Le tirzépatide, traitement miracle contre l’obésité ?

Les experts de l’obésité attendent le feu vert de Santé Canada pour ajouter à leur arsenal un médicament approuvé aux États-Unis pour traiter le diabète de type 2. Car la perte de poids qu’il provoque avoisine celle suivant un type de chirurgie bariatrique.

RyanKing999 / Getty Images / montage : L’actualité

Santé Canada n’a pas encore donné son feu vert, mais des spécialistes du traitement de l’obésité ont hâte de pouvoir compter sur cette nouvelle molécule dans leur arsenal pour aider leurs patients : le tirzépatide, qui devrait être commercialisé sous le nom de Mounjaro par la multinationale pharmaceutique Eli Lilly and Company. « Il promet des pertes de poids très, très intéressantes, au-delà des médicaments présentement utilisés », affirme la Dre Fannie Lajeunesse-Trempe, interniste à l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec (IUCPQ), qui se spécialise en médecine bariatrique au King’s College de Londres.

Les traitements actuels prescrits pour gérer l’obésité sont souvent des médicaments pour contrer le diabète de type 2 qui, en prime, ont un effet amaigrissant. C’est le cas par exemple de la molécule sémaglutide, dont la dose de 1 mg est commercialisée sous le nom d’Ozempic et proposée aux patients obèses avec diabète de type 2. Le dosage plus élevé de 2,4 mg, mis sur le marché sous le nom de Wegovy, a été récemment approuvé au Canada pour la perte de poids, que le patient soit diabétique ou pas (il n’est cependant pas encore offert, à cause d’un problème d’approvisionnement).

Selon toutes les études scientifiques connues, le tirzépatide serait plus efficace, au point de donner des résultats comparables à ceux de la gastrectomie pariétale, un type de chirurgie bariatrique, mais sans passer sur la table d’opération.

Comment ça fonctionne ?

Le tirzépatide, tout comme d’autres molécules antidiabétiques, imite des hormones intestinales, dont le rôle est notamment de dire au corps de diminuer sa consommation d’aliments, de ralentir le transit dans l’estomac, d’augmenter le sentiment de satiété et de stimuler la sécrétion d’insuline (hormone qui régule le taux de sucre dans le sang).

Ce qui différencie le tirzépatide des autres médicaments du même genre, c’est qu’il active simultanément deux récepteurs impliqués dans le contrôle de la glycémie et de l’appétit. « Ce qui permet un meilleur contrôle du diabète et potentialise la perte de poids », explique la Dre Fannie Lajeunesse-Trempe. Les récepteurs sont des protéines, qu’on compare souvent à des serrures. Pour les activer et envoyer le bon message à l’organisme, il faut la bonne clé, en l’occurrence une hormone naturelle, ou synthétique comme le tirzépatide.

Des études publiées notamment dans The Lancet, The New England Journal of Medicine et Journal of the American Medical Association montrent jusqu’ici des pertes moyennes de 20 % du poids initial après un an chez les personnes atteintes d’obésité avec ou sans diabète de type 2, et souffrant aussi de complications associées (hypertension, problèmes cardiovasculaires, etc.). « En comparaison, on obtient des pertes de poids de l’ordre de 6,7 % avec Ozempic et de 5 % à 8 % avec les autres molécules », précise l’interniste. Wegovy procure quant à lui des pertes de poids d’environ 12,4 %. La chirurgie, elle, fait baisser la balance de 25 % à 30 %.

Qui pourra en bénéficier ?

Au Canada, tous les médicaments approuvés pour la perte de poids peuvent être prescrits aux personnes avec un indice de masse corporelle (IMC) de plus de 27 présentant d’autres problèmes de santé, ou avec un IMC de plus de 30. Santé Canada recommande de les prescrire en ajout aux changements des habitudes de vie afin d’obtenir les pourcentages de perte de poids dont font état les études. « La médication n’est pas une baguette magique », nuance la Dre Lajeunesse-Trempe. 

Les spécialistes s’attendent à ce que le tirzépatide soit accepté au Canada dans la prochaine année pour traiter l’obésité avec diabète de type 2 associé. Ils espèrent aussi que la molécule sera reconnue pour la gestion de l’obésité sans diabète.

