L’épidémie de variole simienne en voie de résolution !

Les médecins de l’émission STAT ont soupçonné cette semaine un cas de variole simienne chez une patiente. Revenons sur cette épidémie bien réelle qui a soulevé beaucoup de craintes à l’été 2022, mais qui semble actuellement maîtrisée.

Rick Bowmer / AP / La Presse Canadienne / montage : L’actualité

Notre collaborateur le Dr Alain Vadeboncœur, urgentologue et professeur titulaire à l’Université de Montréal, est conseiller médical pour l’équipe de STAT. Il s’inspire ici des intrigues de la série télévisée pour donner des renseignements plus approfondis sur certaines des maladies diagnostiquées à l’écran. 

Un bilan de l’épidémie

Je ne reviendrai pas ici sur les symptômes de l’infection, que j’avais déjà dépeints dans mon premier texte sur le sujet, paru le 20 mai, que je vous invite à lire. Ni sur les traitements potentiels, pour la raison qu’il n’en existe aucun de bien efficace, bien que des antiviraux soient approuvés pour utilisation clinique.

Je souhaite surtout faire le bilan de l’infection jusqu’ici et de la grande amélioration constatée. Même sans regarder les données, nous aurions pu nous en douter, parce que cela fait plusieurs semaines qu’on n’en parle plus, après qu’elle eut fait les manchettes pendant plusieurs jours cet été. Et quand on n’entend plus parler de quelque chose, c’est souvent le signe que c’est derrière nous.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait exprimé ses craintes le 23 juillet en déclarant l’épidémie « urgence de santé publique de portée internationale », une décision mitigée parce que le comité de surveillance n’a pu atteindre un consensus sur cette question. Quoi qu’il en soit, les instances de santé publique ont bien réagi partout dans le monde, ce qui a mené à l’amélioration actuelle.

Avant l’épidémie présente, la variole simienne se retrouvait surtout dans certains pays d’Afrique. La dernière « grande » éclosion dans le monde n’avait fait que 71 cas en 2003 aux États-Unis, et toutes ces infections avaient été transmises par des animaux contaminés importés d’Afrique. L’épidémie existante est de plus grande ampleur en comparaison, il s’agit de la plus forte et la plus répandue enregistrée depuis la découverte de ce virus dans les années 1970 après la disparition de sa cousine, la variole. L’épidémie touchant aussi de très nombreux pays, cela pouvait faire craindre le pire. Certains territoires, comme l’Espagne puis d’autres pays d’Europe, le Québec et les États-Unis, ont connu des montées rapides de cas, parfois à des niveaux très élevés. Ils ont fait redouter une situation impossible à maîtriser, ce qui n’est pas arrivé, malgré un total de 78 599 cas documentés dans le monde, dont 1 444 au Canada, en date du 8 novembre. Comme on l’a vu par la suite, même dans les pays les plus touchés, l’épidémie a largement régressé.

Données en cas par million de personnes par jour montrant les débuts de l’épidémie durant le mois de mai, la forte montée des cas en Espagne dès juillet, le pic du mois d’août aux États-Unis, puis la régression graduelle des cas dans tous ces endroits. Le Canada a connu une poussée précoce en juin, mais n’a jamais atteint les mêmes niveaux.

Du côté des effets sur la santé, une méta-analyse publiée le 31 octobre dernier, qui suggère la prudence avec les informations dont nous disposons, pointe vers les faits suivants pour l’ensemble des cas documentés dans des recherches validées au cours des dernières années (y compris l’épidémie actuelle, qui comporte la majorité des cas) :

  • Un taux global d’hospitalisation de 7,3 % (donc 1 hospitalisation pour 14 cas)
  • Un taux de décès de 0,2 % (soit 1 décès pour 502 cas)
  • Un âge moyen de 35 ans
  • Des hommes atteints dans 98 % des cas

Un groupe à risque

Durant l’épidémie actuelle, la variole simienne a surtout affecté un groupe particulier de personnes, soit les hommes homosexuels ayant eu plusieurs partenaires. On ne s’explique pas clairement la concentration presque exclusive des cas dans cette communauté, puisque la variole simienne, selon ce qu’on en connaît, se transmet lors de contacts étroits (comme lorsqu’on se parle de près, qu’on s’embrasse ou qu’on se touche), pas seulement lors de relations sexuelles. 

