à l’affût des découvertes scientifiques récentes et de leurs impacts sociaux, économiques et environnementaux.
Madame Borde a la crédibilité souhaitée pour traiter d’un sujet délicat dans notre société sur-médicamentée. Merci