Le Dr Laurent Biertho, chirurgien spécialisé en chirurgie bariatrique et chercheur à l’IUCPQ, estime que la molécule pourrait être utilisée, dans certains cas, pour remplacer les opérations, « ce qui permettrait de réduire les listes d’attente qui se sont allongées en raison de la COVID notamment ». Pour passer sous le bistouri, il faut présenter un IMC au-dessus de 35 et souffrir de problèmes de santé associés à l’obésité qui n’ont pas diminué malgré un changement des habitudes de vie. Il faut aussi faire preuve de patience, puisque l’attente pour une telle opération est actuellement de trois ans à trois ans et demi.

Miraculeux ?

Le tirzépatide, au même titre que les autres antidiabétiques, peut causer des effets secondaires. « Puisqu’il est plus efficace, ses effets secondaires digestifs, comme la nausée, les vomissements, la perte d’appétit, la constipation ou la diarrhée, peuvent être plus importants », souligne la Dre Lajeunesse-Trempe. Mais cela varie selon chaque patient : certains ne tolèrent pas bien les effets secondaires, d’autres en ont à peine. De plus, les études cliniques révèlent que la molécule ne provoque pas la même perte de poids chez tout le monde.

« Souvent, l’arrêt d’un traitement de ce genre s’accompagne d’une reprise de poids », précise la médecin. Le tirzépatide devra donc probablement être pris sur une longue période, voire pendant toute la vie, pour que la perte de poids se maintienne. Les patients devront également bénéficier de conseils nutritionnels et psychologiques, ainsi que d’un suivi en matière d’activité physique, afin de faire des changements durables, ajoute l’interniste.

Sera-t-il remboursé par la RAMQ ?

Actuellement, la RAMQ ne rembourse ce type de médicaments que pour contrer le diabète. Les décideurs considèrent que l’obésité peut être maîtrisée par les habitudes de vie. La chirurgie bariatrique n’est pas accessible à toutes les personnes obèses non plus : elles doivent répondre à des critères précis (des problèmes de santé associés notamment). Les Québécois en surpoids qui n’ont pas d’assurance privée couvrant ces traitements doivent donc s’attendre à payer de 200 à 400 dollars par mois, selon le médicament prescrit.

Dans un rapport paru le 24 octobre, l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS), qui recommande les remboursements de médicaments, dresse un état des connaissances « sur l’efficacité, l’innocuité, l’efficience et l’usage recommandé des médicaments dans le traitement de l’obésité, afin de soutenir le ministère de la Santé et des Services sociaux dans sa réflexion concernant la pertinence d’élargir la couverture publique à ce type de médicaments pour certaines clientèles bien définies ». Selon les experts du domaine, c’est un pas dans la bonne direction.

« Il est d’une importance cruciale que la mentalité des gouvernements change par rapport à l’obésité, plaide la Dre Lajeunesse-Trempe. Cette maladie chronique complexe découle en partie des habitudes de vie, oui, mais aussi des gènes, des hormones, de changements métaboliques… L’obésité est l’un des facteurs de risque les plus importants du diabète de type 2, de maladies cardiaques, de cancers, de problèmes de santé mentale et j’en passe. »

Les spécialistes de l’obésité attendent donc le feu vert de Santé Canada avec impatience. « Grâce à la médication et la perte de poids qu’elle engendre, on permet à certains de nos patients de faire le pas en avant dont ils ont besoin pour améliorer leur qualité de vie et leur santé », dit la Dre Lajeunesse-Trempe. 

Si vous avez aimé cet article, pourquoi ne pas vous inscrire à notre infolettre santé ? Vous y lirez en primeur, tous les mardis, les explications toujours claires, détaillées et rigoureuses de notre équipe de journalistes et de professionnels de la santé. Il suffit d’entrer votre adresse courriel ci-dessous. 👇

Les commentaires sont fermés.

Il faudrait dire pourquoi les régimes amaigrissants ne fonctionnent pas:
– La diminution du métabolisme de base (Québec Science, novembre 96 , ¨Les explorateurs de l’obésité¨)
-Possiblement le microbiote (L’Actualité 1ier mars 2010¨ Guérir par les microbes? ¨ )
-L’hérédité (Le médecin du Québec novembre 2020. ¨Traitement médical en obésité. Selon Marie-Philippe Morin m.d. à la page 45: ¨De 40% à 70% de notre poids serait en effet déterminé génétiquement.¨

Il serait aussi intéressant de savoir si le patient continue de maigrir après un an de traitement avec ce nouveau médicament. S’il perd 18% de sa masse corporelle, c’est bien, mais s’il faut continuer de prendre ce médicament à vie juste pour garder cette perte de poinds, ça peut devenir un problème, surtout s’il y a des effets secondaires.