Au pic de l’infection canadienne, surtout concentrée au Québec et en particulier à Montréal, quelque 98 % des cas se retrouvaient dans ce groupe à risque — comme partout dans le monde —, seuls quelques femmes et enfants ayant été contaminés par un de leurs proches. Beaucoup avaient prédit que l’infection se répandrait en masse à d’autres groupes, mais cela ne s’est pas avéré.

Pour expliquer cette répartition particulière dans la population, on a évoqué une mutation virale qui aurait modifié son mode de transmission, mais cela n’a pas été démontré. Certaines mutations pourraient avoir augmenté sa capacité de transmission, mais cela demeure une hypothèse. D’ailleurs, le virus étant constitué d’ADN (comme celui de la varicelle) et non d’ARN (comme celui de la COVID-19), sa susceptibilité aux mutations est limitée.

La réponse des autorités de santé publique

Du côté de la santé publique, une campagne de vaccination ciblant les groupes à risque, comme recommandé, avec le vaccin de la variole, virus cousin, s’est enclenchée rapidement, en plus de la diffusion d’information sur les pratiques à risque et des conseils d’usage pour les personnes contaminées.

Dans la communauté LGBTQ+, une mobilisation a aussi eu lieu et les comportements de proximité sexuelle ont changé, comme cela a été documenté aux États-Unis. La vaccination a également connu un large succès, notamment en France. À l’échelle mondiale, l’OMS a choisi, le 1er novembre dernier, de maintenir l’épidémie à un statut d’urgence de santé publique de portée internationale afin de continuer à suivre son évolution de près.

Beaucoup avaient pourtant annoncé que l’épidémie de variole simienne pouvait être d’une grande ampleur, même comparable à celle de COVID-19. Certains réclamaient la vaccination de masse, le retour du masque obligatoire en raison d’un potentiel (largement théorique) de propagation aérienne et des mesures plus musclées d’identification, de traçage des contacts et d’isolement.

Quant à la propagation par aérosols, considérée comme possible, elle est demeurée nulle ou au pire marginale, les dispositions raisonnables mises en place par les autorités de santé publique des différents pays s’étant avérées efficaces pour contrer la transmission sans prendre en compte cette voie.

Je pense qu’on peut en tirer une leçon quant à l’importance de bien discuter des risques de manière nuancée, par rapport aux faits constatés, pour éviter de lancer trop souvent des alertes qui pourraient affaiblir en définitive notre capacité de réaction si les scénarios catastrophiques sont trop fréquemment évoqués.

L’amélioration actuelle

En ce moment, il n’y a pratiquement plus de cas à Montréal, pourtant l’épicentre canadien de l’épidémie, ce qui laisse croire qu’elle tire à sa fin. Une inconnue toutefois : la durée de protection du vaccin, administré à environ 30 000 personnes au Québec et dont l’efficacité pourrait décroître avec le temps. La majorité des gens ont reçu une seule dose, alors qu’une deuxième est recommandée après un mois quand le risque d’exposition persiste.

L’évolution de cette épidémie est donc favorable, puisque le nombre de cas dans le monde se situe à moins de 200 par jour, après un pic de plus de 1 000 cas par jour au début août 2022. Jusqu’à présent, il n’y a pas eu de remontée du nombre de cas dans les pays qui avaient été le plus touchés, mais la suite devra être surveillée…

Il est aussi possible que l’épidémie se résolve complètement, ce qui serait une excellente nouvelle, parce que des histoires de virus, on en a assez comme cela à gérer. C’est donc une histoire à suivre, comme la plupart des histoires où l’on retrouve le mot « virus ».

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